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Le New York City Ballet aux Étés de la Danse – Programme Balanchine/Martins/Robbins

Après deux soirées consacrées à George Balanchine et une autre autour de récentes créations, place au programme Balanchine/Martins/Robbins du New York City Ballet aux Étés de la Danse. Entre l’imagerie sépia du Far West, de l’Italie et du New York des années 1950, les ballets donnaient à voir quelques cartes postales dont les chorégraphes américains ont le secret. Clichés sur patte de pays fantasmés ? Bien sûr. Mais les interprètes ont ce savant dosage de second degré et de distance pour en faire de charmants – et parfois tonitruants – moments de danse.

Western Symphony de George Balanchine - Lauren King et Chase Finlay

Western Symphony de George Balanchine – Lauren King et Chase Finlay

De la distance, il en faut pour danser Western Symphony. Le russe George Balanchine y a mis tout l’imaginaire du Far West où il n’avait jamais mis les pieds. Tout y est : messieurs en chapeau de cow-boy, meneuses de revue, tutus à plume, allure rodéo et décor de saloon. Quant à la danse, il s’agit d’un charmant mélange entre une danse classique à toute allure (le travail du bas de jambe joue spécialement sur la vitesse) et des inspirations des danses traditionnelles américaines. Pour ne pas sombrer dans une caricature gênante, il faut une savante dose d’humour. Ce qu’ont tous les danseurs et danseuses sur scène, qui s’amusent visiblement dans ce décors de carton-pâte. La carte postale vieillotte devient un joyeux moment, porté par cette façon si américaine d’assumer le show, d’aimer le divertissement pour le divertissement sans aucun support psychologique. Sara Mearns est évidemment la reine du saloon, toujours glamour, toujours musicale, bien secondée par Chase Finlay ou Brittany Pollack. Le final emporte tout sur son passage dans une danse gentiment débridée. George Balanchine a décidément le chic pour créer des finals qui envoient.

Avec le pas de deux Tarentella, direction l’Italie. L’ensemble est toujours autant de pacotille, le compositeur était d’ailleurs on ne peu plus Américain. Pour George Balanchine, Tarentalla est l’occasion d’un pas de deux virtuose, mettant en avant l’énergie et la rapidité de la danse américaine, le ballet avait d’ailleurs été créé pour Patricia McBride et Edward Villella. Nous ne sommes pas dans une configuration habituelle, avec un adage, deux variations et une coda. Les solos de la ballerine et de danseur sont beaucoup plus entrelacés, accentuant cet effet de rapidité. L’homme apparaît, enchaîne quelques virtuosités, repart de suite en coulisse pour laisser la place à sa partenaire, et ainsi de suite. Tarentalla prend vite des allures de petite bombe. Mais pour les interprètes, il faut suivre. Erica Pereira a une danse élégance et fine, plus proche de l’école française que de l’énergie new-yorkaise. Il lui manque de l’explosivité pour ce genre de pas de deux virtuose (à l’inverse de Tiler Peck vue la veille et formidable). Son partenaire Daniel Ulbricht, l’un des meilleurs techniciens de la troupe, y est par contre enthousiasmant.

Tarentella de George Balanchine -

Tarentella de George Balanchine – Erica Pereira

Place ensuite à deux ballets dont on aurait pu se passer : The Infernal Machine et Barber Violin Concerto de Peter Martins. Le Maître de ballet en chef de la troupe est chorégraphe à ses heures et n’a pu résister à l’envie de montrer ses ballets au public parisien. The Infernal Machine est un pas de deux à la Wayne McgreGor, jouant sur les extensions et poussant les capacités physiques des deux artistes. L’ambiance y est assez dure, noire, et plombe un peu le tout après le charmant Tarentella.

