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L’Histoire de Manon – Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

Cette nouvelle série de L’Histoire de Manon à l’Opéra de Paris a été inaugurée lundi 20 avril par un spectacle à l’intensité dramatique exceptionnelle. Laëtitia Pujol et Mathieu Ganio ont donné au couple de Manon et des Grieux une telle force que mes attentes à l’égard de la distribution du dimanche 26 avril, Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, étaient hautes. Elles furent déçues par une représentation terne, où l’ennui souvent guettait. Les personnages principaux manquaient en effet de profondeur et de nuances, et semblaient danser les uns à côté des autres. Les moments d’alchimie furent bien trop rares pour une histoire où l’intrication des relations a une importance cruciale.

L'Histoire de Manon - Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

L’Histoire de Manon – Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

Ludmila Pagliero est une Manon souriante et douce jusqu’à la rêverie dans le premier acte. Insouciante, elle tombe amoureuse de des Grieux aussi simplement qu’elle choisit de devenir la maîtresse de Monsieur de G.M. Son amour pour des Grieux s’exprime par des ports de bras déliés et des caresses tendres plus que dans l’exécution des pas de deux, qui manquent d’assurance technique. Le premier pas de deux dans la chambre de des Grieux est ainsi approximatif et maladroit et les portés peinent à s’élever. Les accents de la chorégraphie deviennent indiscernables. Peut-être Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt ont-ils eu trop peu de répétitions ensemble ?

Toujours est-il qu’ils ne forment pas un couple très crédible. Leurs personnages s’accordent certes par une forme de transparence dans l’expression des sentiments, mais la mélancolie presque constante de des Grieux contraste trop fortement avec  la légèreté de Manon. Ils semblent dans le deuxième acte étrangers l’un à l’autre, elle gracieuse et distinguée, lui sinistre et désespéré. Ludmila Pagliero n’interprète pas son personnage avec la complexité nécessaire : si sa Manon est peu sensuelle, c’est qu’elle ne semble jamais prendre conscience de son pouvoir de séduction. Le deuxième acte sonne ainsi un peu creux, et la déchéance de Manon dans le troisième acte perd par là de sa portée tragique. C’est ce qui empêche le dernier pas de deux, pourtant plutôt émouvant, d’emporter tout à fait.

L'Histoire de Manon - Ludmila Pagliero

L’Histoire de Manon – Ludmila Pagliero

Josua Hoffalt est quant à lui un des Grieux ombrageux et timide jusqu’à la passivité. Ses variations ont beaucoup d’ampleur et de moelleux mais ne résonnent pas avec celles de Manon. Pas plus de complicité ne se crée entre Manon et son frère Lescaut, alors que cet aspect est un des grands enjeux de l’intrigue et de la chorégraphie. Le Lescaut d’Alessio Carbone, aussi belle soit sa qualité d’exécution des pas et aussi enthousiasmant soit son ballon, a tout dans le premier acte d’un aristocrate poli et distingué ! Aucun cynisme, aucune noirceur chez cet homme qui trafique avec des vauriens, force sa maîtresse à aguicher un homme riche après l’autre, et ne prend sa soeur sous son aile que pour la vendre au plus offrant. Dans le pas de trois qui scelle le destin de Manon à la fin du premier acte, c’est à peine si Lescaut et Manon échangent un regard.

La maîtresse de Lescaut, interprétée par Muriel Zusperreguy, charme par le rythme précis et virevoltant de ses variations, mais, ingénue et dépourvue de toute vulgarité, elle ressemble elle aussi à une noble davantage qu’à une courtisane. Dans le deuxième acte, elle ne s’impose pas à la tête des prostituées comme Alice Renavand sait le faire. Les deux interprètes sont toutefois plus convaincant-e-s dans le registre comique du pas de deux ivre.

L'Histoire de Manon - Alessio Carbone, Ludmila Pagliero et Aurélien Houette

L’Histoire de Manon – Alessio Carbone, Ludmila Pagliero et Aurélien Houette

Ce sont finalement des rôles secondaires que je retiendrai de cette représentation. Monsieur de G.M.,interprété par Aurélien Houette, est repoussant de lubricité. Yann Saïz est pour sa part un geôlier sadique, mais qui s’essaie parfois – de manière inappropriée – à la bouffonerie.

Les scènes de groupe sont toujours trop peu grouillantes et n’ont pas le réalisme voulu par Kenneth MacMillan. Mais, pris-es individuellement, les danseur-se-s donnent beaucoup de personnalité à leurs personnages. Eléonore Guérineau parmi les courtisanes et Hugo Marchand chez les gentilshommes sont particulièrement excellent-e-s. Enfin, Adrien Couvez illumine le premier tableau en chef des mendiants : bondissant et crapuleux, acrobate à l’allure contorsionniste, et très fin dans ses mimiques jamais outrées, il parvient à donner à sa troupe un relief qu’elle n’avait pas lors de la première représentation.

L'Histoire de Manon - Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

L’Histoire de Manon – Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

 

L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan par le Ballet de l’Opéra national de Paris au Palais Garnier. Avec Ludmila Pagliero (Manon), Josua Hoffalt (Des Grieux), Alessio Carbone (Lescaut), Muriel Zusperreguy (la maîtresse de Lescaut), Aurélien Houette (Monsieur de G.M.), Sarah Kora Dayanova (Madame) et Yann Saïz (le geôlier). Dimanche 26 avril 2015.

 

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