Portes ouvertes 2015 des classes de danse du CNSMDP
Les classes de danse du CNSMDP faisaient leurs Portes ouvertes les 17 et 18 avril. Les élèves de danse classique et contemporaine y montraient au public leurs cours quotidiens, ainsi que leurs cours complémentaires. Sur deux salles (le superbe studio de danse Garnier et la salle d’art lyrique), les niveaux et les classes se relayaient sur deux jours. Au public de suivre tel ou tel cours selon son envie.
Les classes de danse contemporaine ont, encore une fois, montré toute l’excellence de leur formation (peut-être le meilleur cursus en France dans ce domaine). Les classes de danse classique sont en plein renouveau. En prenant en main la direction des études chorégraphiques, Clairemarie Osta voulait changer l’organigramme de la formation, mais elle a été congédiée avant de pouvoir vraiment mettre son programme en place. De nouveaux professeurs sont arrivé-e-s depuis, comme Isabelle Ciaravola ou Jean-Guillaume Bart, donnant un nouvel élan à ces classes de danse classique.
Vendredi 17 avril (par Amélie Bertrand)
Les Portes ouvertes s’ouvrent par la danse contemporaine. Au Studio Garnier, les élèves d’année préparatoire (première année) ont encore les joues rondes de l’adolescence, mais déjà beaucoup de présence et d’attention, que ce soit pendant le cours ou l’atelier de répertoire. À la salle d’art lyrique, les grand-e-s de DNSP 3 (4e année) montrent une grande maturité, une danse grande et belle. Menés par Cheryl Therrien, ils montrent une classe basée sur le travail de Merce Cunningham.
La professeure propose des exercices d’échauffement pas forcément virtuoses, mais faisant appel à une belle musicalité. Son franglais, son charmant accent et sa visible empathie envers les élèves rendent le cours très agréable. Les élèves travaillent les isolations des épaules, puis du dos. « À côté, and the arche« , lance en musique Cheryl Therrien, attentive au moindre détail. Suit un exercice plus rapide, où les étudiant-e-s sont parfois à la traîne. « Il faut anticiper ces micros transferts du poids du corps« , explique la professeure. La classe se termine par un atelier de répertoire. La classe est homogène et d’un haut niveau, montrant de belles personnalités. Certain-e-s, surtout les filles, montrent une base classique importante avec des extensions et de belles lignes de jambes.
Place ensuite au cours de caractère des élèves de danse classique d’année préparatoire et de DNSP1. Après les grands, retour aux bouts de chou, certain-e-s- ont l’air de ne pas avoir plus de 14 ans. Roxana Barbacaru leur fait faire d’abord une barre rapide, où chaque exercice évoque une danse différente (hongroise, espagnole, etc.). Tout est ici question de style et de finesse. « Le but de l’exercice n’est pas de taper du pied et de faire du bruit« , s’amuse la professeure, menant son cours avec humour. Les plus grandes filles passent ensuite au milieu, avec un très joli et musical exercice de port de bras.
Retour à la salle d’art lyrique pour un cours d’adage des classes de danse classique DNSP 2 (3e année), donné pour la première fois par Christa Charmolu. La professeure a choisi l’adage du deuxième acte du Lac des Cygnes, qu’elle a coupé en plusieurs passages. Les élèves ne travaillent l’adage que depuis la rentrée, le travail est encore en chantier. Certains garçons sont encore hésitants sur les portés, d’autres arrivent déjà à passer quelques difficultés avec une certaine assurance. « C’est toujours la faute des garçons« , s’amuse Christa Charmolu, « Dur métier que Prince charmant« . La professeure ponctue son cours d’humour assez mordant, mais qui ne déstabilisent pas les élèves.
Certaines filles font aussi attention au travail de leurs bras de cygne, quitte à se perdre un peu dans les déplacements. « Vous avez perdu votre GPS« , lance la professeure. Il y a des chutes, des ratés, des maladresses, des situations assez cocasses (« Je m’amuse beaucoup à ces cours« , lance en clin d’oeil au public Christa Charmolu), mais chacun y retourne.
