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Soirée Natalia Ossipova au Sadler’s Wells

Étoile du Royal Ballet, la danseuse-star russe Natalia Ossipova s’est posé en juin au Sadler’s Wells pour un spectacle personnel. Et tout dans ce programme promettait le couronnement de la ballerine en superstar de la danse contemporaine : l’explosivité en scène de l’Étoile russe, le partenaire rebelle-électron libre (Sergei Polunin), les trois chorégraphes de premier choix (Sidi Larbi Cherkaoui, Russell Maliphant et Arthur Pita), la collaboration avantageuse qui devait selon toute probabilité aboutir en un triple bill savoureux. Mais très rapidement, il devient clair que le spectacle tient largement plus du faux départ que de la consécration. Récit.

Natalia Ossipova - Qutb

Natalia Ossipova – Qutb

Qutb de Sidi Larbi Cherkaoui se révèle être la meilleure des trois pièces proposées ce soir-là. Placée dans un décor minimaliste post-apocalyptique, la danse a de beaux accents orientalisants qui épousent bien les qualités de Natalia Ossipova. Devant un immense soleil rouge sang, l’Étoile arque son dos en une courbure impeccable, ondule ses bras au rythme des magnifiques chants soufi et impressionne par sa puissance scénique. Avec deux autres danseurs (Jason Kittelberger et James O’Hara), les corps s’entrelacent dans un mouvement d’entraide, de dépendance physique et spirituelle.

Silent Echo, de Russell Maliphant, n’interpelle guère de par sa très grande similarité de tonalité avec la pièce précédente. Composée comme un ballet classique, l’alternance de pas de deux et de solos pâtit d’un manque d’aspérités. Tout est très beau, fluide, s’enchaîne bien, Natalia Ossipova montre beaucoup d’expressivité mais la formation classique lui semble plus que jamais chevillée au corps. Le rideau tombe alors que j’attends toujours une montée en puissance qui ne viendra jamais.

Natalia Osipova - Silent Echo

Natalia Ossipova – Silent Echo

Quant à Run, Mary Run, il y avait matière à faire quelque chose de franchement génial. Dans cette œuvre narrative, Arthur Pita s’inspire de la musique des Shangri-Las, un girls band mythique des années soixante pour conter l’histoire d’amour tumultueuse de la chanteuse Mary (Natalia Ossipova) et Jimmy (Sergei Polunin). Sublime entrée en matière, la chanson Past, Present and Future qui reprend la Sonate au clair de Lune de Beethoven, retentit gravement et égrène à demi-mot les souvenirs douloureux d’une relation passée. Deux bras s’élèvent hors d’une tombe, s’enlacent tendrement, et les protagonistes surgissent du passé pour danser leur histoire.

L’espoir monte, l’on attend une chorégraphie affranchie, déchaînée, créative. Grosse douche froide. Les vrais moments de danse se limitent à quelques minutes. Ils font place à des danseur.se.s qui s’improvisent acteur.rice.s et prennent la pose en minaudant comme devant un appareil photo. Accoutrée d’une mini-robe vert pomme et d’une perruque rousse beaucoup trop volumineuse pour elle, Natalia Ossipova esquisse quelques pas de swing ici et là. Son partenaire se la raconte façon James Dean, veste en cuir sur les épaules et cigarette au bec. Bad boy et midinette stéréotypés façon Grease, les personnages tombent à pieds joints dans la caricature. Le tout est d’une inauthenticité qui fait littéralement grimacer, si bien qu’une quelconque alchimie est bien difficile à percevoir. Aucun des gadgets employés, pas même une balançoire tombée du ciel mais largement sous-utilisée, ne peut masquer la vacuité de ce qui se passe sur scène.

Alors à qui attribuer cet échec ? La question reste difficile à élucider. Mais une chose est sûre : Natalia Ossipova aura du mal à se défaire de l’impression embarrassante de vaste gâchis laissée dans les mémoires.

Natalia Ossipova - Run Mary Run

Natalia Ossipova – Run Mary Run

 

Natalia Osipova, au Sadler’s Wells. Qutb de Sidi Larbi Cherkaoui avec Natalia Ossipova, Jason Kitterlberger et James O’Hara ; Silent Echo de Russell Maliphant, avec Natalia Ossipova et Sergei Polunin ; Run Mary Run d’Arthur Pita, avec Natalia Ossipova (Mary) et Sergei Polunin (Jimmy). Jeudi 30 juin 2016. 

Le programme Natalia Ossipova est en tournée au Festival de théâtre d’Édimbourg du 12 au 14 août 2016, au Sadler’s Wells du 27 septembre au 1er octobre 2016 et au New York City Centre du 10 au 12 novembre 2016. 

 

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