Tempus fugit ? Le Cirque Plume fête ses 30 ans
« L’humanité barbare avait triomphé et régné sans partage peu avant notre naissance, nous cherchions la poésie, la fragilité, l’humilité, la responsabilité, la joie et le partage du vivant. Par absolue nécessité« . Voilà ce qu’écrit Bernard Kudlak, directeur artistique du Cirque Plume, lorsqu’il s’agit de se souvenir de la création de cette compagnie en 1983. 30 ans plus tard, ce sentiment n’a pas vraiment bougé, du moins pour le public. Au milieu des guerres et des tensions qui agitent nos écrans de télé et notre XXIe siècle, entrer dans un chapiteau pour un temps de poésie est devenu nécessité.
Tempus fugit ?, le spectacle qui marque cet anniversaire, est fait de bric et de broc. Chacun passe de l’acrobatie à la musique, du trapèze à la trompette, pour créer un spectacle au parfum séduisant. Drôlerie, poésie, sourire en coin et imaginaire… Il suffit de peu de chose parfois pour créer tout un univers, comme un simple souffle de vente qui provoque un immense déséquilibre. La musique folk-doucement-rock crée la balance, porte le rythme de la funambule, de la trapéziste, de l’acrobate ou du magicien. Un violoniste s’envole dans les airs, l’on est ailleurs…
Le Cirque Plume ne joue pas dans la surenchère, quitte parfois à sembler d’une autre époque par rapport au cirque qui se crée aujourd’hui. Ce dernier aime mettre en place de nouvelles réflexions sur les corps et l’espace, cherchant de nouveaux équilibres. Le Cirque Plume mise sur ce qu’il sait faire, l’imaginaire, et la joue plus modeste. Quitte parfois à effleurer une certaine nostalgie convenue (le spectacle se sous-titre d’ailleurs « une ballade sur le chemin perdu« . L’imagerie sépia, les « Je vous parle d’un temps » et j’ose même dire une certaine caricature du saltimbanque ne sont parfois pas très loin, entre un joyeux bordel organisé et des costumes faussement usés. Mais l’écueil est toujours évité, grâce à l’humour qui tient le fil du spectacle.
L’art clownesque est en général soigneusement évité par le nouveau cirque. Trop compliqué à mettre au goût du jour ? Faire rire fait trop peur ? La troupe du Cirque Plume sait, pour sa part, merveilleusement l’utiliser. Et ce n’est pas même pas réservé aux vieux briscards de la troupe, les jeunes acrobates se transformant aussi en clowns selon les séquences. La première chute faite s’esclaffer les enfants. La deuxième contamine tout le monde. Et c’est les yeux ébahis, que l’on suit ce clown jouant avec un spot de lumière rouge, comme un ballon. Il le lance, jongle, l’agrandit, la rétrécit, jusqu’à en faire le fameux nez rouge, symbole du cirque qui traverse les époques et les générations (ou plutôt les réunit). Tempus fugit ? aime décidément les pieds-de-nez, les surprises et les jeux d’illusions, qui arrivent toujours quand on ne s’y attend pas. Un vrai bol d’air « qui fait du bien » comme dit l’expression, et sûrement à la base de ce qui a créé le Cirque Plume il y a 30 ans. Joyeux anniversaire !
Tempus fugit ? de Bernard Kudlak du Cirque Plume, à l’Espace Chapiteaux de la Villette. Avec Nicolas Boulet, Marie-Ève Dicaire, Grégoire Gensse, Mick Holsbeke, Sandrine Juglair, Pierre Kudlak, Alain Mallet, Maxime Pythoud, Diane-Renée Rodriguez, Molly Saudek Benoit Schick, Brigitte Sepaser et Laurent Tellier-Dell’ova. Mercredi 24 septembre 2014.