TOP

Soirée Jeunes danseurs et danseuses : quoi et qui voir danser sur scène ?

Instituée dans les années 1970, la soirée Jeunes danseurs et danseuses revient tous les trois-quatre saisons. Elle permet à de jeunes artistes du corps de ballet, parfois tout juste sorti-e-s de l’École, de se confronter à des grands extraits du répertoire et des rôles d’Étoiles.

Cette soirée a souvent le savoureux goût de la découverte. Ces danseurs et danseuses y montrent pour la première fois leurs qualités en tant que solistes. Dans certaines compagnies, ce genre de programme a d’ailleurs lieu tous les ans, une plutôt bonne idée dans les grandes troupes, où il est plus difficile de se dégager du corps de ballet.

Les soirées Jeunes danseurs et danseuses font donc souvent partie de ces « spectacles de la saison à ne pas manquer ». Le programme de l’édition 2014 , qui a lieu du 18 au 22 avril au Palais Garnier, est toutefois assez déstabilisant. Ces représentations sont en général composées de morceaux de bravoure des ballets classiques, de grands extraits du répertoire, ces pas de deux virtuoses et éclatants. Rien de cela ici, pour une soirée qui pourrait plutôt s’intituler « Soirée chorégraphes maison ». Les distributions ont suivi en conséquences, avec parfois, à la place de tous jeunes talents, des artistes qui ont déjà une expérience confirmée. Ce qui ne laisse pas présager un mauvais spectacle, mais ce n’est pas vraiment le but de l’opération.

 

La Source de Jean-Guillaume Bart 

Pas de trois extrait de l’acte I, dansé par Alice Catonnet (Naïla), Antoine Kirscher (Zaël) et Florent Melac (Djemil).

« Ces morceaux, les plus virtuoses de l’ouvrage, sont destinés à mettre en valeur les qualités techniques et artistiques de ces jeunes danseurs« , explique le chorégraphe Jean-Guillaume Bart. L’extrait a été légèrement modifiée, en raison de l’absence du corps de ballet. Très joli passage, c’est peut-être l’extrait qui correspond le mieux à ce qu’on attend d’une soirée « Jeunes danseurs et danseuses ». Alice Catonnet et Florent Melac ont beaucoup de qualités, de la personnalité. Quant à Antoine Kirscher, ce sera le grand saut, il n’a pas encore passé un Concours de promotion, mais il s’était fait remarquer lors de ses années à l’Ecole de Danse.

Myriam Ould-Braham - La Source

Myriam Ould-Braham – La Source

Wuthering Heights de Kader Belarbi

Duo extrait de l’acte I, dansé par Laura Bachman (Catherine) et Takeru Coste (Heathcliff).

Extrait du premier tableau de l’acte I, il s’agit d’un « duo entre Catherine et Heathcliff, son frère adoptif aux origines obscures, grandissant comme des sauvageons. C’est le paradis réservé des amours enfantines« . Un joli extrait pour un couple de jeunes artistes. Takeru Coste est souvent dévoué à des rôles comiques, il sera intéressant de le voir dans un autre registre. Laura Bachman s’est pour sa part fait remarquer au dernier Concours de promotion, même si elle n’était pas passée. À suivre.

 

Les Enfants du Paradis de José Martinez 

Pas de deux extrait de l’acte II, dansé par Hannah O’Neill (la ballerine) et Mathieu Contat (Frédérique Lemaître).

Ce extrait est un passage du « ballet dans le ballet » Robert Marcaire. Au milieu de la romance entre Garance est Baptiste est en effet inséré un ballet de divertissement, virtuose. C’est cet extrait qui a été choisi. La chorégraphie n’est pas des plus inventives mais elle fait son petit effet, surtout si ses interprètes savent y donner tout leur panache. Hannah O’Neill est l’une des jeunes talents à suivre, elle a brillé lors du dernier Concours de promotion et s’impose en scène. Mathieu Contat avait eu droit au rôle principal de Coppélia (Frantz) alors qu’il était à l’École de Danse, mais n’a pas vraiment eu sa chance dans le corps de ballet depuis. Une occasion de se rattraper.

 

Caligula de Nicolas Le Riche

Extraits, dansé par Alexandre Gasse (Caligula), Letizia Galloni (La Lune) et Germain Louvet (Incitatus).

