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[PHOTOS] Retour sur la saison 2015-2016 du Ballet de l’Opéra de Paris

25 septembre 2015-16 juillet 2016… La saison mouvementée du Ballet de l’Opéra de Paris, marquée par le départ surprise de Benjamin Millepied, s’est terminée.

Des créations, des reprises, des jeunes talents, des surprises, beaucoup de chorégraphes américains, des adieux… Revivez en images les moments forts de la saison 2015-2016 du Ballet de l’Opéra de Paris (cliquer sur la première vignette et faire défiler) :

 

La saison au fil des spectacles

Tout avait commencé avec la soirée Millepied/Robbins/Balanchine. Passée la polémique du Défilé (la musique de Wagner et non Berlioz et donné uniquement lors du gala surtaxé), place à une soirée américaine, un ton qui dominera toute la saison. Benjamin Millepied a proposé sa création Clear, Loud, Bright, Forward portée par la jeune génération. Une création qui a laissé dubitative le public, à l’inverse de l’entrée au répertoire de The Dreamer de Jerome Robbins, ou Thème et variations de George Balanchine. Pendant cette série s’est tenue dans les spectacles publics 20 Danseurs pour le XXe siècle de Boris Charmatz. Une initiative sympathique qui a rencontré une belle adhésion du public.

Place ensuite à un programme Anne Teresa De Keersmaeker, avec les entrées au répertoire de Quatuor n4, Die Grosse Fugue et La Nuit transfigurée. Une soirée plutôt réussie avec des interprètes très investi.es. Le tout a enchaîné sur le Concours de promotion. Chez les femmes, Hannah O’Neill a imposé son futur statut d’Étoile et est passée Première danseuse. Chez les danseurs, ce fut le tour de Hugo Marchand. Le public a aussi découvert Paul Marque, jeune talents plein de promesses.

Thème et variations de George Balanchine - François Alu et Valentine Colasante

Thème et variations de George Balanchine – François Alu et Valentine Colasante

La série de La Bayadère, programmée pour les Fêtes, a eu du mal à démarrer, à peine quelques jours après les attentats du 13 novembre. Dorothée Gilbert a montré sa suprématie dans le rôle de Nikiya. Les autres coups de coeur sont plutôt venus des jeunes talents et des invité.e.s. François Alu a offert une magnifique prestation de Solor. Héloïse Bourdon a montré toutes ses capacités de soliste avec Nikya. Et Kimin Kim, jeune Étoile du Mariinsky, a ébloui le public en offrant tout simplement l’une des meilleurs prestations de l’année à l’Opéra de Paris. En face, une soirée Wheeldon/McGregor/Bausch se tenait au Palais Garnier pour un succès mitigé. Alea Sands de Wayne McGregor a déçu. Polyphonia de Christopher Wheeldon a été sympathique, sans forcément voir l’intérêt de faire entrer cette pièce au répertoire de l’Opéra de Paris. Seul Le Sacre du Printemps de Pina Bausch, avec notamment la sublime Alice Renavand dans le rôle de l’Élue, a vraiment enthousiasmé. Entre les représentation, les Petits Rats ont présenté sur cette même scène leurs Démonstrations.

2016 a démarré avec la Batsheva Dance Company avec le superbe Three d’Ohad Naharin. Une rentrée calme par la suite… Jusqu’au départ surprise et avec fracas de Benjamin Millepied de la direction du Ballet. Ça gronde en coulisse et du côté de la direction, le documentaire Relève – où Benjamin Millepied ne ménage pas la compagnie – a du mal à passer (d’autant plus qu’il n’est lui même pas très présent). Et deuxième surprise : son remplacement par Aurélie Dupont. Ces annonces arrivent juste avant la première de la soirée Bel/Millepied/Robbins. Tombe de Jérôme Bel n’a mis personne d’accord, certain.e.s adorent, d’autres détestent. La Nuit s’achève, autre création de Benjamin Millepied, a plus fait l’unanimité (sur sa relative inutilité). Les Variations Goldberg de Jerome Robbins a eu son charme, malgré sa longueur et son arrivée tardive dans la soirée. Mais la troupe a admirablement bien dansé ce ballet qui lui va bien. La fin de la série a été marquée par les adieux de Benjamin Pech.

