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La Source – Muriel Zusperreguy, François Alu, Eve Grinsztajn et Axel Ibot

Petit instant d’orgueil : lors du traditionnel article sur La Source « Qui voir danser sur scène », la distribution Muriel Zusperreguy, François Alu, Eve Grinsztajn et Axel Ibot était présentée comme celle à voir en priorité. Le choix fut judicieux. Le quatuor (ou plutôt le quintette en y rajoutant Audric Bezard dans le rôle de Mozdock) était en totale harmonie sur le plan du jeu, très équilibré et permettant de faire ressortir chaque personnage. Chacun a su mettre en avant ce qui fait la force de ce ballet : une jolie histoire toute simple, portée par le plaisir et la beauté de la danse, avec cette pointe de mystère propre au spectacle.

La Source - François Alu

La Source – François Alu

Car dès que le rideau se lève, il ne s’agit pas uniquement d’une belle danse, admirablement ciselée par Jean-Guillaume Bart. Un parfum de mystère flotte dans la salle, celui des contes et des légendes. Le décor n’est d’ailleurs pas figuratif, c’est un mélange de vieux rideaux de scène et de cordes abstraites : nous sommes bien au théâtre, sur une scène, là où tout peut se passer.

En exhumant La Source, ce ballet oublié, Jean-Guillaume Bart n’a pas forcément essayé de refaire cette oeuvre à l’identique, en fouillant dans les archives (qui d’ailleurs n’existent pas). Il s’est inspiré de l’école française, celle des beaux bas de jambes, de la précision, de l’élégance. Sans jamais tomber dans quelque chose de tarabiscoté (la chorégraphie y est toujours surprenante de naturel) et sans oublier la virtuosité (si décriée dernièrement).

À ce jeu, François Alu donne le vertige. Sa danse s’envole, avec des sauts qui semblent avoir été inventés pour lui et des pirouettes à n’en plus finir. Mais jamais ce formidable brio ne se fait au détriment du personnage. Son Djémil est terrien, ancré dans le monde réel (Naïla ne peut donc lui faire aucun effet), un peu dans la lune tout de même (faire ami-ami avec quatre lutins n’est donc pas un problème). Le danseur en fait un personnage très attachant, nourri d’une certaine candeur, volontaire aussi.

Eve Grinsztajn et François Alu - La Source

Eve Grinsztajn et François Alu – La Source

Le reste de la distribution est plus faillible techniquement, c’est tout un monde qui sépare la future Étoile (car qui doute que cela ne va pas arriver dans les prochains mois) des autres Premiers danseurs et danseuses. Mais chacun donne beaucoup de profondeur à leur personnage. Eve Grinsztajn est ainsi une Nouredda aux multiples visages. D’abord mélancolique, elle devine que son destin – favorite du  Khan – est un triste chemin. Mais elle n’est pas une héroïne romantique voulant prendre son destin en main, du moins pas encore. Et sur l’ordre de Mozdock – fier et mordant Audric Bezard, même si plus amant jaloux que grand frère protecteur – elle oublie sa tristesse pour prendre son rôle de fiancée joyeuse.

Avec son charme juvénile, Muriel Zusperreguy apporte un parfait contrepoids. Si elle n’a pas l’immatérialité de la danse de Myriam-Ould-Braham, sa Naïla est pure, enfantine, à l’opposée du monde terrestre. Elle n’est pas mystérieuse, elle est mutine et parfaite compagnon de jeu des Elfes et de Zaël. Interprété avec malice par Axel Ibot, c’est ce personnage qui apporte la pointe d’humour en ballet, le faisant sortir d’un traditionnel scénario d’un triangle amoureux.

Le corps de ballet est aussi la star de ce premier acte. Moins par les danses de caractères, toujours un peu sages, que les danses des nymphes, superbes. Dès leur entrée, les huit compagnes de Naïla font planer un parfum de mystère sur scène, presque de volupté. Le premier acte passe ainsi sans temps mort, alternant des variations de solistes permettant de développer les personnages à des scènes d’ensembles superbement réglées.

François Alu et

François Alu et Muriel Zusperreguy – La Source

Le deuxième acte est un peu plus poussif. Aucune scène n’est vraiment de trop, mais tout semble un peu longuet et presque répétitif par rapport au premier acte. Valentine Colasante fait le job, mais sa Dadjé reste sans saveur. Les danses de caractère reviennent, mais sans réelle nouveauté. L’action se réveille enfin quand les elfes et Djémil font leur entrée à la cour du Khan (au passage, très convaincant Yann Saïz et excellent partenaire, au contraire de François Alu qui paraît parfois un peu maladroit). C’est la confrontation des mondes : le réel qui rejoint le fantastique. Et le mélange des genres est plutôt funky, entre des Odalisques et des Caucasiens intrigués par les tours de magie de cinq jeunes hommes aux allures bigarrés. Tout aussi étrange, le pas de deux du Khan et de Naïla. Lui est fou de désir, mais elle ne comprend pas, toujours pure et loin des préoccupations des humains.

Finalement, quoi de plus normal que Djémil préfère sauver Noureeda que Naïla ? Entre un humain très terrien et une Nymphe des bois, il ne peut y avoir de sentiment amoureux. Naïla n’était qu’une ombre pour Djémil, serviable et pratique, mais qui n’a jamais trouvé d’emprise sur son coeur. Les derniers duos se traînent un peu en longueur, mais le dernier pas de trois – Djémil/Naïla/Zaël, émeut vraiment. La Source est un ballet de représentation, où la danse est souvent là pour le divertissement. Mais les personnages arrivent tout de même à y prendre corps, portant l’oeuvre au-delà du simple ballet joli à regarder.

 

La Source de Jean-Guillaume Bart par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Muriel Zusperreguy (Naïla), Eve Grinsztajn (Nouredda), François Alu (Djémil), Audric Bezard (Mozdock), Axel Ibot (Zaël), Valentine Colasante (Dadjé) et Yann Zaïz (le Khan). Mardi 2 décembre 2014.

 

Comments (3)

  • Joelle

    Nous y sommes allés le 5 décembre et le choix fut le bon ! Muriel Z. fut une charmante Naila, nous avons adoré Eve G. dans le rôle de Nourreda, F. Alu nous a encore éblouis avec ses sauts d’extraterrestre et A. Ibot a joué un lutin/elfe bondissant plein de gentillesse !!!! Sans oublier le quatuor elfique composé de A. Madin, M. Moreau, F. Revillion et A. Monié !

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  • Sophie

    y’a t’il un dvd de ce ballet ? j’ai cherché je n’ai rien trouvé…
    je l’avais vu à Garnier l’hiver dernier, j’adorerais pouvoir le revoir (au moins sur l’écran)

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