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Conseil pratique – Comment améliorer ses sauts

Alors que les Ballets Russes de Serge Diaghilev sont en tournée en 1912 à Vienne, Oskar Kokoschka (écrivain et peintre expressionniste autrichien) rédige une lettre à Romola Nijinski : « Ce soir-là, on donna Le Spectre de la rose avec Nijinski dans le rôle principal; ce fut pour moi une expérience unique et inoubliable. Non pas à cause de la modernité, (…) mais avant tout parce qu’il était arrivé sous mes yeux une chose qui (…) ne pouvait pas se produire. Ce sera toujours pour moi un mystère : comment, sur la scène, au milieu d’un groupe d’individus costumés, un être s’élevait-il dans les airs, visiblement sans effort ni élan, et planait-il, presque au mépris des lois physiques, pour disparaître dans l’obscurité des coulisses ? Cela me dépassait ».

Le mythe du saut de Nijinski se créa. Au fil des années, le-la danseur-se classique cultivera sa technique et sa performance dans la puissance de ces sauts. À travers cet article, tentons de mettre en relief quelques particularités favorisant l’apprentissage et l’amélioration des sauts.nijinski sauts 1

L’amorce : le plié, le Graal de la danse

Vouloir améliorer une technique revient à remettre en question le pas de base de chaque mouvement : le plié. Il doit être conscient, réfléchi mais aussi en synergie avec votre respiration et la rythmique du mouvement.

À la lecture du Manuel complet de la méthode Cechetti, les pliés sont définis comme tel : (Ils) font travailler la musculature de la cuisse, des mollets et du cou-de-pied, en plus de forcer l’écartement des jambes et du bassin par l’étirement des adducteurs de la cuisse et de préparer de bons « leviers » pour le saut. Ils contribuent à rendre les jambes et les pieds élastiques, à les préparer à une fonction de ressort indispensable pour obtenir des mouvements souples et légers et enfin de fortifier les reins en procurant l’équilibre nécessaire au danseur. Le plié est le premier dans l’ordre d’exécution des exercices, parce qu’il permet d’activer les muscles fondamentaux de la jambe et des reins, de développer fortement l’équilibre ainsi que de forcer l’en-dehors des jambes afin de leur donner la structure nécessaire à l’exécution parfaite de tous les autres exercices. De plus, le plié est le mouvement classique qui permet d’accroître l’élasticité du muscle et par conséquent, l’organisme tout entier ressentira immédiatement cet effet d’allègement et de souplesse qui rend la leçon profitable.

À cette petite lecture, voici le secret des sauts : équilibre, ressort, élasticité.

En pratique

Prenons l’exemple d’un pas, l’assemblé.

Première question : où se trouve mon équilibre ? Souvent lors du dégagé qui précède le saut, nous transférons peu ou trop notre poids du corps. L’équilibre reste sur la jambe pliée.

Deuxième question : où se crée mon ressort ? Par l’appui de mon plié, donc l’appui au sol sans le dissocier de l’équilibre. Plus j’ai d’équilibre sur mon plié, plus j’ai d’appui donc d’élan.

Troisième question : où se traduit mon élasticité ? dans le plié encore. Cependant cette fois, j’appliquerai l’idée à la réception. Le premier saut se passe toujours bien, les enchaîner un peu moins. Lors d’une série de sauts, le plié tend à se raidir voir se réduire. Votre amplitude de plié vous est propre, cependant elle doit comprendre une réception et un appui. Souvent on plie à la réception mais on oublie de réappuyer, de replier.

Lors de nos débuts, pour nous donner de l’élan, on se refuse à mettre du poids dans nos pliés car après tout on exécute le mouvement contraire juste après : celui de s’envoler. Regardez l’acrobate sur un trampoline. La toile qui réceptionne l’acrobate s’enfonce et le propulse à nouveau. Votre regard sur votre plié doit être identique: le constater à l’aller et au retour.

 

Le ballon

C’est le terme utilisé pour tout danseur-se possédant un temps de saut long ou important. En regardant beaucoup d’Étoiles, on s’émerveille de les voir rester en l’air en apesanteur. Ce qui favorise cette explosivité et cette stabilité une fois en l’air est le gainage. La sangle abdominale est en effet fortement sollicitée bien qu’on y pense peu. Une sangle travaillée vous permet d’améliorer la détente de votre saut mais aussi de parfaire votre « ballon » en transmettant le mouvement entre les deux parties de votre corps.

Attention, la sangle abdominale n’est pas uniquement les abdominaux. Lorsque le mal de dos apparaît, on s’abstient de secousses ou autres soubresauts. Le travail de cette sangle doit introduire vos abdominaux mais aussi vos dorsaux et vos fessiers.

En pratique

Consacrez un temps à ces exercices qui vous font grimacer rien que d’y penser. Profitez de quelques barres au sol ou d’exercices allongé sur votre tapis. N’hésitez pas à lire l’article Comment s’entraîner pendant les vacances

Photo de François Alu par Julien Benhamou

Photo de François Alu par Julien Benhamou

Le saut

Après cette remise en question de votre plié et la piqûre de rappel de la sangle abdominale, passons à l’outil principal des sauts : vos jambes !

Les cuisses

Toutes les formes de sauts ainsi que les styles de danse peuvent imposer au genou et à sa capsule des mouvements contraires à sa physionomie. On comprend ainsi l’intérêt qu’il y a à renforcer l’ensemble des quadriceps et adducteurs. Certaines danseuses ont moins de force dans les cuisses qu’un athlète moyen. De plus, les techniques de préparation à l’effort n’insistent pas ou peu sur le quadriceps.