Ce pas de trois est un extrait de plusieurs passages, retravaillé pour l’occasion. Le choix laisse assez perplexe. Ballet vite vu et vite oublié, il n’offre pas forcément des passages de formidables chorégraphies. Alexandre Gasse est un artiste très intéressant, mais qui n’a pas vraiment sa place dans ce genre de soirée : c’est un danseur expérimenté, dans la compagnie depuis déjà plusieurs années. Letizia Galloni devrait mettre toute sa sensibilité dans ce joli personnage de la Lune, sûrement ce qu’il y a de plus réussi dans Caligula. Quant à Germain Louvet, ce danseur brillant méritait sûrement mieux que cet extrait d’Incitatus franchement ridicule.

 

Le Parc d’Angelin Preljocaj 

Pas de deux de l’Abandon, dansé par Charlotte Ranson et Yvon Demol.

Ahh, le pas de deux de l’Abandon du Parc, vu et revu en gala, tourné à toutes les sauces dans la pub… mais qui se revoit toujours avec régal lorsqu’il est bien dansé. Intrinsèquement, découvrir Charlotte Ranson dans cet extrait devrait être un très beau moment. Elle est une danseuse lumineuse à la forte personnalité, ce genre de chose devrait bien lui aller. Plus prosaïquement, comme ci-dessus, on a affaire à deux artistes déjà expérimentés et dans la compagnie depuis plusieurs années.

Isabelle Ciaravola et Karl Paquette - Le Parc

Isabelle Ciaravola et Karl Paquette – Le Parc

Quatre figures dans une pièce de Nicolas Paul

Dansé par Daniel Stokes, Julien Cozette, Maxime Thomas et Antonin Monié.

Je ne connais pas cette pièce de Nicolas Pauls, laissons donc la parole au chorégraphe. « Cette pièce trouve sa genèse dans une contrainte spatiale : comment créer une chorégraphie pour quatre interprètes dans un espace de cinq mètres sur cinq ? Telle était la surface de la scène du musée Picasso de Malaga. Partant de cette contrainte, j’ai voulu explorer une écriture chorégraphique qui questionne ce rapport à un espace réduit. Un peu à la façon d’un exercice de style, j’ai accentué ce jeu entre espace clos et écriture au point de voir certaines thématiques s’imposer à moi, thématiques que le public sera libre d’interpréter« . Sans juger de la qualité de cette pièce, elle ne semble pas vraiment à sa place dans un programme Jeunes danseurs et danseuses, idem pour ses interprètes.

 

Réversibilité – Pavane pour une infante défunte de Michel Kelemenis 

Trio extrait de la pièce, dansé par Jennifer Visocchi, Antonio Conforti et Cyril Chokroun.

Ce que dit le chorégraphe de cette pièce : « Les deux musiques proposent, dans leur titre respectif, le fait d’une séparation, physique pour la première, affective pour la seconde. Je souhaite partir de cette idée, pour évoquer le sentiment conflictuel de balancement entre refus et résignation, le désir de réversibilité face à l’irréversible. Le Concerto fera l’objet de que j’appelle – dans l’abstraction – « l’invention des personnages » : une femme et deux hommes qui se dégagent de la danse très animée d’un ensemble de dix-neuf danseurs. Puis le trio s’inscrit dans un crescendo s’écartant progressivement de la contenance supposée par le titre de Pavane, vers l’expression agitée d’un état de refus« . Même remarque que la pièce précédente.

 

Fugitif de Sébastien Bertaud 

Extrait, dansé par Lucie Fenwick et Mickaël Lafon.

Sébastien Bertaud avait présenté Fugitif lors d’un programme Danseurs et danseuses-chorégraphes. Inspirée de l’univers McGregor, la pièce était très bien construite, en place, l’apprenti-chorégraphe sachant déjà bien maîtriser l’espace. Le choix des artistes semble aussi être plutôt intéressant. La pièce sera dansée juste avant son « modèle », il faudra supporter la comparaison.

 

Genius de Wayne McGregor

Extrait, dansé par Juliette Hilaire et Hugo Marchand.

Wayne McGregor, on a beau dire que tous ses ballets se ressemblent (et c’est vrai), mais son Genius fait son effet. Les danseurs et danseuses de l’Opéra vont au bout de leurs capacités physiques avec une grande énergie. C’est net, virtuose, frappant. Avec sa ligne longiligne, Hugo Marchand devrait bien s’en sortir, même si l’on peut regretter, après son beau Tchaïkovski-Pas de deux du Concours de promotion, qu’il n’ait pas droit à un extrait du répertoire classique.

 

Amoveo de Benjamin Millepied

Pas de deux, dansé par Léonore Baulac et Jérémy-Loup Quer.

