Soirée Nicolas Le Riche – De joyeux au revoir
La soirée d’adieux de Nicolas Le Riche est retransmise sur Arte le lundi 29 décembre à 22h30.
Ça y est, la fameuse soirée du 9 juillet 2014, scellant le départ de Nicolas Le Riche de l’Opéra de Paris, était enfin arrivée. La pluie diluvienne parisienne était mise de côté, l’immense raté de la vente des places fut (presque) oublié. Chacun, bon gré mal gré, avait son précieux ticket. Mélancolie (la fin d’une époque) ou tristesse (un immense danseur qui s’en va) étaient même remisées au placard pour laisser place à un grand bonheur d’être là. La soirée fut d’ailleurs très joyeuse, sans trop de prétention ni de blabla, à l’image du danseur.
Cette soirée retraçait le parcours du Danseur Étoile, avec la conscience d’une vie remplie ponctuée de nombreuses étapes. Le spectacle tournait autour de Roland Petit, Maurice Béjart, Mats Ek ou Rudolf Noureev, quatre grandes personnalités qui ont tellement compté dans la carrière de l’Étoile. Pas de Défilé, mais l’École de Danse, comme le souvenir d’un gamin de 10 ans qui réussit le concours par bravade et se retrouve propulsé sur le devant de la scène.
D’un point de vue purement critique, cette soirée fut toutefois un peu inégale. D’un côté les pièces où dansaient Nicolas Le Riche. Sublimes. Puis les autres pièces, qui laissaient parfois perplexes. La première partie a ainsi pris le dangereux chemin du Gala Noureev, avec un pas de six de Raymonda escamoté de toutes ses variations (l’intérêt de la chose demeure encore un mystère). La deuxième partie, de très haute volée, rattrapa heureusement le tout, et il est fort à parier qu’il ne reste dans la tête du public que des émotions fortes et beaucoup de sourires.
Le tout démarra d’ailleurs de la plus charmante des façons. Matthieu Chedid ouvrit le bal à la guitare électrique, tandis que Nicolas Le Riche semblait comme improviser quelques pas de danse. Un superbe retiré, quelques sauts, une pirouette, un décalé, un geste plus contemporain… Ce n’était pas du hasard, mais des petits bouts de quelques-uns de ses grands rôles, Siegfried, Apollon, un peu de Forsythe ou de Robbins.
Place ensuite à l’École de Danse avec l’ouverture des Forains. Nicolas Le Riche en était aussi, portant une petite danseuse sur ses épaules, dansant avec les Petits Rats. Les générations se suivent et se mélangent. Le jeune Francesco Mura, reprit bravement et joliment le solo du Tambour du Bal des Cadets, dansé il y a de nombreuses années par Nicolas Le Riche et presque le point fort de cette première partie. Raymonda tronqué avec deux Étoiles fatiguées et un corps de ballet parfois brouillon, suivi d’un Après-midi d’un Faune bien terne (si ce n’est le glamour-à-qui-on-ne-l’a-fait-pas d’Eve Grinsztajn) avait comme de quoi faire peur. N’y a-t-il vraiment que Nicolas Le Riche pour donner des frissons ? Assurément non, mais ses collègues du jour n’ont pas vraiment réussi à prouver le contraire.
La barre était haute aussi, avec Nicolas Le Riche véritablement transcendé par la soirée. Son Jeune Homme et la mort, je ne vais plus compter combien de fois je l’ai vu. Et pourtant, la surprise est toujours là. Ce combat de 15 minutes contre la Mort laisse toujours haletant, saisissant. C’est bien dans ce ballet que l’on se rend compte de sa formidable connaissance de sa danse. Ce n’est pas une question de sauter haut, ce qu’il fait de façon stupéfiante. C’est cette façon d’être en constant déséquilibre, de se donner à chacun de ses pas. La complexité de ses gestes est telle que l’on a l’impression qu’il connaît 1.000 façons de plus que les autres de bouger sa tête, de lever un bras, de monter une jambe. L’intelligence du geste doublé d’un charisme dévorant, vous ne pouvez que succomber.
L’extrait d’Appartement de Mats Ek était dans cette veine. La fabuleuse Sylvie Guillem avait fait le chemin pour l’occasion (même si elle a refusé d’apparaître sur la diffusion streaming, j’en connais qui sont en pleine frustration, LA Guillem ne changera jamais). Nicolas Le Riche et Sylvie Guillem ont pour eux cette formidable science du mouvement poussé à l’extrême. Ensemble sur scène, on y retrouve en plus une alchimie fascinante. Ils jouaient un couple, mais voilà comme l’impression de voir des jumeaux sur scène. Ils semblent se connaître depuis leur naissance, sentir le geste de l’autre les yeux fermés, deviner tous les déplacements. C’est un couple de danse en osmose, travaillé et poli depuis des années.