Au Studio Garnier, les élèves de danse de caractère ont laissé place aux garçons de danse classique DNSP1, menés par le nouveau professeur Bertrand Belem. Ancien Sujet à l’Opéra de Paris, il aime l’école française et le montre. La fin de son milieu est composé de nombreux exercices de sauts et de petites batteries, dans la pure tradition. Et les élèves s’en sortent plutôt bien. Les exercices sont propres, bien menés, avec un souci de la précision. Bertrand Belem fait peu de remarque individuelle, mais visiblement rien ne lui échappe. Les 11 garçons sont au stade de l’adolescence où les tailles sont très différentes. Le niveau n’en reste pas moins relativement homogène et de qualité, il s’agit visiblement d’un bon groupe de travail.
Les élèves contemporains DNSP2 ont investi la salle d’art lyrique, pour un cours basé sur la technique d’Anne Teresa De Keersmaeker. La danse est puissante, avec un important travail au sol. Daniel Condamines fait refaire un exercice, demandant « plus de dynamisme et des impulsions claires dans le corps« . Les élèves sautent et se laissent tomber au sol parfois violemment, « attention aux amortis« , lance le professeur. La danse est très différente qu’au cours des DNSP3, plus terrienne. Le niveau est là encore élevé, et les élèves montrant sans difficulté leur personnalité.
Les filles du deuxième cycle (ex junior ballet) enchaînent avec des variations du répertoire. Ces élèves de dernière année sont en fait en vacances. 5 des 10 filles sont revenues pour passer en scène leur variation, qu’elles préparent pour des auditions. Claude de Vulpian mène la classe, mais ne fait pas de véritable correction (le temps manque). Parmi les filles qui se distinguent, Élisa Lons (passée par le Prix de Lausanne et la Royal Ballet School) propose un beau Cygne noir. Mais dommage que le plus grand niveau n’ait pas plus de visibilité pour ces Portes ouvertes.
La journée se termine avec la belle classe d’adage de Jean-Guillaume Bart, pour les élèves de danse classique de DNSP3. Tous les élèves démarrent au col, avec une série de pompes (et oui, même pour les filles), puis des exercices simples de pirouettes et de portés. »Pliez plus profond que si vous étiez tout seul« , explique-t-il aux garçons qui ont un peu de mal avec les portés.
Place ensuite grand pas de Don Quichotte. Jean-Guillaume Bart insiste aussi bien sur la technique (le placement des mains dans les portés, un équilibre) que le style (des mains à l’espagnol, un mouvement de tête). Il pousse les élèves à se mettre en avant, à briller. « C’est le moment où tu te la pètes, ce n’est pas la petite maison dans la prairie« , lance-t-il aux filles lors de leur ultime équilibre. Il leur rappelle qu’elles ont déjà travaillé ces bras à l’espagnol, lors de leur cours de danse de caractère ces deux précédentes années. Quant aux garçons, « Vous devez être machos ! C’est trop gentil« . Jean-Guillaume Bart est attentif au moindre pas et port de bras, rectifiant tout, faisant refaire, avec toujours en arrière-pensée cette idée qu’il faut raconter une histoire. L’ancienne Étoile de l’Opéra de Paris est profondément pédagogue et passionnant, suivre son cours est un régal même pour un néophyte.
Samedi 18 avril (par Jade Larine)
Jean-Guillaume Bart présente sa classe de garçons classiques de 3e et 4e année sur la scène de la salle d’art lyrique. Tous les exercices au milieu, des dégagés aux grands sauts en passant par les pirouettes, l’adage ou encore la petite batterie, sont effectués avec précision et professionnalisme par les apprentis danseurs. Si le groupe a un bon niveau homogène, quelques élèves commencent à se démarquer.
