Les CCN ont 30 ans ! Et les fêtent à Chaillot
Alors qu’avec Dominique Bagouet, Maguy Marin, ou encore Jean-Claude Gallotta, a émergé ce qu’on appelle déjà la nouvelle danse française, Jack Lang décide en 1984 d’instituer les Centres chorégraphiques nationaux. Il apporte ainsi, avec l’aide des collectivités territoriales, son soutien à une talentueuse génération de chorégraphes, leur offrant les moyens de créer et diffuser leurs œuvres. Onze compagnies, réparties dans tout l’hexagone, ainsi que le CNDC d’Angers sont labellisées CCN, permettant l’essor de la danse contemporaine en France.
Trente en plus tard, cette politique volontariste continue de porter ses fruits, alors que les aujourd’hui dix-neuf CCN se sont vu imposer de nouvelles missions. Outre la création et la diffusion de leurs œuvres, ceux-ci assurent également la sensibilisation des publics, la formation (par des partenariats avec l’Education Nationale ou les conservatoires notamment), l’accueil dans leurs studios de talents émergeants, ainsi que la valorisation du patrimoine chorégraphique.
Avec les trente ans des CCN, c’est donc beaucoup de l’histoire récente de la danse qui s’est fêtée ce jeudi 19 février au Théâtre National de Chaillot, parfait écrin pour accueillir une soirée à bien des égards exceptionnelle. Une trentaine d’artistes, anciens ou actuels directeurs de CCN, ont en effet répondu présent pour offrir chacun au public un geste chorégraphique de quatre minutes au plus.
Joli bilan de ce que la danse contemporaine a pu produire durant ces foisonnantes dernières années, la soirée n’en a pas moins été inégale. La diversité des styles chorégraphiques comme des propositions (hommages, créations, extraits de pièces, films) n’est pas toujours parvenu à dissiper l’ennui provoqué par certaines séquences. De précieux moments ont cependant émaillé ces deux heures de représentation, et c’est ce qui finalement restera en mémoire.
Après un Dancer in the Dark sans Björk, sans Dark, et sans mouvement ou presque, orchestré par François Raffinot et Daniel Larrieu, réunissant sur le plateau les directeurs de CCN et la Ministre de la Culture, ont suivi les discours de Didier Deschamps, Fleur Pellerin et Emmanuelle Vo-Dinh (Présidente de l’ACCN).
Puis les festivités on réellement débuté, non sans humour. Jean-Claude Gallota a malicieusement mis en geste une intervention filmée de Jack Lang où celui-ci évoquait le passé et l’avenir des CCN. Yuval Pick, quant à lui, a isolé, avec beaucoup de drôlerie, les gestes emblématiques de certains chorégraphes pour réaliser une courte pièce rétro-futuriste réjouissante. Un peu plus tard, la carte blanche laissée à Cécile Loyer par Joseph Nadj fut sûrement le plus beau moment de la soirée. Voir celle-ci, corps ramassé avançant au ralenti puis disloquant ses mouvements sur le Wole lotta love énervé de Led Zeppelin était tout simplement fascinant.
D’enthousiasmants intermèdes festifs ont été assurés par Kader Attou et Mourad Merzouki, nous rappelant avec entrain et bonne humeur, via un enregistrement vidéo datant de 1991 puis sur scène, que le hip-hop était déjà virtuose avant d’acquérir la maitrise de l’espace scénique. Mais aussi par Dominique Hervieu et José Montalvo qui ont mêlé pour l’occasion trois de leurs pièces, la danse contemporaine au hip-hop, et le chant africain à du Rossini sous forme d’irrésistibles vocalises avec eau au fond de la gorge.
La poésie quant à elle est venue du solo issu d’Immersion interprété par Carolyn Carlson qui, de ses longs bras graciles, a montré qu’elle n’avait rien perdu de sa grâce et de sa magnétique élégance. Ou de Thomas Lebrun, qui juste après l’énergique Tragédie rhabillée par Olivier Dubois, a proposé de revisiter un charmant extrait du Jungle sur la planète Vénus de Daniel Larrieu, sur une musique délicieusement rétro : Maria La O.
Mais les festivités ne se sont pas arrêtées là. Une fois les lumières rallumées, le public, qu’il fasse partie ou non du gratin de la danse venu en nombre ce soir-là, a été invité à partager une coupe de champagne, face à la tour Eiffel illuminée, avant que le foyer de Chaillot ne se transforme en dance-floor, pour le plus grand plaisir de tous.
Les CCN ont 30 ans ! Théâtre National de Chaillot. Jeudi 19 février 2015. Cette soirée est à revoir pendant un an sur Arte Concert.
Les 30 ans des CCN c’est aussi :
– Une plateforme numérique où l’on peut voir la captation de la soirée anniversaire ; 30 films courts, un par année, évoquant l’histoire des CCN, des chorégraphes et de la danse en France ; une spéciale Vue sur les marches (vidéo de la descente des marches du Théâtre National de Chaillot) réunissant les chorégraphes présents lors de la soirée du 19 février.
– Une journée de restitution d’un séminaire organisé par l’Association des Centres chorégraphiques nationaux, le 22 mai 2015 à la Gaîté lyrique
– Des programmations en région toute l’année dans les CCN.