Acrobates – Hommage à Fabrice Champion
« Je ne peux plus marcher. Je ne peux plus monter d’escaliers. Je ne peux plus avoir d’orgasme. Je ne peux plus me promener dans les prés, nager dans les rivières, dans les lacs« . Acrobates démarre par les quelques paroles poignantes du trapéziste Fabrice Champion après son accident. Il est acrobate, défie les lois de la gravité, fait la grimace au vide. Mais un jour c’est la chute, Fabrice Champion est paraplégique. La passion du cirque et de l’acrobatie étant plus forte que tout, il décide de remonter un spectacle avec deux jeunes circassiens valides, Alexandre Fournier et Matias Pilet. Mais Fabrice Champion décède avant son aboutissement, en novembre 2011.
Acrobates n’est pas un hommage, n’est pas une biographie, n’est pas aperçu du projet inabouti. Ou plutôt c’est tout ça à la fois, avec en ligne conductrice cette passion de défier le vide et l’apesanteur, cette envie plus forte que tout de jouer avec. Et deux corps qui volent dans les airs, parfois avec une grande violence, parfois avec une infinie complicité.
Alexandre Fournier et Matias Pilet rejouent sur scène ce pour quoi l’acrobatie est toute leur vie, et toute la vie de Fabrice Champion. C’est cette envie de dépasser ses limites, de lâcher prise, de s’envoler. Bien plus qu’une discipline sportive, l’acrobatie est ce qui les définit. Sur un plateau penché, ils se mettent à jouer avec une nouvelle dimension, à faire oublier le poids des corps entre deux pirouettes et quelques sauts périlleux. Le geste est celui d’un danseur, gracieux et paraissant inné, sans le moindre effort. Derrière défilent quelques images du cheminement de Fabrice Champion après son accident, le retour sur la piste, l’apprivoisement aussi d’une nouvelle dimension, et le travail avec ses deux jeunes acolytes. Et l’émotion saisit lorsque, assis sur les épaules de l’un de ses partenaires grâce à un harnais, il s’écrie « Je n’ai jamais été aussi haut de ma vie depuis six ans« .
Acrobates est aussi une jolie métaphore sur le travail du deuil. Après la nouvelle, l’un des deux artistes transforme l’acrobatie en une grande violence. Il se jette contre les murs, se cognent à terre, se tord les genoux. Comme si sa discipline, qui l’avait toujours aidé toute sa vie, ne pouvait rien faire cette fois-ci face à cette mort forcément injuste. L’acrobatie en devient même une souffrance, ne rappelant que plus vivement l’absence.
Mais tous les deuils s’apaisent. Après la violence, les deux acrobates retrouvent la joie de leur discipline. Avec plus de maturité. Et le spectacle se termine par un final enivrant de virtuosité, marqué par la grande complicité et l’absolue confiance qui règnent entre les deux artistes. Ils se rattrapent, ils se contrôlent, ils se portent à la frontière du déséquilibre. Acrobates est aussi l’histoire de leur cheminement et de leur arrivée dans l’âge adulte.
Acrobates de Stéphane Ricordel et Olivier Meyrou au Cent Quatre. Avec Alexandre Fournier et Matias Pilet. Mercredi 12 février 2014.
a.
ça a l’air passionnant! franchement, s’ils faisaient une tournée, j’irais… mais voilà…
Amélie
@ a. : Guettez, les dates de tournée ne sont pas à exclure.