Impossible de faire une soirée d’au revoir sans discours. Ce fut Guillaume Gallienne qui s’y colla, pour une ode en vers avec quelques humours et piques. « Ton génie Nicolas est plus grand que ton âge / Et que si cet endroit te déclare trop vieux, pour continuer ici tes grands sauts périlleux / Et bien tu les feras ailleurs, sur d’autres scènes / Tu auras pour créer le soutien des mécènes / Ou celui de l’Etat ! Ce serait pas mal ça ! / Que tu puisses transmettre !« , certains apprécieront. Un extrait de Caligula, dont l’acteur avait fait le livret, suivit. L’extrait d’Incitatus est ce qu’il est, Audric Bezard s’en est plutôt bien sorti. Mais quel dommage d’avoir relégué Mathieu Ganio au porteur de laisse. Celui qui apparaît de plus en plus comme le successeur de Nicolas Le Riche, l’Étoile qui porte les autres, aurait mérité d’avoir son talent mis un peu plus en avant.
Le final pouvait-il être autre chose que ce Boléro, cette espèce de mise à mort où le danseur livre ses dernières armes avant de s’écrouler ? Les Boléro que j’ai vu avaient toute une connotation de guerre : le combat du Dieu ou d’une grande prêtresse. Rien de tout ça ici, même pas une once d’allusion sexuelle, alors que la chorégraphie s’y prête si facilement. Ce Boléro fut juste – mais c’est énorme en fait – un incroyable hymne à la danse. Le bonheur de danser, le bonheur du geste, le bonheur de la scène, le bonheur d’être là. Quelque chose d’indiciblement joyeux.
Dans ses derniers élans à Garnier, Nicolas Le Riche affichait donc un sourire lumineux. Josua Hoffalt et Karl Paquette, Étoile acceptant pour un soir de revenir dans la foule, portèrent le corps de ballet dans une autre dimension. Le Boléro fut le message de transmission de Nicolas Le Riche. Un homme qui est simplement heureux de danser et qui transmet cette joie à toute une autre génération. Ses derniers gestes d’imprécation semblaient comme crier aux danseurs : « Dansez ! dansez ! DANSEZ ! C’est votre tour !« .
Je vous laisse imaginer l’explosion de Bravo qui succéda à ce Boléro fulgurant. Saluts avec le corps de ballets, saluts seul en scène, bouquets, saluts, Clairemarie Osta et ses filles, saluts, Claude Bessy, saluts, paillettes dorées, saluts… Toujours pareil au fil des adieux, et toujours si particulier. Soirée privatisée oblige, une partie non-négligeable du parterre déserta au bout de cinq minutes. Ce qui n’empêcha pas les fonds de loge et le poulailler de s’user les mains et les cordes vocales pour saluer et remercier son Danseur Étoile fétiche. Pas de larme, mais des bravos de joie. Ce n’était qu’un au revoir.
Soirée Nicolas Le Riche, avec le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Ouverture avec Matthieu Chedid et Nicolas Le Riche ; Les Forains (extrait) de Roland Petit, avec Nicolas Le Riche et des élèves de l’École de Danse ; Le Bal des Cadets (extrait) de David Lichine, avec Francesco Mura. Raymonda (extrait) de Rudolf Noureev, avec Dorothée Gilbert (Raymonda) et Stéphane Bullion (Abderam) ; L’Après-midi d’un Faune de VaslavNijinski, avec Jérémie Bélingard (Le Faune) et Eve Grinsztajn (la Nymphe) ; Le Jeune Homme et la Mort de Roland Petit, avec Nicolas Le Riche (le Jeune homme) et Eleonora Abbagnato ( la Mort) ; Appartement de Mats Ek (extrait), avec Sylvie Guillem et Nicolas Le Riche ; Caligula (extrait) de Nicolas Le Riche, avec Mathieu Ganio (Caligula) et Audric Bezard (Incitatus) ; Le Boléro de Maurice Béjart, avec Nicolas Le Riche. Mercredi 9 juillet 2014.
cloette
Belle soirée en effet, suivie de saluts presque interminables! Mais c’était pour la bonne cause ; )
En revanche, j’ai été déçue de ne pas voir l’extrait d’Appartement en streaming, moi qui me disait que ce serait l’occasion de découvrir un peu ce chorégraphe… M’enfin tant pis, ce sera pour une prochaine fois!
Margot
Merci pour ce compte-rendu qui me montre à quel point mes premières impressions étaient justes! Pourquoi cet extrait de Raymonda (pas très intéressant) avec Dorothée Gilbert en figurante! Pourquoi, mais pourquoi reléguer le magnifique Mathieu Ganio au rôle de porteur de laisse, j’étais stupéfaite. Par contre je n’ai pas du tout été étonnée de l’absence de Sylvie Guillem de la transmission en direct!
Le Jeune Homme et la Mort ainsi que le Boléro m’ont transportée malgré le fait que j’étais à des milliers de kilomètres et devant un écran d’ordinateur.
C’était un spectacle très inégal, mais dont les moments forts resteront à jamais gravés dans les mémoires.
Merci pour votre texte.
