29e Festival du cirque actuel CIRCa – La Femme de trop et du jonglage novateur
Après une première journée sous le signe de l’absurde, une deuxième à l’ambiance cabaret, la troisième journée au Festival du cirque actuel CIRCa fut marquer par deux très beaux spectacles. D’un côté La Femme de trop de la Compagnie Marcel et ses Drôles de Femmes, un peu foutraque, un peu n’importe quoi, mais qui sait emmener dans son univers et émouvoir. De l’autre Hip 127 de la Compagnie Jérôme Thomas, formidable spectacle de jonglage mêlé de danse et de théâtre pour un résultat envoûtant.
La Femme de trop de la Compagnie Marcel et ses Drôles de Femmes met en scène cinq personnages, cinq femmes distinctives par leur couleur de vêtements, cinq femmes seule qui se créent un monde pour s’interroger sur leur identité et sortir de leur solitude. La troupe est jeune, formée de quatre circassiens et circassiennes sorti.e.s du CNAC en 2013, complétée pour l’occasion par la trapéziste Noémie Armbruster. On retrouve l’ambiance cool et intimiste de leur génération, qui parfois rappelle le ton des 7 Doigts de la main dans la façon de livrer des bouts de son histoire personnelle. Jeunesse aussi par quelques facilités de jeu au début, des postures, des blagues qui joue le jeu nimportenawouak un peu trop appuyé pour être sincère. Et puis l’ambiance de La Femme de trop se met en place. Un jeu de trapèze alterne avec des chansons, des moments de douce folie, des instants de vérité. Les cinq artistes nous embarquent petit à petit dans un monde barré mais plein d’amour, où chacun essaye de se faire une place dans le groupe, la société, le monde, sans perdre de vue – ou de moins essayer de ne pas perdre de vue – ce qui l’anime profondément. La pièce se construit petit à petit et finit par faire chavirer et toucher droit au coeur, par une sincérité brute qui évoque quelque chose à chacun.e de nous. La performance aime les failles, et tomber sur le tapis fait partie du jeu, tout comme les failles humaines sont mises à nu. Voilà une compagnie qui interpèle, bien dans son époque, et que l’on a envie de suivre.
Le soir, place à Jérôme Thomas, jongleur et 30 ans de carrière. Son spectacle Hip 127, La Constellation des cigognes est pourtant loin de sentir le réchauffé, et souffle le vent de la jeunesse comme Marcel et ses Drôles de Femmes. Jérôme Thomas s’est démarqué en réinventant le jonglage. Très tôt, il mêle son art à la danse contemporaine et au théâtre. Il met au point le jonglage cubique, qui se sert du rebond de la balle et crée toute une grille de repère dans l’espace comme certain.e.s chorégraphes contemporains. Le but n’est pas la performance, même si la virtuosité est là, mais l’émotion, proposer un spectacle vivant.
Hip 127, La Constellation des cigognes n’est pas forcément un spectacle facile d’accès car il déstabilise. Les balles ne volent pas dans tous les sens. Tout commence d’ailleurs par un magnifique jeu de plumes en équilibre, alors que s’allume doucement un cercle de lumière au centre de la scène. Dans un univers minimaliste, sept jongleurs et jongleuses ainsi qu’une chanteuse lyrique dessinent un ballet dans l’espace, par la voix, leurs déplacements et le mouvement des objets. C’est un véritable ballet qui se met en place, fascinant et d’une immense poésie. Jérôme Thomas mélange les arts et intègre le sien, le jonglage, comme un véritable élément de danse, une histoire de corps portée par la musique et créant leur propre espace. Hip 127, La Constellation des cigognes enthousiasme aussi bien par sa créativité, sa nouveauté, sa pure beauté que par les pistes qu’elle dessine et ouvre. Le travail chorégraphique est en place dans l’espace, mais il semble encore en recherche, au début de son parcours. L’évolution qu’il pourrait avoir – et par là l’évolution qu’il pourrait encore apporter au jonglage – est excitante.
Le Femme de trop de la Compagnie Marcel et ses Drôles de femmes à la salle Turin, avec Noémie Armbruster, Marine Fourteau, Angèle Guilbaud, Liza Lapert, Alba Sarraute Pons et Marcel Vidal Castells ; Hip 127, La Constellation des cigognes par la Compagnie Jérôme Thomas à la salle du Mouzon, avec Audrey Decaillon, Viola Ferraris, Florence Huet, Stefan Kinsman, Ria Rehfuβ, Alexis Rouvre, Daniel Sanchez (jongalge) et Angèle Chemin (chant). Jeudi 27 octobre 2016 dans le cadre du Festival CIRCa.