Soirée Balanchine/Ashton/Bintley par le Birmingham Royal Ballet
Le Birmingham Royal Ballet est en tournée à Londres au Sadler’s Wells, à l’occasion de ses 25 ans. On pourrait l’oublier mais les deux compagnies londoniennes – le Royal Ballet de Londres et l’English National Ballet – n’ont pas le monopole sur les belles soirées classiques ambitieuses en Angleterre. Au programme du Birmingham Royal Ballet, une soirée mixte : deux maîtres du néo-classique, George Balanchine et Frederick Ashton, ainsi qu’une nouvelle création par le directeur de la compagnie David Bintley.
Choix téméraire, c’est George Balanchine avec le redoutable Thème et Variations qui ouvre le bal… Au risque de placer la barre très haut. Mais le pari est réussi. Difficile ainsi d’imaginer une danseuse mieux placée que Momoko Hirata comme soliste principale. Avec une qualité de mouvement des plus félins, elle se montre tour à tour crâneusement paresseuse dans ses développés, joueuse dans son travail du bas de jambe, et attire tous les regards sans le moindre effort apparent. Son partenaire, Joseph Caley, assure sa part du travail avec solidité, malgré ses épaules plutôt raides et ses manières un peu gauches. La compagnie est réputée pour exceller dans ce genre de répertoire. C’est une attente qui se vérifie haut la main avec un corps de ballet impeccable, aussi unanimement chic que joueur. Bref, on s’amuse !
Ambiance radicalement différente pour la pièce suivante, Enigma Variations de Frederick Ashton. Un ballet couleur sépia (littéralement !) sur une musique d‘Elgar qui invoque une collection de souvenirs des proches du compositeur, interprété par Jonathan Payn. Un ballet-chorale sans véritable point culminant, avec quelques minutes seulement par soliste. C’est bien juste pour convoquer l’émotion ou le caractère de chacun-e. Le langage ashtonien est bien là, mais peut-on réellement parler de ballet ? Sentimentale, la chorégraphie se situe à mi-chemin entre la danse et les mouvements de la vie quotidienne.
La musique exceptionnelle dirigée par Koen Kessels et les décors automnaux aux feuilles mordorées qui tombent ça et là sur le sol fleurent bon la nostalgie. Celle de l’époque édouardienne, à l’aube du XXème siècle, du charme discret d’une vie paisible qui privilégie l’amitié et la tranquillité aux passions tumultueuses. Quelques voix particulières se détachent : la grâce et le dévouement de la femme d’Elgar (Samara Downs), la douce excentricité d’un ami, véritable frère jumeau d’Alain dans La Fille Mal Gardée (Feargus Campbell), les sauts sur pointes d’une jeune fille joyeuse et spontanée (Elisha Willis).
The King Dances de David Bintley prend pour sujet la naissance de la danse classique à la cour de Versailles de Louis XIV, pièce dansée par l’autoritaire William Bracewell. Cette oeuvre est basée sur le Ballet de la Nuit, spectacle d’époque qui durait douze heures, divisé en quatre chapitres : le crépuscule, les divertissements, les terreurs nocturnes et enfin l’aurore. La pièce ne met en scène que des hommes, mis à part un pas de deux néo-classique fluide mais monotone avec Selene, la lune (Yijing Zhang).
Et ce sont véritablement des ensembles masculins qui retiennent l’attention. Ils reprennent les codes de la danse baroque au rythme des percussions et de leurs propres talons frappant le sol. L’espace est intelligemment occupé par ce corps de ballet masculin, mis en valeur par une scénographie exceptionnelle. Les décors, à la fois minimalistes et impressionnants, évoquent l’ambiance nocturne grâce à tout un jeu de lumières tamisées sur un plateau entièrement nu : torches flamboyantes, installations lumineuses disposées en un immense cercle. Et une Énième évocation du Roi soleil qui fait son entrée triomphale… dans un pourpoint doré à paillettes outrageusement bling-bling. Ils sont fous ces anglais !
Soirée Balanchine/Ashton/Bintley, par le Birmingham Royal Ballet, au Sadler’s Wells. Thème et variations, de Balanchine, avec Momoko Hirata et Joseph Caley ; Enigma Variations, de Frederick Ashton, avec Jonathan Payn (Edward Elgar), Samara Downs (The Lady) et Valentin Olovyannikov (A.J. Jaeger) ; The King Dances, de David Bintley, avec Tyrone Singleton (La Nuit, le Diable et Cardinal Mazarin) et William Bracewell (Le Roi). Vendredi 16 octobre 2015.
Jérôme
Beau compte rendu! Ou danse cette compagnie habituellement? Car à Londres je n’ai vu que le Royal et l’English mais cette revue donne vraiment envie de découvrir cette compagnie.
Amélie Bertrand
@ Jérôme : Merci ! La troupe danse en général au Birmingham Hippodrome, mais elle est souvent en tournée en Angleterre.
Louchette
J’ai toujours été intriguée par ces compagnies anglaises… Peut être pourrez vous m’éclairer : Quelle est la différence ( niveau des danseurs , styles , productions … ) entre le Royal ballet de Londres , de Birmingham et l’English national ballet ?
Par ailleurs , je crois savoir que celui de Birmingham ne fait presque que du classique.Y a t-il d’autres compagnies qui se sont spécialisées dans les ballets classiques et qui continuent à faire des créations purement classiques comme eux ?