Benjamin Pech lors de ses adieux

Benjamin Pech lors de ses adieux

Iolanta/Casse-Noisette de Dmitri Tcherniakov n’a que moyennement convaincu. Certes, le spectacle et la surprise sont là, nous sommes dans un moment de théâtre, mais la chorégraphie a été oubliée. Le public se presse plutôt du côté de l’Opéra Bastille où est donné Roméo et Juliette. Mathieu Ganio apparaît comme le Roméo idéal, Dorothée Gilbert est au sommet de son art. Les jeunes talents Hugo Marchand et Léonore Baulac réussissent l’épreuve du feu des rôles principaux. Puis retour à une soirée américaine Ratmansky/Robbins/Balanchine/Peck.  Seven Sonata d’Alexeï Ratmansky, un peu boudé par les Étoiles, n’emballe pas complètement. Duo Concertant de George Balanchine et Other Dances de Jerome Robbins offrent de beaux duos, notamment avec Ludmila Pagliero et Mathias Heymann. In Creases de Justin Peck, qui met lui aussi la jeune génération en avant, séduit. Les élèves de l’École de Danse de l’Opéra de Paris offrent une veine plus européenne pour leur spectacle annuel, avec notamment le désuet autant que charmant Piège de Lumière de John Taras.

Les Applaudissements ne se mangent pas de Maguy Marin, entré au répertoire, a laissé la salle vide mais pas forcément le public indifférent. La salle était par contre pleine à craquer pour Giselle. Après une première chaotique, Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio y ont montré toute leur puissance dramatique, tout comme Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann dans un tout autre genre. Éléonore Guérineau leur a tenu la dragée haute. L’English National Ballet est ensuite venu avec Le Corsaire et toute sa virtuosité, pour un moment de bonheur sucré qui a fait du bien. La fin de la saison a été à l’image de la saison américaine, à Bastille avec le sympathique Entre Chien et Loup de Justin Peck, et surtout Brahm-Schönberg/Quartet de George Balanchine. Garnier a rendu hommage à William Forsythe. Deux pièces chocs, Of Any if and et Approximate Sonata, une création sympathique à défaut d’être percutante, Blake Works I. Cette dernière mettant en avant toute la jeune génération de jeunes talents.

Giselle - Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Giselle – Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Le bilan

La saison a été déséquilibrée, à l’image de sa programmation. Mais si l’Opéra de Paris cherche encore son identité question répertoire, ses interprètes ont brillé, surtout dans les grands ballets classiques. La génération d’Étoiles trentenaires, dont certains.e.s ont été un peu oublié.e.e par Benjamin Millepied et qui avaient parfois du mal à se trouver les saisons précédentes, ont dominé et ont montré quelles faisaient partie des grandes Étoiles internationales. Dorothée Gilbert est au sommet de son art, touchant au plus profond dans les ballets dramatiques alors que l’on ne l’attendait pas forcément dans ce répertoire. Dans des genres différents, Mathieu Ganio et Mathias Heymann ont ébloui plus d’une fois par le sens du style et de la danse. Malgré sa fragilité, Myriam Ould-Braham a démontré qu’elle était l’une des meilleurs représentantes de l’école française. Des blessures ont émaillé la saison de Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, qui ont pourtant affirmé leur personnalité quand ils étaient en scène. Laura Hecquet a montré toute sa délicate valeur dans le répertoire néo-classique.

Other Dances de Jerome Robbins - Mathias Heymann

Other Dances de Jerome Robbins – Mathias Heymann

À l’inverse, cette saison a une fois de plus mis en avant un vrai problème à l’Opéra : l’absence de nombreuses Étoiles passées 35 ans. Certains n’ont pas dansé depuis plusieurs années, d’autres de façon très sporadique. Un certain conflit de génération semble poindre entre ceux et celles qui ne veulent pas partir er la nouvelle génération brillante qui pousse. Car Benjamin Millepied n’avait peut-être rien compris à l’Opéra de Paris et à son répertoire, il n’avait peut-être pas envie de les comprendre, il n’était peut-être pas souvent là, mais il au moins révélé toute une génération. Avec lui, ce qui comptait était ce qui se passait sur scène, non le grade. Ses choix de mettre en avant de jeunes solistes a rendu criant le problème de la hiérarchie l’Opéra aujourd’hui, par le fait que certaines de ses Étoiles ne veulent/peuvent plus danser ce répertoire. C’est un fait (et c’était criant dans La Bayadère), il y a numériquement plus de meilleurs interprètes pour les grandes ballets du répertoire chez les Premier.ère.s danseur.se.s et chez les Sujets que chez les Étoiles.

