We Love Arabs d’Hillel Kogan
Le festival Temps Danse Théâtre a animé en novembre le délicieux Monfort. C’est dans ce ce cadre que Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, qui dirigent ce théâtre, ont eu la judicieuse idée de programmer l’un des grands succès du dernier Off avignonnais : We Love Arabs d’Hillel Kogan. Une pièce à l’humour féroce et irrésistible qui traque les préjugés raciaux tout en ironisant sur la création contemporaine.
Le spectacle est repris jusqu’au 8 octobre 2017 au Théâtre du Rond-Point.
Fidèle assistant depuis plus de dix ans d’Ohad Naharin à la Batsheva, pédagogue de la technique « Gaga » mais également interprète, dramaturge et chorégraphe, Hillel Kogan est une figure importante de la danse israélienne. Dans We love Arabs, son dernier opus au titre provocateur créé en 2013 à Tel Aviv, il interroge avec une ironie mordante l’archétype de l’auteur contemporain tout autant que les idées reçues sur les populations arabes. Dans cette pièce, Hillel Kogan endosse le rôle d’un chorégraphe israélien, son double en quelques sortes, qui décide de partager avec le public son processus créatif. Puisqu’il sent dans ses improvisations qu’une partie de l’espace lui résiste, le rejette, il en déduit que cet espace ne peut appartenir qu’à un Arabe. Il se convainc alors de mettre en scène un duo dont l’objet est de sonder les identités, pour finalement mieux faire tomber les murs et les différences. Il se heurte ainsi sans cesse, lui l’homme de gauche bienveillant, à ses multiples préjugés autant qu’à son égo surdimensionné de chorégraphe contemporain.
Comment aider le public à distinguer le juif de l’arabe lorsqu’ils entreront en scène ? L’affaire est vite réglée par une étoile de David dessinée sur la poitrine de l’un et un croissant sur le front de l’autre. « Tu sais, la sorte de banane qui se trouve sur le toit de vos mosquées » dit-il à son interprète. Las, il se trouve que celui-ci est chrétien. Lorsqu’il lui demande d’improviser quelques pas, il s’étonne qu’il n’ondule pas des hanches. « C’est ton identité que je veux voir, c’est toi, pas le danseur !« . Et le jeune homme de se plier peu à peu aux multiples excentricités de son chorégraphe philosophe qui sur-intellectualise, non sans pouffer parfois.
Loin des grands discours sur le conflit israélo-palestinien, sur les régimes politiques en place, Hillel Kogan avec We Loves Arabs invite chacun.e à interroger ses propres préjugés. Il le fait avec un humour féroce et ravageur, une forme d’autodérision qui font mouche. Cette pièce, plus jouée que chorégraphiée même si Hillel Kogan et Bouayad Aya sont de toute évidence de remarquables danseurs, est en cela aussi réjouissante que salutaire.
We Love Arabs d’Hillel Kogan au théâtre Le Monfort dans le cadre de Temps Danse Théâtre. Avec Bouayad Aya et Hillel Kogan. Vendredi 18 novembre 2016. À voir en tournée en France du 12 janvier au 9 avril 2017.