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Déesses et Démones, de Blanca Li et Maria Alexandrova, au Théâtre des Champs-Elysées

Pour sa nouvelle création Déesses et démonesBlanca Li a collaboré avec Maria Alexandrova, Danseuse Étoile au Bolchoï. Comment incarner aujourd’hui les grandes figures mythologiques féminines ? Un poème de Pierre Attrait, lu pendant le spectacle, en égrène quelques noms, comme autant d’aspects d’une féminité de fantasme : muses, furies, sirènes, reines, nymphes, vierges… déesses et démones. Explorer les ambiguïtés de cet immense héritage, qui imprègne sans aucun doute encore l’image de « la femme », et nourrit la constitution d’une identité féminine, est une tâche passionnante. Comment ces mythes influent-ils encore le rapport des femmes à leur corps, à leur rôle dans la société, à leur « féminité » ? A quel point ces figures sont-elles fantasmées par les hommes, et que peuvent s’en (ré)approprier les femmes ? Existe-t-il vraiment une essence féminine ? Mais, loin d’explorer ces problèmes, Déesses et Démones ressemble plutôt à un beau catalogue de mode, sophistiqué, lisse et un peu creux.

Déesses et Démones - Blanca Li et Maria Alexandrovna

Déesses et Démones – Blanca Li et Maria Alexandrova

Douze tableaux évoquent quelques-unes de ces déesses et démones, parfois clairement identifiables à leurs attributs (le blé de Déméter, les serpents de Méduse…).  La scénographie, très soignée, use et abuse du contraste entre ombres et lumières, des projections, et autres effets lumineux pour signifier, de manière trop manichéenne, l’ambiguïté de la féminité telle que la construisent ces mythes. Le premier moment du spectacle oppose le noir au blanc, dans les costumes, décors, lumières… Maria Alexandrova, dont les gestes évoquent la Kaguyahimé toute de lignes de Jiří Kylián, est en académique blanc. Lorsque Blanca Li apparaît, c’est dans une longue robe noire. Du début à la fin du spectacle, elles porteront alors des robes identiques, mais de couleurs complémentaires. Laurent Mercier, Azzedine Alaïa, Jean-Paul Gaultier, Stella McCartney et Sophie Théallet ont dessiné ces robes haute couture, qui accompagnent magnifiquement les gestes sensuels et puissants des deux danseuses.

L’une vient du Bolchoï, l’autre a été formée à de très nombreux styles de danse, du flamenco au contemporain de Martha Graham, en passant par le hip hop. Maria Alexandrova et Blanca Li s’amusent à cette rencontre, explorant toutes les possibilités offertes par le duo : opposition, complémentarité, (as)symétrie… Mais tous les gestes, aussi différents en soient les styles, sont liés par une même jouissance : une jouissance de la sensualité de son propre corps, à son apogée dans les portés entre les deux femmes. La pointe, c’est une longue jambe qui se déploie vers l’infini, le port de bras classique ou flamenco, un abandon au lyrisme ou une couronne de reine orgueilleuse : mais toujours, un corps longiligne, que la danseuse maîtrise et dont elle jouit. Cheveux lâchés ou en chignon à la Martha Graham, longues robes satinées, nuées de voiles flamenco ou orientaux : les références visuelles se bousculent. Mais rien n’apparaît de la dualité violente de cet imaginaire ancestral de la féminité (rien à voir par exemple avec la formidable Médée d’Angelin Preljocaj). Déesses et Démones se présente bien plutôt comme une succession de beaux tableaux, où vidéos et costumes concourent à la mise en valeur d’une gestuelle joyeusement sensuelle, mais qui reste dans la pure forme, et une forme un peu vide, malgré la plaisir visible pris par Blanca Li et Maria Alexandrova à danser ensemble.

Déesses et Démones - Blanca Li et Maria Alexandrova

Déesses et Démones – Blanca Li et Maria Alexandrova

Quelques images se détachent. Lorsque la projection en ombre blanche du corps de Maria Alexandrova, tête baissée et bras déployés, se transforme en utérus triomphant. Lorsque la robe blanche de Blanca Li se met à fleurir, ou que sa robe rouge tournoie jusqu’à envahir la scène. Indirectement, c’est à de grandes danseuses comme Loïe Fuller ou la Argentina qu’il est rendu hommage. Mais l’ensemble de la scénographie oscille entre des tableaux si soignés qu’ils en deviennent lisses, et un kitsch de peplum hollywoodien – des accessoires comme une torche enflammée ou des masques en strass, et les musiques remastérisées façon film épique, n’y sont pas pour rien. L’impression demeure finalement, notamment lors du dernier tableau, beaucoup trop long, de se trouver devant une série de clichés, qui travaillent à la surface de l’imaginaire sans rien creuser des forces qui le travaillent.

Déesses et Démones - Blanca Li et Maria Alexandrova

Déesses et Démones – Blanca Li et Maria Alexandrova

Déesses et Démones de Blanca Li, avec Blanca Li et Maria Alexandrova au Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 22 décembre 2015. À voir jusqu’au 3 janvier 2016.

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