La Fille mal gardée – Éléonore Guérineau et Fabien Révillion
La Fille mal gardée de Frederick Ashton permet, à chaque série au Ballet de l’Opéra de Paris, d’offrir à de jeunes solistes des premiers rôles (compensation de la bouderie de la plupart des Étoiles pour ce ballet). En 2007, Dorothée Gilbert était épatante quelques mois avant sa nomination. En 2009, le trio Mathilde Froustey/Pierre-Arthur Raveau/François Alu avait conquis le public. En 2015, place à une toute autre génération. Ou aux oublié-e-s de la précédente. Voici dix ans qu’Éléonore Guérineau est dans le corps de ballet, sans le moindre même second rôle à se mettre sous les pointes. Première Lise, premier grand rôle, et comme l’impression qu’elle a fait ça toute sa vie.
Éléonore Guérineau a déjà le charme de Lise, fraîche et pimpante, rieuse et mutine, bonne actrice et à l’aise avec la pantomime même si forcément son personnage est moins abouti que de plus expérimentées. Sa danse est bluffante, avec une grande mobilité et poésie du haut du corps, très expressif. Son jeu de bas de jambes est précis et raffiné, l’excellence de la danse française portée par la musicalité. La ballerine se démarque aussi par un ballon appréciable. Dix ans de corps de ballet peuvent fatiguer une technique, l’amoindrir, l’affadir. Rien de tout ça chez Éléonore Guérineau, qui offre une danse réveillée et en place (et, il faut le dire, plus intéressante que certaines mieux gradées).
Surtout, la danseuse s’impose en soliste sur scène comme si elle faisait ça depuis des années. Après un premier étirement sous les escaliers timide, le stress est parti, et la ballerine a dirigé le ballet du début à la fin. Son partenaire du soir était aussi un brin timide. Fabien Révillion est un danseur brillant, mais la pression d’un premier « premier rôle » (toujours différent d’un second, que le danseur a déjà expérimenté). s’est par contre fait sentir chez lui.
Timide dans le jeu (même si naturel), il est apparu vraiment crispé sur sa première variation. L’interprète s’est toutefois détendu au fil de la représentation, trouvant ses marques petit à petit, mais il n’a semblé véritablement se lâcher que lors des pirouettes finales. Fabien Révillion n’allait pas si mal à Colas, mais il n’a pas eu le temps d’en définir les contours. Problème de pression et de trac plus que de qualités intrinsèques.
Autre première fois, celle de Mathieu Contat dans le rôle d’Alain. Le jeune Coryphée (de la même génération que Hugo Marchand ou Germain Louvet) a livré une prestation très premier degré, mais qui a bien fonctionné. Son personnage était le parfait idiot du village, faisant rire les villageois-es comme le public, tout en sachant se montrer touchant par moments. Les contours restaient verts là aussi, mais le danseur a montré un potentiel pour des rôles de caractère plutôt intéressant.
Aurélien Houette a peaufiné sa Mère Simone depuis la première, excentrique et passé maître de la clog dance. Tout le monde en scène en fait, jusqu’aux poulettes, semblait plus décontracté, et un agréable vent de folie douce a soufflé sur toute la représentation.
D’autres jeunes solistes – Letizia Galloni et Marine Ganio – vont faire leurs premiers pas dans La Fille mal gardée. Quant à Éléonore Guérineau, il semblerait incongru qu’elle retourne dans l’anonymat du corps de ballet, sans autre premier rôle. Giselle pourrait lui tendre les bras, pourquoi pas Juliette, sa technique brillante pourrait aussi s’accorder à Balanchine. Les nouveaux talents ne manquent décidément pas.
La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. Avec Éléonore Guérineau (Lise), Fabien Révillion (Colas), Aurélien Houette (Mère Simone), Mathieu Contat (Alain), Pierre Rétif (Thomas) et Antonin Monié (danseur à la flûte). Samedi 4 juillet 2015.
pirouette24
J’ai moi aussi assisté à cette représentation . J’ai adoré, c’était la première fois que je voyais ce ballet!
Fait amusant , je voyais pour la deuxième fois en une semaine Mathieu Contat dans un rôle de soliste, car il dansait quelque jours auparavant au gala du théâtre de Charenton où ma nièce faisait partie du spectacle! Il était avec Amélie Johannides et les deux ont fait une superbe prestation ( à la sortie j’entendais un professeur de l’école de danse de l’ONP leur promettre un bel avenir ! ils avaient l’air timides mais surtout très jeunes par rapport à quand ils sont sur scène! ma nièce leur a demandé un autographe elle est fan maintenant!)
Bref, je l’ai aussi beaucoup aimé dans Alain, très attendrissant et drôle.
Mais c’est surtout la soliste principale, Eléonore Guérineau que j’ai trouvé parfaite pour ce rôle. Pétillante, danse ciselée…..j’ai du mal à croire que c’était seulement son premier grand rôle. En revanche j’ai du mal à l’imaginer dans d’autres rôles, comme Odette, ou Nikiya….mais ce n’est pas un mal. Son partenaire avait en effet l’air moins à l’aise, mais s’est libéré avec la progression du ballet. J’y retourne bientôt du coup pour voir Letizia Galloni et Mathias Heymann! Merci pour ces comptes rendus.
alena
Eléonore, je l’adore. (oui, oui, je sais…)
Amélie Bertrand
@ Pirouette : Elénore Guérineau n’est pas un Cygne a priori, mais pourquoi pas une Giselle ou une Juliette… J’aimerais beaucoup la voir dans ces rôles en tout cas ! Quant à Amélie Joannides, je croise les doigts chaque année pour elle pour qu’elle passe Coryphée.
@ Alena : Il y a de quoi 😉
pirouette24
Merci Amélie de toujours prendre le temps de nous répondre ! C’est vraiment très appréciable (surtout pour des gens comme moi qui se sentent plus à l’aise de commenter ici que sur des forums ) je vous souhaite par la même occasion un bel été.