À la fin de cette saison, toute une jeune génération a goûté aux premiers rôles, a pris de l’ampleur, a évolué. S’ils n’en n’ont pas encore le titre, Hugo Marchand, François Alu ou Hannah O’Neill ont la présence d’une Étoile. Ce sera ainsi tout le défi d’Aurélie Dupont : contenter les Étoiles qui ont pu se sentir délaissé (mais pour certaines : pour leur faire danser quoi ?) sans oublier cette jeune génération qui trépigne et qui n’a plus trop envie de rentrer dans le rang.

Blake Works 1 de William Forsythe

Blake Works 1 de William Forsythe

 

Comments (3)

  • katharine kanter

    Pour ce qui est des étoiles « non-dansantes », laissons de côté pour l’instant ceux qui surfent sur le titre.

    Par contre, ce qui devrait nous interroger, c’est la CAUSE qui fait que des gens – en l’occurrence des étoiles – de grand talent, tels Mlles. Pagliero, Pujol ou Ould-Braham, soient si souvent blessés et ne peuvent donner leur pleine mesure. Ou le cas de M. Hervé Moreau; il ne s’agit peut-être pas d’un danseur exceptionnel, du moins à mes yeux, mais le nombre de blessures qu’il a dû souffrir est tout simplement effroyable, et il a montré une volonté hors-commun juste pour pouvoir revenir sur scène du tout.

    Je persiste et signe: l’en-dehors forcé, la cinquième hyper-croisé, les hyper-extensions, la laxité anti-naturelle plus vitesse, plus force plus impetu qu’exigent des chorégraphes tels Wayne McGregor, a provoqué des dommages irréversibles, soit au genou, soit au pied, soit à la hanche, soit à la colonne.

    Dans le cas de Mlle. Pagliero, il me semble que ce soit le trop d’emphase mis sur le pied – trop de force et d’énergie décentralisée vers le pied et le genou, et passer par dessus le chausson de pointe – le travail de pied de l’école française portée à outrance, c’est à dire mal-compris.

    On nous raconte que ce sont des artistes adultes, qui ont le droit de se faire très très mal, s’ils le veulent bien, contrairement à des animaux domestiques qui sont protégés par la loi.

    Je propose que le travail des chorégraphes soit strictement encadré par des spécialistes ayant les connaissances en anatomie et bio-mécanique qui manquent aux premiers.

    Et il faut que nous repensions beaucoup de choses considérées comme des vérités absolues dans l’enseignement, à commencer avec la cinquième et plus généralement, l’en-dehors, forcée.

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  • Élisabeth

    Les danseurs connaisent-ils l’importance de la préparation physique? Prennent-ils vraiment le temps de « remettre à plat » lors corps après une série de spectacles surtout qu’on enchaîne souvent sur des choregraphies, donc des techniques, complètement differentes?
    J’ai l’impression qu’on est vraiment en retard, particulièrement en France. ..

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  • Lili

    Excusez moi mais « l’absence de nombreuses étoiles passées 35 ans », ça me semble un peu exagéré. Qui est absent? Bélingard (une vraie question), MAG (choix?), Hervé Moreau (blessé), Laetitia Pujol (blessée).

    Donc en effet de bonnes questions à se poser sur la question de la santé et de la préparation physique des danseurs (et les jeunes en sont victimes aussi), mais les autres étoiles sont là et assurent. Qu’il y ait conflit de générations sur les questions de management, cela semble réel, mais que les « anciens » désertent, ou n’assurent plus, c’est, me semble-t-il, assez injuste.

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