En pratique 

Debout, dos à un mur avec les pieds en parallèle à la largeur du bassin, appuyez-vous contre le mur et placez une balle ou autre entre vos genoux. Prenez une grande inspiration en gardant les courbures naturelles de votre dos et le bassin en position neutre.

Durant l’expiration, faites un demi-plié parallèle en laissant glisser les fesses vers le bas, dos au mur. Serrez l’objet entre les genoux en contractant vos adducteurs. Maintenez la position quelques secondes et remontez en glissant contre le mur. Répétez le mouvement entre 4 à 6 fois. Évitez de descendre les fesses en dessous du niveau des genoux et maintenez le poids du corps sur l’ensemble de la plante des pieds, les talons bien au sol. Profitez d’une fin de cours lorsque les muscles sont chauds pour faire cet exercice.

cuisses sauts 3

Les mollets

Ces muscles qui donnent le galbe à votre bas de jambe sont d’une grande importance pour contrôler la réception de vos sauts. Hormis la réduction du risque de blessure, le fait de renforcer les mollets vous permettra de défier la gravité. À la fois volumineux et puissant, le mollet se renforce très rapidement en réalisant un grand nombre de répétitions. Soyez généreux-se et volontaire dans vos exercices de relevés !

En pratique

Assis-e sur votre chaise de bureau, pieds parallèles, surélevez vos orteils sur un bloc de livres avec les talons au sol. Gardez vos genoux fléchis à 90 degrés.

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Faites des relevés lentement en allongeant et déployant vos orteils. Revenez avec contrôle à la position de départ. Veillez à ne pas basculer vos chevilles sur l’extérieur. Ce mouvement peut se répéter une quinzaine de fois.

mollets sauts 5

 

La réception

La réception fait partie du cercle vertueux qui nous ramène à l‘amorce du saut, donc au plié. Le pied est primordial dans la réception du saut puisqu’il est le premier en contact avec le sol, talon en dernier. Il reste central dans la propulsion.

Visualisons le travail du pied en deux parties distinctes. Le pied de la réception serait les trois orteils extérieurs, celui de la propulsion les deux doigts de pied intérieurs. Certains élèves se retrouvent en réception avec leur poids sur le gros orteil ou l’intérieur du pied. Ils ne peuvent donc plus revenir sur l’avant et surtout provoquent une surcharge au niveau des ligaments internes du genou par conséquent des problèmes articulaires.

En pratique

Pour l’amélioration et l’optimisation de votre travail de pied, votre professeur-e reste votre meilleur allié. Mettons cependant l’accent sur le déliement des orteils. Debout, tentez d’écarter les doigts de pied les uns des autres. Par la suite, réalisez un mouvement du gros orteil sans bouger les autres orteils. Par exemple soulevez les orteils et baissez ou montez uniquement le gros orteil.

 

Durant le cours de danse

À la barre

La technique de sauts est dense. Leur apprentissage nécessite un échauffement musculaire de qualité car le risque de blessure est grand. Pour les travailler au mieux tout en réduisant les risques, utilisez la barre pour vous tracter.

Premier repère : si vous arrivez à remonter au-dessus de la barre cela signifie que votre plié reçoit bien l’équilibre et appuie suffisamment.

Second repère : l’appui des mains sur la barre permettra de ralentir la réception du saut donc de perfectionner l’exécution et la réception du mouvement.

Le manque de traction sera signe d’erreur. Reposez-vous la question de la place de votre plié : existe-il ? Ai-je l’équilibre dessus ? Ai-je créé le ressort ? Attention pour la réception, l’appui sur la barre permet de ralentir la descente mais non de remplacer le plié. N’oubliez pas l’élasticité de ce dernier lors de la réception.

sauts 2 julie

Les lests

Ce sont des poids que l’on porte par exemple aux chevilles pour l’entraînement, et souvent utilisés par les danseurs confirmés. Il y a les partisans pour un renforcement musculaire et les opposants qui critiquent un geste faussé impliquant un risque de blessure. Dans tous les cas, leur utilisation se fera sous le regard de votre professeur-e. Échangez avec lui-elle qui vous les conseillera selon votre physique, votre technique et sa pédagogie.

Au sol

En matière de saut, la souplesse de vos muscles est tout aussi importante. N’hésitez pas à réaliser des étirements à la fin des exercices de sauts ou de votre cours. La souplesse vous accorde une certaine protection contre les blessures. Prenez un temps pour détendre vos mollets, cuisses et adducteurs.

 

En conclusion

Au-delà de la force physique et de la souplesse, c’est le geste qui se travaille et se maîtrise dans les moindres détails. La technique, propre à votre discipline.

Interrogé sur l’exécution du saut, Nijinski répondit : « Aucune difficulté. il n’y a qu’à s’élever en l’air, et puis on fait une petite pause là-haut« .

 



Commentaires (2)

  • Evelyne

    Chère Lorena Lopez , il me semble que vous avez oublié une chose essentielle : le mental . Après toute cette discipline indispensable à forger les muscles, il faut savoir l’oublier pour enfin  » voler « . Tout oublier avant de s’élever et « rester ». L’esprit devance le corps, là est la réussite d’un bel envol.

    Avec toute ma sympathie.

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  • Je trouve cet article très intéressant. Merci à l’auteur, quel est son nom s’il vous plaît. En particulier la mention de l’équilibre dans le plié. En danse classique on pourrait à tort penser que la notion d’équilibre est limitée aux positions hautes: relevés sur une ou deux jambes. Mais s’équilibrer dans les pliés est extrêmement important puisque dans les sauts les forces exercées sont très grandes et peuvent donc être destructives si l’équilibre du corps est mauvais.

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