Ballet de l’Opéra de Paris : une « Génération Millepied » en marche
La saison 2014-2015 du Ballet de l’Opéra de Paris qui s’est achevée a été marquée, entre autres, par l’arrivée à sa tête de Benjamin Millepied. Si ce n’est pas lui qui a signé la programmation, il y a mis sa patte avec des distributions inédites. Des Sujets, voire des Coryphées, furent distribué-e-s sur des premiers rôles. De nouveaux solistes ont émergés, une Étoile a été nommée. Et c’est toute une génération, des jeunes de 20 ans comme des trentenaires jusque là un peu oublié-e-s, qui ont été mis en avant. De quoi a l’air cette « génération Benjamin Millepied » ? Bilan après une saison.
Laura Hecquet – L’Étoile
Repérée dans – Paquita de Pierre Lacotte (et dans pas mal de choses les saisons passées).
Son parcours – Depuis douze que Laura Hecquet est entrée à l’Opéra de Paris, la danseuse a eu le temps de se faire remarquer. Mais hasard des concours, elle n’avait jamais pu sortir du corps de ballet. L’arrivée de Benjamin Millepied change sa vie. Un mois après son arrivée, Laura Hecquet devient Première danseuse, alors que tout le monde attendait la jeune génération. Trois mois plus tard, elle est nommée Danseuse Étoile. En mai, elle danse Paquita comme si elle avait ce titre depuis des années, prenant tout de suite sa place.
La saison prochaine – Laura Hecquet aime George Balanchine et Jerome Robbins, elle pourra donc se régaler dans les mois à venir (et le public aussi, la danseuse brille vraiment dans ce répertoire). On peut imaginer qu’elle ait aussi sa chance dans La Bayadère et reprenne Myrtha dans Giselle.
François Alu – Le futur Danseur Étoile
Repéré dans – Le Lac des Cygnes de Rudolf Noureev, L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan…
Son parcours – Attention, star en vue ! Benjamin Millepied l’a bien compris en lui confiant un rôle dans Daphnis et Chloé, et en lui offrant une certaine médiatisation (l’homme le plus sexy de l’année pour Têtu, c’est lui). Puis dès janvier, cela devient un peu plus paradoxal. François Alu danse sur peu de dates, on ne le voit pas forcément beaucoup en scène. Mais il effectue de nombreuses prises de rôle, montrant (au-delà de sa technique superlative et son charisme en scène), une véritable maturité théâtrale. Djémil, Siegfried, Colas, Iñigo, Lescaut… Il est un danseur multi-facettes.
La saison prochaine – Une nomination ne devrait plus trop tarder. Titulaire sur George Balanchine à la rentrée, il devrait participer sans trop de problèmes aux trois grands ballets classiques de la saison. Et pourquoi pas quelques créations néo-classiques.
Hannah O’Neill – La future Danseuse Étoile
Repérée dans – Paquita de Pierre Lacotte.
Son parcours – D’origine néo-zélandaise et japonaise, Hannah O’Neill devient surnuméraire au Ballet de l’Opéra de Paris en 2011, avant d’être titularisée deux ans plus tard. La danseuse brille dans le corps de ballet et les concours de promotion, affichant sa supériorité technique, mais n’a pas de chance particulière en scène. L’arrivée de Benjamin Millepied change aussi la donne pour elle, elle se voit d’un coup confier des rôles d’importance. Dont Paquita, avec un Grand Pas interprété comme une Étoile. Au-delà de la virtuosité, Hannah O’Neill a ce petit truc en plus, ce brio, ce charisme en scène.
La saison prochaine – Hannah O’Neill démarrera avec la création de Benjamin Millepied pour les jeunes talents de la compagnie. Elle est aussi remplaçante pour le rôle principal de Thème et variations de George Balanchine. La danseuse a aussi tout pour plaire aux jeunes chorégraphes américains comme Justin Peck qui viendront l’année prochaine. Et reste l’une des grandes favorites pour passer Première danseuse en décembre prochain.
Artur Allard – Le point d’interrogation (plus ou moins)
Repéré dans – Artur Allard a été absent toute la saison pour blessure.
Son parcours – Si François Alu est un danseur de demi-caractère, Artur Allard est le vrai prince romantique. Mais une méchante blessure l’a privé de scène toute la saison. Benjamin Millepied connaît toutefois sa valeur.
La saison prochaine – Titulaire sur Jerome Robbins à la rentrée, Artur Allard devrait montrer toutes ses possibilités. Albrecht ou Roméo devraient aussi lui tendre les bras.
