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ÉcoleS de Danse – Introduction aux différentes écoles et techniques

Maurice Béjart disait : « L’art [de la danse] est un grand fleuve qui doit s’écouler sans en oublier la source« . La technique classique n’a cessé d’évoluer depuis 1700, s’épanouissant à travers plusieurs écoles et techniques. Les différentes esthétiques de chorégraphies et d’interprétations traduisent en général l’état des lieux de la danse classique dans l’histoire. École française, école Vaganova, technique Bournonville ou Balanchine… Une attitude en arrière peut être ainsi à angle droit ou plus allongée, les tours à la cheville ou au genou, les bras en couronne au-dessus de la tête ou devant le front. Avec ces simples exemples, plusieurs styles ou méthodes de danse classique s’expriment.

Les écoles et techniques les plus répandues sont nombreuses. Leur légitimité relève d’une série de particularités transmises jusqu’à ce jour par des écrits, des chorégraphes et des créations, des écoles offrant une pédagogie spécifique et enfin la multiplication de danseur.se.s professionnel.le.s qui forgent un style propre à travers le monde. Comment ces écoles se différencient ? Quelles sont leurs particularités ? Danses avec la plume lance cette saison un nouveau dossier : ÉcoleS de Danse. Chaque mois, nous nous pencherons sur un pas ou un aspect de la technique (une arabesque, le travail des bras…) et verrons comment il est exécuté à travers ces différentes écoles. Pour démarrer, place d’abord à un petit récapitulatif des grandes écoles et techniques de danse classique dans le monde.

N.B. : Il n’y a pas forcément de vérité absolue dans cette étude des différentes écoles. Ce travail est ainsi à la fois le fruit de recherches, mais aussi d’interprétations pédagogiques personnelles.

 

L’école française

La codification par Pierre Beauchamp des cinq positions en 1700 reste ancrée dans l’esprit et le style de la danse française. L’appui, le passage ou encore l’exécution des positions de base priment sur l’élan ou la dynamique du mouvement. Le déclenchement  du mouvement induit une stabilité du bassin sollicitant les jambes à revenir vers l’axe pour travailler vers l’intérieur. 
Cette technique délicate et dentelée contribue au maintien des attitudes royales et raffinées où prime l’indépendance des bras et des jambes. De plus, les ports de bras en dessous des épaules participent à l’effacement physique et émotionnel de l’effort.

Trois siècles après, la danse classique française a gardé sa primauté avec l’étonnante et constante utilisation du français comme langue de référence pour les pas de base à travers le monde.

 

La technique d’Auguste Bournonville

La Sylphide en 1880 avec Anna Scholl et Hans Beck

La Sylphide en 1880 avec Anna Scholl et Hans Beck

La danse française a rayonné à travers l’Europe par l’émigration d’un nombre important d’artistes, comme le père d’Auguste Bournonville à la direction du Ballet Royal Danois. Il envoie son fils parfaire sa technique et sa réflexion auprès de Pierre Gardel et surtout d’Auguste Vestris durant des années.

Auguste Bournonville développe ensuite un style personnel avec ses écrits Etudes Chorégraphiques de 1848, 1855 et 1861. Il prône un retour aux principes des grands maîtres français où le lié des mouvements s’associe à l’élégance. Le rythme musical est soutenu par le travail de jambes favorisé par la stabilité du bassin. Les bras se positionnent souvent en position préparatoire, très arrondis en image à la mélodie. L’indépendance du haut et bas du corps, l’élévation du.de la danseur.se et la batterie sont les éléments caractéristiques de sa volonté esthétique.

Auguste Bournonville ramène aussi le danseur à une importance équivalente à celle de la ballerine où les pas de deux sont dépourvus de portés. La danse s’exécute souvent côte à côte comme un jeu de question- réponse. Cette prédilection du danseur se retrouve aujourd’hui avec de nombreux artistes danois de renom comme Harald Lander.

 

Le style italien

Malgré les traités de Carlo Blasis jetant les premières bases de l’école, les Italiens élaborent avec difficulté la construction d’un nouveau style. Le manque d’institution ou d’école a rendu la transmission itinérante. Il est libre de penser que ce manque a laissé une grande marge de liberté d’action aux danseur.se.s pour développer un style plus individuel tourné vers la technique. 
Le style italien apporte tout ce que la noblesse française ne pouvait donner à la danse : de l’exagération dans le geste et du relâché dans l’exécution. Les premiers fouettés font leur apparition avec engouement où l’effort prime sur la noblesse du mouvement. Le style italien a pu facilement s’exporter à travers l’Europe.

La technique d’Enrico Cechetti

Cliché pris par Stanislas Idzikowski en 1915 : Cecchetti au centre avec à sa gauche Leonid Massine. Répétition des Ballets russes de Diaghilev.

Cliché pris par Stanislas Idzikowski en 1915 : Cecchetti au centre avec à sa gauche                            Leonid Massine. Répétition des Ballets russes de Diaghilev.

Enrico Cechetti, doué de grandes capacités techniques, est l’emblème de la danse italienne de l’époque. Il élève sa virtuosité au rang d’art principalement en Russie. Comme avec Auguste Bournonville, une méthode personnelle voit le jour du fruit de son expérience. Il forme des danseur.se.s tel.le.s que Vaslav Nijinski ou Anna Pavlova. Il suit les Ballets russes de Serge Diaghilev comme professeur principal et danseur. Son goût de la transmission se poursuit avec l’ouverture d’une école à Londres en 1918 avec d’illustres élèves tels Ninette de Valois, Frederick Ashton ou Alicia Markova, laissant un bel avenir pour la poursuite de la danse classique au Royaume-Uni.