Georges
Vu en petit sur mon ordi, pour des raisons technique je n’ai pas pu afficher la vidéo en plein écran, soirée un peu décousu à cause de plusieurs « pauses » mais qui devait être vue
Pauses ou entractes dont l’un pour changement de décor dixit la présentatrice, cette excuse se volatilisant dès la première seconde de la reprise. A l’avenir je respecterai les choix de S Guillem je ne dépenserai pas un sous pour la voir.
Cette soirée est toujours visible sur Arte, je pense sans les nombreux entractes !
Georges
N’ayant pas encore digéré SG, j’en oubli de dire toute l’émottion qui a baigné cette soirée. Tendresse avec ses deux filles, la venue de C Bessy, la boucle symbolique avec les élèves de l’école de danse (passage plein d’émotion), … .
a.
Oh non! ne dîtes pas cela, c’est une immense artiste, elle peut avoir ses raisons!
LucyOnTheMoon
mes cordes vocales s’en remettent à peine;-)
incroyable tout de même l’attitude de l’Amiral Lefèvre : non seulement elle ne vient pas applaudir le « sortant » sur scène comme c’est l’usage, mais en plus – d’après une personne qui s’y trouvait – elle n’était même pas à proximité quand il a prononcé son discours!! Et dire que dans l’interview parue cette semaine dans Telerama elle le cite comme un de ses « poulains »… :-S
Nati
Qui vous dit que cela vient d’elle ? Je ne vois pas pourquoi elle lui en voudrait. A part son épouse et les étoiles qui dansaient, aucune autre étoile n’est venue sur scène, en tout cas face au public. Et pour le cocktail (où je n’étais pas), peut-être ne voulait-il pas de discours à part le sien. On ne sait pas.
marie-Charlotte
Et en plus un homme charmant…
Je me souviens de ce soir après spectacle…Giselle, je crois. Leriche dansait Albrecht. Je vais à la sortie des artistes faire dédicacer mon programme. Il sort, T-Shirt chiffonné, pantalon de sport, cheveux mouiillés, cool. Je l’aborde timidement, les grands artistes m’impressionnent. Et il s’arrête, bavarde, feuillette le programme, commente les photos, prend son temps pour échanger alors qu’il sort de scène et qu’il est fatigué… Un grand merci à lui pour les beaux moments partagés sur scène.
MUC
J´ai eu la chance de le voir pour sa dernière apparition tous publics dans Notre Dame de Paris a Bastille, longue ovation a la fin, paillettes et émotion de le voir partir. La soirée spéciale
(vue sur mon écran) ne m´a pas emballée, sauf le Boléro et le jeune homme et la mort. Quand a Mme Guillem pourquoi vient-elle si elle ne veut pas être vue ?
alpha
Magnifique danse. Des yeux qui s embuent pour l émotion…qq regrets pour des choses incompréhensibles… a l opéra, on en sort jamais tt à fait comme on y est rentré ….
Borsberg Stéphane
Une belle soirée même si c’était inégal. Je ne digère pas le coup de l’appartement, j’ai eu l’impression d’être exclu du spectacle. Si ce n’avait été qu’une exclu pour Garnier j’aurais compris, mais ceux qui étaient au cinéma ont pu voir aussi la pièce. Cette attitude est inélégante. De plus, si la télé la dérange mais pas quand il faut se faire applaudir à la fin.
Pour le reste je regrette que Dorothée Gilbert ait été sous exploitée, elle méritait mieux.
Par contre je suis très fan du discours de Galienne qui a abordé avec humour des sujets qui fâchent.
clecle
Pour ceux qui comme moi n’ont pas pu la voir en direct:
http://concert.arte.tv/fr/soiree-exceptionnelle-nicolas-le-riche-lopera-de-paris
Pascale
Quelle émotion de pouvoir y être, de sentir l’hommage intense pour Nicolas LE RICHE!
Pour moi, le grand bonheur était de re-voir Sylvie GUILLEM danser toujours aussi époustouflante ! Je regrette qu’elle ait censuré son passage en streaming et je regrette beaucoup que ce spectacle n’est pas été accessible aux public fidèle de Nicolas LE RICHE et de l’Opera. D’autant que comme vous le dites, ça fait mal de voir tous VIP et officiels quitter la salle alors les applaudissement vont crescendo…
nina
Pouvez-vous mettre la vidéo?
SVP
Amélie
@ Tous et toutes : Merci pour vos impression sur ce spectacle ! L’émotion était là malgré quelques ratés.
@ LucyOnTheMoon et Nati : Nicolas Le Riche n’est en tout cas tendre envers Brigitte Lefèvre dans ses interviews, tout en sous-entendus. Mais c’est vrai, on ne sais pas ce qui se passe en coulisses, inutiles de trop spéculer sur ce qui en est ou non.
@ Nina : Clecle l’a indiquée un peu plus haut : http://concert.arte.tv/fr/soiree-exceptionnelle-nicolas-le-riche-lopera-de-paris