Héloïse Bourdon – Le point d’interrogation
Repérée dans – Le Lac des Cygnes de Rudolf Noureev.
Son parcours – Entre Héloïse Bourdon et Benjamin Millepied, cela n’a pas forcément bien commencé. Alors que le nouveau directeur aime mettre de jeunes talents en avant, la danseuse n’est pas particulièrement distinguée. Mais elle bénéficie des nombreuses blessures de fin d’année sur Casse-Noisette. Héloïse Bourdon apprend en urgence le rôle de Clara, et le danse avec brio. Sa performance a dû convaincre : la voilà titulaire d’Odette/Odile dans Le Lac des Cygnes, associée à une Étoile (Josua Hoffalt), preuve de confiance. Au gré là encore des blessures, la ballerine est celle qui dansera le plus sur ce ballet. Mais elle ne fait pas que sauver la série : elle montre au fil des représentations qu’elle est déjà une soliste aguerrie (d’autant plus qu’elle avait déjà travaillé ce rôle). Héloïse Bourdon a même le luxe d’une standing-ovation. Mais il ne se passe plus grand-chose après. La danseuse a des rôles anecdotiques sur L’Histoire de Manon, est remplaçante dans Les Enfants du Paradis mais n’a pas sa chance.
La saison prochaine – Pour l’instant, Héloïse Bourdon n’est pas spécialement mise en avant dans les programmes de la rentrée (alors qu’elle pourrait être à son aise dans le répertoire de George Balanchine). Le concours de promotion devrait être décisif pour elle, partant grande favorite. Il est aussi facilement imaginable qu’elle reprenne son rôle de Nikiya dans La Bayadère, ou qu’elle se voit confier Myrtha dans Giselle.
Marc Moreau – Le danseur muse
Repéré dans – Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker, globalement les oeuvres plus contemporaines.
Son parcours – Tout comme pour Léonore Baulac, Benjamin Millepied a très vite mis Marc Moreau en avant dans ses créations. Le danseur est aussi souvent choisi par les chorégraphes d’aujourd’hui, il a une personnalité marquée et unique en scène. Toutefois, dans les ballets plus académiques, il montre aussi ses limites (comme dans La Fille mal gardée en fin de saison).
La saison prochaine – Marc Moreau démarrera avec la création de Benjamin Millepied. Il devrait avoir toutes ses chances pour les autres créations de la saison. Il apparaît aussi comme l’un des favoris pour une place de Premier danseur, même si personne n’a été promu la saison dernière (faisant penser que Benjamin Millepied souhaite plutôt promouvoir la génération suivante).
Léonore Baulac – La danseuse muse
Repérée dans – Casse-Noisette de Rudolf Noureev.
Son parcours – Bloquée par le stress du concours de promotion, Léonore Baulac reste longtemps Quadrille. Mais Benjamin Millepied flashe sur la danseuse. Alors qu’elle n’est que Coryphée, il lui confie le rôle de Lycénion dans Daphnis et Chloé. Léonore Baulac a pour elle un charisme naturel en scène, un visage qui capte la lumière et une véritable aisance dans le répertoire néo-classique. Mais c’est dans des rôles académiques qu’elle a sa chance pour la première fois, notamment Casse-Noisette. Et dans ce répertoire, la danseuse s’est montrée moins à l’aise que la brillante Hannah O’Neill. Au bout d’une saison, par rapport à ce qui s’est vu en scène, elle n’apparaît plus forcément comme la grande favorite pour passer Première danseuse.
La saison prochaine – Les chorégraphes américains devraient l’adorer, Léonore Baulac a toutes ses chances pour faire partie des pièces de Justin Peck ou Christopher Wheeldon. Elle se dirige en tout cas vers un répertoire plus contemporain, en étant distribuée à la rentrée sur le programme Anne Teresa de Keersmaeker.
Hugo Marchand – Le danseur valeur sûre
Repéré dans – L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan.
Son parcours – Danseur noble à la danse élégante et précise, Hugo Marchand est entré dans le corps de ballet en 2011. Il a vite gravi les échelons, sans toutefois avoir sa chance sur scène. Benjamin Millepied lui en offre, et le danseur relève à chaque fois le défi avec brio. D’abord dans Casse-Noisette, surtout dans L’Histoire de Manon où il montre tout son potentiel romantique.
La saison prochaine – Sur la création de Benjamin Millepied et remplaçant pour George Balanchine, Hugo Marchand devrait être sur tous les fronts. Qu’il soit distribué en soliste, en pas de trois ou en petits groupes, il montre toujours sa grande valeur. Il pourrait aussi de nouveau avoir sa chance dans un grand ballet, pourquoi pas Roméo et Juliette. Et déjà une promotion de Premier danseur ?