La méthode vise une science exacte de la pédagogie de la danse tant pour le.la danseur.se que pour son maître. L’apprentissage est planifié pour chaque jour de travail et pour chaque partie du corps. Il responsabilise le.la danseur.se par un vocabulaire riche et précis et apporte un travail considérable d’adages. La leçon du jour doit être complétée par de nouveaux pas et enchaînements composés par le maître. L’accent est mis sur le centre de gravité par le travail d’équilibre, l’endurance physique ainsi que sur la virtuosité et le mime.

Au décès d’Enrico Cechetti, un traité voit le jour en deux tomes intitulé La danse classique : manuel complet de la méthode Cechetti, toujours publié. Selon lui, un.e danseur.se doit être capable de tout interpréter.

 

Le style russe

La fin de la période romantique dans la seconde moitié du XIXe siècle signe l’affaiblissement du prestige de la danse en France. Le savoir français s’exporte avec de nombreux maîtres de ballet et de chorégraphes. Le plus connu d’entre eux se nomme Marius Petipa, grand explorateur de la technique à travers ses nombreux ballets comme Le Lac des cygnes. Enrico Cechetti fut d’ailleurs un de ses élèves. La danse gagne en rapidité et en technique. On note plus d’extensions et d’amplitude dans le mouvement sublimé par le tutu, création du moment.

La richesse chorégraphique de cette époque est marquée par  Nicolas Legat. Traditionnel, il sait transmettre les clés de la danse classique à ses élèves parmi lesquels Anna Pavlova, Vaslav Nijinski, Michel Fokine et Agrippina Vaganova.

La technique d’Agrippina Vaganova

Agrippina Vaganova

Agrippina Vaganova

Rare femme pédagogue, Agrippina Vaganova défend en Russie un enseignement gradué et progressif selon l’âge de l’élève, s’appuyant sur l’endurance, la souplesse et la coordination. Un nouveau travail du dos est mis en avant pour acquérir l’amplitude et la souplesse tant dans le travail des jambes que dans celui des bras. Le dos travaille pour lier et délier les membres en totale coordination. Le bassin gagne en mobilité accentuant la hauteur des jambes.

En 1948, Agrippina Vaganova publie son traité Principes du ballet classique, qui est toujours une référence. L’École impériale du ballet ou Institut chorégraphique d’État de Leningrad (aujourd’hui redevenu Saint-Pétersbourg) porte aujourd’hui le nom d’Académie de ballet Vaganova.

 

L’école anglaise

L’évolution de la danse classique continue en Europe. Après Enrico Cechetti et sa femme qui se sont installé.e.s à Londres, les élèves et les institutions britanniques poursuivrent le travail. Dame Ninette de Valois, initiatrice de ce futur esthétisme anglais, fût directrice du ballet Sadler’s Wells qui prend ensuite le nom du Birmingham Royal Ballet et Convent Garden’s Royal Ballet, en étroite collaboration avec le Royal Ballet School de Londres. 
En 1920 naît une nouvelle école, la Royal Academy of Dance autour de Philip Richardson, l’éditeur du journal The Dancing Times. Il réunit les meilleurs exemples des écoles européennes à travers cinq  danseur.se.s : Adeline Genée de l’école danoise, Tamara Karsavina de l’école russe, Lucia Cormani de l’école italienne, Édouard Espinosa de l’école française et Phyllis Bedells de l’école anglaise élève d’Enrico Cechetti.

La force et l’excellence de l’école anglaise relèvent de la légitimité de ses institutions et de sa diversité artistique. La transmission et le patrimoine sont ainsi assurés. Avec une plus grande pluralité pédagogique sans idéaliser le maître à danser, l’élève bénéficie par l’intermédiaire de divers professeurs d’un enseignement plus personnalisé. La force des individualités est au service du développement technique de la danse et non d’une identité esthétique unique.

 

La technique de George Balanchine

George Balanchine

George Balanchine

Le destin de George Balanchine est caractéristique de l’évolution de l’histoire de la danse. Né en Russie, il débute son apprentissage à l’École des Ballets Impériaux de Saint-Pétersbourg. À l’époque des Ballets Russes de Serge Diaghilev, il rencontre Enrico Cechetti. Il tente de remonter Les Créatures de Prométhée pour l’Opéra de Paris avec Claude Bessy alors âgé de 14 ans. Son prestige aidant, il devient maître de ballet invité au Ballet Royal Danois de Copenhague.

Cependant, il choisit les États-Unis comme terre d’adoption, dont il sait tirer parti de toutes les influences artistiques. Si la technique développe dans un premier temps les clés pour aborder l’esthétisme du chorégraphe, c’est la création de la School of American Ballet qui légitime et concrétise la transmission d’un enseignement.

Tout le rayonnement de cette danse est issu du sternum dont les bras sont projetés dans une extension que certain.e.s puristes qualifieraient d’éxagérée ou sans harmonie. La mobilité du bassin est complète par un en-dehors poussé et par son action dans les décalés ou déhanchés. Le travail de jambes est rapide, incisif et rythmique avec le poids du corps constamment sur les orteils.

 

Conclusion

Malgré les divers styles, écoles ou techniques, un nombre important de point commun coexistent. D’abord, la contribution à l’esthétisme et la beauté de l’art, puis la prise de conscience corporelle qui amène une évolution notoire de la technique. Ces dimensions et réflexions peuvent s’élargir ailleurs en Asie ou à Cuba avec Alicia Alonso.

 

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