Jean-Guillaume Bart montre, qu’en plus d’être une Étoile mémorable et un chorégraphe de talent (sa Source a fait couler bien des passions en décembre dernier), il est également un professeur attentif. Il reprend sur la technique bien sûr, « plus souples les jambes« , mais il guide aussi le mouvement dans une optique plus philosophique, « loin, le regard« . La danse classique est surtout une question d’élévation – « loin, loin, loin » insiste-t-il. Il enseigne par ailleurs un style, celui de l’École française que l’on croyait réservé à l’école de danse de l’Opéra de Paris, « jambe à 90 degrés » et insiste sur la musicalité.
« Musique et résonance » sonne en effet comme une injonction à la fin de chaque exercice. Cependant, la danse classique n’est pas que grâce et légèreté, surtout chez les hommes. Certaines indications relèvent du champ lexical martial, « vos jambes tranchent l’air, comme si vous… coupiez des têtes« . L’allusion en ces temps d’exécutions publiques est peu heureuse mais l’image a le mérite d’être claire. Jean-Guillaume Bart est assurément un professeur constructif, proche de ses élèves qu’il reprend nommément pour souligner leur individualité. Ce qui n’exclut évidemment pas l’exigence. « Les garçons, vous n’avez pas le droit de vous tromper sur cet exercice qu’on répète depuis des semaines« , rappelle-t-il. Reste à souhaiter que Jean-Guillaume Bart, fort de ses nombreux talents, chorégraphie une variation spécialement pour ses élèves lors du prochain spectacle du CNSMDP.
De son côté, Isabelle Ciaravola présente la barre et les exercices au milieu d’élèves garçons moins chevronnés (première année). Le petit groupe est disparate mais prometteur, avec de très jeunes pousses à l’évidence soucieuses de progresser et des adolescents qui ont, pour certains, déjà la carrure de professionnels. L’Étoile de l’Opéra de Paris les mène à la baguette, au sens premier du terme, avec exigence mais sans sévérité. À travers son enseignement, on reconnaît d’emblée la danseuse perfectionniste qu’elle est.
Les corrections pointilleuses fusent sur la position du corps, à la barre, mais l’indulgence est de mise. « Excusez-les, ils vous font une version accélérée de la barre« , puis « Ils sont stressés là« , précise notre hôte. Il n’y a pas un temps mort dans le déroulé du cours. Les jeunes élèves sont un peu timides mais Isabelle Ciaravola sait détendre l’atmosphère avec son sens de l’humour unique – c’est presque un one-woman-show. « Il faut que ce soit agréable à regarder hein ! Là ça fait peur« . Le public rit de bon cœur et les danseurs en herbe avec.
Ce qui est frappant dans cette démonstration, c’est qu’Isabelle Ciaravola inculque déjà à ses élèves la notion d’être artiste. Elle leur apprend à danser sur scène et non en studio – « Imaginez que vous êtes… à l’Opéra, c’est pas loin en plus« . Elle n’hésite pas non plus à reprendre un élève au milieu, « Recentre-toi, tu es hors-champ là. Pense à ceux qui filment !« . Libérés, partiellement au moins, de leurs tensions, les jeunes garçons donnent le meilleur d’eux-mêmes sous le regard bienveillant d’une des Étoiles les plus regrettées de la scène française.
LorenaDanse
C’est la phrase à retenir : « Mais dommage que le plus grand niveau n’ait pas plus de visibilité pour ces Portes ouvertes. » Dommage que les classes de danse classique n’aient pas plus de représentations (dans leur discipline) que les Portes ouvertes…
Amélie Bertrand
@ Lorena : J’ai du mal à comprendre l’arrêt du Junior Ballet (car ces grandes classes ne sont pas vraiment un Junior Ballet). Comment former des danseurs et danseuses dans la scène ? Idem pour les autres classes, qui doivent attendre la quatrième année pour des représentations.
laetitia
bonjour
je regarde avec plaisir ces jeunes et m’étonne. quand on va sur le site du CNSMDP on voit que le recrutement se fait à partir de 17ans… d’où sortent ces jeunes???
bonne journée
Amélie Bertrand
@ Laetitia : Le recrutement démarre vers 14 ans. La limite de 17 ans est pour le deuxième cycle je pense, l’ancien Junior Ballet.