Sae Eun Park – La danseuse valeur sûre
Repérée dans – La Source de Jean-Guillaume Bart.
Son parcours – Danseuse venue de l’extérieur, elle a passé quelques années en tant que surnuméraire avant d’entrée dans le corps de ballet en 2012. Les choses n’ont ensuite pas traîné, Sae Eun Park survolant chaque concours de promotion. Mais encore une fois, elle doit attendre l’arrivée de Benjamin Millepied pour avoir sa chance en scène. Elle danse Naïla dans La Source d’une très jolie façon, puis Odette/Odile dans Le Lac des Cygnes. Ses interprétations divisent (certains adorent, d’autres restent plus froids), mais la danseuse impose sa superbe technique et sa présence naturelle. Avec elle, tout semble rouler. Depuis, Sae Eun Park a toutefois été un peu plus en retrait.
La saison prochaine – C’est un peu comme si Benjamin Millepied ne savait pas trop quoi faire d’elle. Alors que l’on attendait Sae Eun Park dans George Balanchine, où elle aurait brillé sans aucun doute, elle est distribuée sur le programme Anne Teresa de Keersmaeker. Pour le reste, le concours de promotion sera aussi une étape importante. Lors du dernier, Sae Eun Park avait soufflé tout le monde avec sa variation très investie de Nikiya, une chance pour décembre ?
Germain Louvet – Le danseur valeur montante
Repéré dans – Casse-Noisette de Rudolf Noureev.
Son parcours – De la même promotion que Hugo Marchand, Germain Louvet est un danseur tout aussi brillant. Assurant d’une jolie façon Casse-Noisette à Noël, il a toutefois été un peu plus en retrait par la suite, n’arrivant pas forcément à se démarquer (lors du pas de trois de Paquita notamment). Le danseur semble avoir encore le besoin de mûrir pour passer au stade du-dessus.
La saison prochaine – Germain Louvet démarre avec la création de Benjamin Millepied (dont la distribution est d’ailleurs un bel exemple de la « génération Millepied »). Le danseur devrait se régaler avec George Balanchine ou Jérome Robbins.
Éléonore Guérineau – L’outsider
Repérée dans – La Fille mal gardée de Frederick Ashton.
Son parcours – Entrée il y a 10 ans dans la compagnie, Éléonore Guérineau fait partie de celles qui ont été gentiment oubliées. Son premier rôle, le seul de sa carrière, c’est aussi Benjamin Millepied qui le lui propose : Lise dans La Fille mal gardée. Et là, révélation, la danseuse semble avoir été soliste toute sa vie. Elle danse grand, elle saute haut, apporte une poésie du haut du corps et une finesse de bas de jambe qu’on ne voit pas chez tout le monde. Et se place aussi pour passer Première danseuse.
La saison prochaine – Éléonore Guérineau est pour l’instant titulaire sur la création de Benjamin Millepied. Pour le reste, une promotion ou non jouera beaucoup. Néanmoins, sa prestation dans La Fille mal gardée pourrait lui ouvrir les portes de Giselle ou Juliette.
Yannick Bittencourt – Le romantique
Repéré dans – Les Enfants du Paradis de José Martinez.
Son parcours – Yannick Bittencourt fait partie de ces Sujets de valeur, qui apportent une saveur particulière aux seconds rôles. Et Benjamin Millepied l’aime bien. Il lui donne sa chance dans Le Lac des Cygnes et Les Enfants du Paradis. Le danseur a toutefois eu du mal à vraiment profiter de ces expériences, montrant un stress un peu trop visible.
La saison prochaine – George Balanchine ou Benjamin Millepied en début de saison, Yannick Bittencourt devrait s’épanouir dans ce répertoire néo-classique.
Letizia Galloni – La danseuse valeur montante
Repérée dans – Le Lac des Cygnes de Rudolf Noureev (l’un des quatre grands cygnes) et La Fille mal gardée de Frederick Ashton.
Son parcours – Jolie danseuse, souvent distribuée au contemporain, Letizia Galloni reste bloquée au stade de Coryphée (elle est engagée depuis 2009). Pourtant, la danseuse impose sa présence dans le corps de ballet. Benjamin Millepied lui donne sa chance dans des ballets classiques. Elle se fait ainsi remarquer parmi les quatre Grands Cygnes ou dans Lise (La Fille mal gardée).