Barber Violin Concerto est un travail entre deux couples. L’un est classique (chignon et pointes), l’autre néo (pied plat et nuisette). Après avoir dansé ensemble, les deux couples vont se mélanger. La ballerine classique va finir par lâcher ses cheveux avec le danseur néo, la danseuse pieds nus va jouer la mouche du coche avec le danseur classique (moment plutôt amusant, peut-être le plus réussi du ballet). Teresa Reichlen et Megan Fairchild sont en parfait contre-point, mais ne peuvent faire de miracle. Contrairement à George Balanchine où la danse fait corps avec la musique, ici la danse suit la musique. C’est toute la différence. Ces deux pièces sont distrayantes et bien montées, mais un ou deux ballets de Jerome Robbins à la place auraient été plus intéressants.

Jared Angle and Teresa Reichlen in Barber Violin Concerto Choreography by Peter Martins New York City Ballet Credit Photo: Paul Kolnik studio@paulkolnik.com nyc 212-362-7778

Barber Violin Concerto de Peter Martins – Jared Angle et Teresa Reichlen

Impression d’autant plus renforcée avec le dernier ballet, West Side Story Suite de Jerome Robbins. Cette tournée parisienne a fait la part belle à George Balanchine, mais les artistes maîtrisent aussi cet autre chorégraphe américain. Pour le NYCB, Jerome Robbins a fait un petit condensé en 30 minutes de son chef-d’oeuvre West Side Story. On est ici plus dans l’évocation de la comédie musicale que dans un ballet narratif. On y retrouve ainsi toutes les grandes scènes de West Side Story, sans forcément suivre la trame dramatique. Riff et Bernardo sont ainsi les grands héros, et non pas Tony et Maria.

Après ce déluge de pointes et d’arabesques, c’est un certain choc de voir West Side Story Suite. Car ce ballet se place dans la grande tradition des comédies musicales. Les danseurs et danseuses chantent et jouent la comédie (et plutôt bien) (ils savent tout faire des Américain.e.s). Les chorégraphies sont telles quelles, et non pas ré-adaptées à la certaine virtuosité de la troupe, tout le monde est d’ailleurs en basket. Il faut aimer cette ambiance, celle de partir dans une chanson entre deux pas de danse. Si on l’apprécie, West Side Story Suite est un pur régal. L’énergie est folle, rodée mais toujours instinctive, avec toujours un côté brut de décoffrage qui tranche avec les autres ballets. Le Jets et les Sharks s’affrontent dans la rue ou sur une piste de danse, la montée en puissance du drame est profondément enivrante. Andrew Veyette (Riff) et Amar Ramasar (Bernardo) se font face avec fureur, même si, pour cette représentation, c’est plutôt le corps de ballet qui porte le tout. Deux jours plus tôt, j’avais vu ce même ballet avec Robert Fairchild en Riff. Avec sa fantastique présence – et son vrai métier des comédies musicales – il avait mené le ballet de bout en bout, lui donnant un grain de folie et une envolée qui n’ont pas été égalé par le casting suivant.

West Side Story Suite de Jerome Robbins

West Side Story Suite de Jerome Robbins



Programme Balanchine/Martins/Robbins du New York City Ballet au Théâtre du Châtelet, dans le cadre des Étés de la Danse. Western Symphony de George Balanchine, avec Lauren King, Chase Finlay, Brittany Pollack, Sean Suozzi, Sara Mearns et Zachary Catazaro ; Tarentella de George Balanchine, avec Erica Pereira et Daniel Ulbricht ; The Infernal Machine de Peter Martins, avec Unity Phelan et Preston Chamblee ; Barber Violin Concerto de Peter Martins, avec Teresa Reichlen, Jared Angle, Megan Fairchild et Russell Janzen ; West Side Story Suite de Jerome Robbins, avec Adrian Danchig-Waring (Tony), Amar Ramasar (Bernardo), Andrew Veyette (Riff), Mimi Staker (Maria), Ana Sophia Scheller (Anita) et Gretchen Smith (Rosalia). Mercredi 6 juillet 2016.

 

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