Le Vide / Essai de cirque – Homme-araignée
Le Vide / Essai de cirque est repris au Monfort du 2 au 21 mai 2016.
Dans la catégorie « Nouveau spectacle de cirque contemporain », Le Vide / Essai de cirque est un joli coup de coeur. Comme beaucoup de ses confrères et consoeurs, Fragan Gehlker (un maître de la corde) se penche sur l’acrobatie et ce point de limite, celui qui pousse le plus loin l’équilibre jusqu’à presque tomber, avant de se rattraper à l’ultime seconde.
Fragan Gehlker laisse de côté tout ce qui fait formellement un spectacle : les lumières qui baissent pour démarrer, les décors (le Monfort est à nu), la difficulté qu’il faut gommer (la dureté du labeur fait partie du jeu) et les applaudissements qui font retourner l’artiste en coulisse. Quand le public arrive, l’acrobate est déjà sur scène, s’échauffant sur ses cordes suspendues, son musicien Alexis Auffray déjà en place. Comment le public décide soudainement que le spectacle doit commencer ? Mystère, mais en quelques secondes, par un accord tacite, tout le monde se tait.
Commence alors pour Fragan Gehlker sa conquête du vide. Il veut monter, mais les cordes se cassent. Tant pis, il en prend une autre, trouve un équilibre sur la balustrade, se sert des accroches des lumières. Tout est bon pour monter encore plus haut. Même se suspendre à une main dans le vide n’est pas un acte de bravoure, mais ne sert qu’à prendre son élan pour vaincre quelques centimètres de plus. Fragan Gehlker n’est pourtant pas un téméraire. Il sait que le vide peut le tuer, il prend d’ailleurs beaucoup de soin pour installer son matelas de protection. Mais il aime le vide, monter encore plus haut, vaincre l’apesanteur. En homme-araignée, il conquiert les murs et le toit du Théâtre, aussi aisément que sur le plancher des vaches. Et c’est bien le public en-dessous, le cou vissé, qui se prend à avoir le vertige devant tant de hauteur.
Performance ? Pas vraiment. Une étrange poésie se dessine de cette heure à vouloir conquérir le ciel. Le Vide / Essai de cirque s’est construit sur Le mythe de Sisyphe d’Albert Camus. Sisyphe (pour ceux et celles dont la mythologie grecque est un peu loin), c’est celui qui fut condamné par les Dieux à rouler une pierre en haut d’une colline, et à la voir redescendre juste avant d’arriver au sommet. « Et si Sisyphe était heureux ?« , questionne le spectacle ? Et si, pour Fragan Gehlker, le plaisir n’était pas dans le vertige, mais dans la conquête ? Même arrivé au toit, il veut aller plus haut, conquérir de nouveaux centimètres de victoire sur le vide. Son chemin n’a pas de fin, si ce n’est la chute.
Le Vide / Essai de cirque de et avec Fragan Gehlker et Alexis Auffray, au Monfort Théâtre. Mardi 7 octobre 2014.