La saison prochaine – À la fois sur la création de Benjamin Millepied et sur Anne Teresa de Keersmaeker, Letizia Galloni sait danser un répertoire varié. Pour la suite, elle devra cependant passer le stade de Sujet si elle veut continuer à être bien distribuée.
Antoine Kirscher – Le jeune pousse
Repéré dans – La Fille mal gardée de Frederick Ashton (rôle d’Alain).
Son parcours – Vous souvenez-vous du documentaire Les touts petits rats de l’Opéra diffusé il y a quelques années sur les petits stagiaires de l’École de Danse ? Antoine Kirscher en faisait partie. Il fut l’un des rares de sa promotion à aller au bout de sa formation et intégrer le corps de ballet. Engagé en 2013, il n’a pas tardé à se faire remarquer, passant Coryphée dès son premier concours. Il a surpris tout le monde dans le rôle d’Alain (La Fille mal gardée), rendant très attachant ce personnage pas facile à aborder et en sachant déjà y apporter sa touche personnelle.
La saison prochaine – Danseur brillant, Antoine Kirscher devrait se régaler la saison prochaine. Pour voir plus loin, il devra passer Sujet, ce qui pourrait être à sa portée.
laure
et Ida vikinkoski, coryphée dès son premier concours (à ma grande surprise, car je la trouve un peu « lourde » quand elle danse mais bon je suis pas une spécialise)
Cookie
bravo pour ce blog different qui reflete la beaute de la danse ,cet Art que j’admire.
Chouettes article! J’espere venir sur Paris decouvrir plus de ballets, sinon Londres est une mine aussi!
Xoxo
Cookie
MUC
Bonne analyse. C´est peut-être un peu tôt pour parler de « génération » , mais j´apprécie le mélange de de jeunes et moins jeunes….
Excusez mon « ignorance » 🙂 mais j´ai dû sauter un châpitre : Artur Allard = Pierre Arthur Raveau ?
Elisa
Merci pour cet article récap de la saison!
Pour ma part, j’ai un gros gros faible pour Artur Allard que j’ai vu danser plusieurs fois. Je trouve qu’il a manqué cette saison où il aurait pu avoir de beaux rôles (Siegfried, Lucien d’Hervilly…). J’espère vraiment le voir la saison prochaine dans les grands ballets classiques!
Gros faible également pour Héloïse Bourdon qui pour moi, mérite vraiment la place de Première danseuse, plus que Hannah O’Neill que je trouve brillante mais moins aguerrie en scène, notamment dans la finesse de l’interprétation. D’ailleurs, avec la nomination de Laura Hecquet et le départ de Nolwenn Daniel, n’y aura-t-il pas finalement 2 postes de Première danseuse à pourvoir?
Quant à François Alu… Il a fait de superbes prises de rôles cette année (j’ai adoré son Siegfried!), sa présence scénique est indiscutable… La seule question reste: mais qu’attend donc Benjamin Millepied pour le nommer? 😀
JL
Malgré quelques espoirs (la technique superlative de François Alu, le charisme sur scène de Hannah O’Neill), cette génération ne semble pas couver de grande étoile de la danse à la Sylvie Guillem, dans une bien moindre mesure à la Marie-Claude Pietragalla, à la Agnès Letestu ou à la Isabelle Ciaravola… On nous dira certes qu’il faut du temps pour que la maturité artistique d’un danseur puisse s’exprimer, que la précédente direction a brimé les jeunes générations, que le niveau de l’école de danse n’est plus le même que sous Claude Bessy mais les immenses talents s’imposent, à de rares exceptions près, très vite. Cette génération Millepied n’est enthousiasmante qu’à nos yeux franco-parisiens. Quant à la nomination de François Alu, on espère qu’elle aura lieu lors d’un ballet ouvert au public. Qui sait s’il ne faudra pas payer un supplément bientôt pour assister à une nomination d’étoile ?
Amélie Bertrand
@ Laure : Ida Viikinkoski est à suivre, mais comme elle n’a pas eu de rôle particulier, je ne l’ai pas inclue dans cet article. D’autres aussi auraient pu en faire partie.
@ Cookie : Merci !
@ MUC : Tout à fait, il a pris un nom de scène cette saison (et comme il a été absent pour blessure, on ne s’est pas encore bien habitué).
@ Elia : Il est plus que probable que deux postes de Première danseuse se libèrent (et chez les danseurs aussi je pense).
@ JL : Ah je ne suis pas d’accord ! :). François Alu ou Hannah O’Neill, et même Pierre-Arthur Raveau ou Héloïse Bourdon, ont vraiment de quoi briller à l’international, même s’ils ne sont pas forcément prêt aujourd’hui.