Un choix intéressant pour finir la soirée. Amoveo est une pièce qui accroche le regard. Le casting est très intéressant, entre une danseuse lumineuse et un danseur dont la personnalité se démarque de plus en plus.

 

Intrinsèquement, la soirée promet donc d’être intéressante. Mais est-ce une soirée Jeunes danseurs et danseuses ? Non. Brigitte Lefèvre s’est fait plaisir avec des duos contemporains se ressemblant beaucoup, laissant de côté les extraits du répertoire qu’il est pourtant si important de travailler pour de jeunes artistes. Le choix des pièces a forcément joué sur les distributions, avec des artistes devant être plus matures, capables d’aborder ce genre de chorégraphie.

Cette direction artistique n’est pas discutable en soi, mais il est dommage que cette soirée « Jeunes danseurs et danseuses » perdent de sa fonction première. Les jeunes artistes du corps de ballet n’ont aucune occasion de se montrer dans un rôle de soliste, mis à part ce programme qui a lieu tous les trois-quatre ans. Il y a bien sûr le Concours de promotion, mais c’est un exercice totalement différent. Cette soirée, c’est un vrai spectacle, ils ont des temps de répétition, l’orchestre, le public… Ce n’est plus un Concours. Des danseurs et danseuses comme Sae Eun Park, Ida Viikinkoski, Roxane Stojanov ou Emma d’Humières auraient aussi mérité d’y être.

 

Comments (8)

  • Anabela

    Comme je suis déçue de la programmation de cette soirée!
    Je ne comprend pas pourquoi imposer à cette jeunesse énergique et pleine d’envie ces chorégraphies contemporaines où elle aura peu à …danser.
    Il me semble évident que c’est à cet âge qu’il faut envoyer les Don Quichotte, les Lacs des Cygnes…ou même du Kiliyan ou du Forsythe ( quitte à faire danser du contemporain, autant que ça soit de la qualité…)
    De plus cela aurait été sympa d’avoir plusieurs distributions pour laisser sa chance à d’autres: j’aurai aimé voir Marion Barbeau, Amélie Joannides ou Hugo Vigliotti par Exemple. Et bien sur Sae Eun Park, mais peut-être n’a-t-elle déjà plus rien à prouver 😉

    reply
  • Joelle

    Je suis très curieuse de découvrir ce programme la semaine prochaine. Il m’a l’air intéressant et cela permettra peut-être aux danseurs affichés sur la liste de pouvoir faire leurs preuves et obtenir de meilleures distributions qu’à l’accoutumée… Mais je n’ai pas le recul suffisant pour juger des oeuvres présentées, car je n’en connais que deux en tout (Le parc et Fugitif). Donc ce sera une nouvelle soirée « découverte » !

    reply
  • alpha

    Peut être, mais des artistes intéressants. Replongez vous dans les programmes des spectacles de l école de danse… les grands ados dont devenus des hommes et des femmes, interprètes. Choix subjectifs, bien sûr. Des risques aussi… la vie de danseuses danseurs donc !

    reply
  • Cams

    Programmation décevante avec aucun classique à part la Source. Le programme de la dernière soirée jeunes danseurs était plus sympa avec des vrais morceaux de bravoure pour mettre en valeur les jeunes.
    Comme tu le dis, on a l’impression d’avoir à faire à une soirée jeunes chorégraphe.
    Je trouve la première partie du programme assez intéressante. Mais la seconde…

    reply
  • Joelle

    J’ai beaucoup aimé cette soirée, même si j’aurais préféré voir un ordre différent dans la présentation des 10 extraits de ballets… Il y avait du cœur à l’ouvrage chez les danseurs, même si certaines difficultés techniques ont parfois posé quelques problèmes à certains (je pense à la Source). Le public de vendredi était attentif et enthousiaste pour la plupart. J’ai aussi l’impression d’avoir vu de beaux potentiels sur scène et je leur souhaite tout le meilleur !

    reply
  • petit voile

    Lesdits chorégraphes français ne font certes pas des chefs d’œuvre…!
    Mais il faudrait qu’un certain public commence à admettre que les variations du Lac et Don Quichotte @ Co, servies resservies à foison dans tous les concours et toutes les soirées de galas, les danseurs n’ont aucune envie de les danser! Enfin soyons franches avec « la bravoure », ces variations n’ont rien de difficile ! Elles en jettent, en jette autant de danser du Mc Gregor et du Forsythe avec bien plus de difficulté.

    reply
  • steph

    C’était une belle et intéressante soirée, et les danseurs nous ont offert de très jolies prestations…même si c’était moins classique que les autres années…

    reply

Post a Comment