Cuisine & Confessions – Les 7 Doigts de la main
Pourquoi Les 7 Doigts de la main, cette troupe de cirque contemporain venue du Québec, séduit à chacun de ses spectacles ? Parce qu’elle sait allier quatre grandes qualités : l’originalité (les spectacles des 7 Doigts sont uniques en leur genre), la virtuosité (les artistes font partie des meilleurs circassien-ne-s de leur génération), l’humour (on rigole bien) et l’intimité (même au milieu de 500 personnes, on a l’impression d’être face à une bande d’ami-e-s et avec qui on prend un verre dans son salon). Cuisine & Confessions, le nouveau spectacle de la troupe, a été cuisiné avec cette même recette efficace, pour un show qui impressionne autant qu’il touche.
Car parler de bouffe, c’est parler de soi. Que l’on évoque sa recette préférée, ses repas du dimanche, son pot de Nutella, sa madeleine de Proust, son omelette-doudou (aux poivrons), ses plateaux-télé, son premier dîner en amoureux. Les dix artistes sur scène, venant des quatre coins du monde, nous reçoivent comme chez eux, dans leur cuisine, à la bonne franquette. Quelqu’un demande si personne n’a de la ciboulette bio. Ça s’active derrière les fourneaux, mais tout en restant cool. On n’est pas dans la cuisine d’un trois-étoiles, mais dans l’appart d’un ami pas vu depuis longtemps, et que l’on est tout au plaisir de retrouver. Pour un peu, je me lèverais pour donner un coup de main, si mes talents culinaires ne se limitaient pas aux biscuits de Noël.
Chaque artiste égrène ses souvenirs de nourriture, du léger au très grave. Une jeune femme affirme qu’un bon repas se termine toujours par un dessert – et qu’un vrai dessert, ça ne peut pas être un fruit, contrairement à ce que sa maman lui disait alors qu’elle est enfant (concept auquel j’adhère). Un autre imagine ce qu’aurait été le dernier repas de son père, tué par les militaires argentins.
Chaque pensée et souvenir amène un numéro, où les ustensiles de cuisine deviennent des jeux. Une acrobate se lance dans un numéro de tissus-torchon, un jongleur prend une passoire et une râpe à fromage, un autre se lance dans un superbe numéro de mât chinois.
À chaque fois, le numéro n’arrive pas par prétexte, mais comme la suite logique de leurs souvenirs, l’émotion transcrit en gestes quand les mots ne suffisent plus à tout décrire. Sommes-nous alors devant un spectacle de danse ou de pure acrobatie ? C’est aussi la force des 7 Doigts de la main : tout est incroyablement virtuose et impressionnant, mais cela sonne comme de l’art et non pas comme un exploit sportif. Si bien que les quelques applaudissements qui résonnent après une prouesse sont presque gênants, pas loin de casser l’émotion du mouvement.
Le seul défaut de ce Cuisine & Confessions reste peut-être une cuisine un peu trop proprette. Mis à part à l’introduction où tout le monde s’active, il manque dans l’air comme le parfum d’un bon petit plat qui mijote. Il manque les bruits des cuisines, les fourneaux qui bruissent, les portes qui claquent, les casseroles qui sifflent. La deuxième partie joue plus sur cet aspect sensoriel avec la préparation d’un gâteau à la banane et aux pépites de chocolat (36 minutes de cuisson, ni plus ni moins). Si vous ne partez pas juste à la fin des applaudissements, vous pourrez même en déguster un morceau. Les plus chanceux ont même le droit à un plat de pâtes à la sauce tomate sur scène, avec les artistes. À table !
Cuisine & Confessions des 7 Doigts de la main à La Cigale. Avec Émilie Bonnavaud, Melvin Diggs, Mishannock Ferrero, Danica Gagnon-Plamondon, Sidney Iking Bateman, Anna Kichtchenko, Gabriela Parigi, Emilie Pineault, Matias Plaul et Pablo Pramparo. Mardi 9 décembre 2014. À Paris jusqu’au 3 janvier 2015 et en tournée en France jusqu’au 20 juin 2015.
Nane
nous avions vu Sequence 8 l’an dernier et nous irons voir Cuisine et confessions en janvier ; ces artistes ont un talent et une sensibilité incroyables !