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Wim Wenders : « On n’a pas fait ce film avec Pina, mais pour Pina »

Pina de Wim Wenders est diffusé le mercredi 26 juin 2013 sur Arte, à 20h50.

 

Pina, le film en 3D de Wim Wenders sur la célèbre chorégraphe, a été projeté publiquement pour la première fois en France le 2 mars dernier, au Théâtre de la Ville. Témoignage vivant de l’œuvre de Pina Bausch, il filme essentiellement quatre de ses pièces : Le Sacre du printemps, Café Müller, Kontakthof et Vollmond.

Wim Wenders, le réalisateur de ce film et ami de la chorégraphe, était présent. Il a raconté, avec beaucoup d’émotion, la genèse de ce projet si particulier.

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L’idée de faire un film sur l’œuvre de Pina Bausch

Normalement, j’aurais voulu présenter ce film avec Pina. On a rêvé de ce film pendant plus de vingt ans. On l’a préparé ensemble, mais elle n’a pas pu le faire.

C’est un projet qui a une longue histoire. C’est d’abord moi qui a demandé à Pina de faire un film ensemble, lorsque j’ai vu pour la première fois ses pièces, il y a longtemps, il y a un quart de siècle. Elle n’a rien dit, elle a seulement souri. Ceux et celles qui connaissent Pina savent ce que cela veut dire. Ça veut dire tout. Elle a allumé une autre cigarette… Mais elle avait bien entendu, parce que quelques années plus tard, c’est elle qui m’a dit : « Wim, tu m’as un jour parlé d’un film. Il faudra le faire un jour« . Et puis elle l’a dit avec de plus en plus d’urgence.


La volonté de préserver ses chorégraphies

Pina Bausch avait une œuvre de plus de quarante pièces. C’était un poids énorme pour elle de jouer toutes ces pièces. Parce que si elle ne continuait pas à les jouer toutes, avec une nouvelle pièce chaque année, son théâtre n’était plus existant. C’était peut-être pour elle un vrai sujet : comment est-ce qu’on peut garder ces pièces ? Est-ce qu’il n’y a pas une façon valable de les conserver autrement ? C’est pour ça qu’on a commencé à sérieusement penser à ce film.


« Un mur invisible entre la danse et mes caméras »

Pina me montrait ce qu’il y avait pour l’enregistrement de ses pièces. Mais elle n’était pas contente. Et c’est là que commençait mon problème à moi. Parce que j’ai compris que Pina voulait que cela soit différent. Et en regardant l’histoire de tous les films de danse, en regardant les propres pièces de Pina avec elle, sur bande magnétique ou sur film, je me suis rendu compte que je ne savais pas comment faire autrement.

Il me semblait que mon métier, mes caméras, n’avaient pas accès à ce miracle qui avait lieu chaque fois que je voyais une pièce de Pina sur scène. C’était tellement physique, c’était une telle joie corporelle. Ça me concernait dans le public comme rien avant et après de ce que j’ai vu sur une scène, ou même sur un écran. J’avais l’impression qu’entre mes caméras et les pièces de Pina, il y avait un mur invisible. Je ne pouvais pas rentrer dans ce royaume des danseurs.

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Une longue attente

Ça a duré très longtemps. Pina Bausch avait beaucoup de confiance en moi. Elle me demandait chaque fois : « Wim, quand est-ce que tu es prêt ?« . Et je devais toujours dire : « Je ne sais pas encore« . Finalement, c’était devenu un peu comme une blague entre nous. Elle ne me demandait rien, elle levait les yeux, je levais les épaules. Et puis elle rigolait. Mais pour elle, c’était important. Et a chaque instant je pouvais tout laisser tomber pour faire ce film.


La réponse de la 3D

Finalement, la réponse est venue toute seule. Un jour, en mai 2007, au Festival de Cannes, il y avait un concert de U2. C’est quand même intéressant pour la suite (rires). Il y avait un film avant le concert qui s’appelait U2 in 3D. Beau jeu de mot (rire). Je n’avais pas beaucoup d’attente là-dessus. J’ai mis les lunettes, et puis ce film a commencé. C’était le premier film avec cette nouvelle technologie, en numérique 3D.

Dès le premier plan, je savais que c’était ma réponse. C’était la solution que j’avais cherché depuis si longtemps. Parce que ce nouveau médium a ouvert finalement une grande porte dans ce mur invisible. Et je voyais que ce nouveau médium pouvait me laisser entrer dans le royaume des danseurs, dans l’espace même. Tout de suite, j’ai appelé Pina, même encore dans la salle, dès qu’il y a eu le générique. Je l’ai appelé, et je lui ai dit : « Maintenant, je sais comment on pourrait faire« . Et c’est là qu’on a commencé à préparer ce film.


Les difficultés techniques

On a d’abord dû choisir les pièces qu’on voulait filmer. Et comme le Tanztheater avait un programme bien chargé, on ne pouvait pas filmer ces quatre pièces avant l’automne/hiver 2009/2010. J’avais donc plein de temps pour me préparer, pour connaître ce nouveau médium, cette nouvelle technologie en 3D. Ça a duré un certain temps, parce que ce nouveau médium était beau, il nous donnait accès à l’espace, mais il ne pouvait pas, assez drôlement, représenter le mouvement. Au début, il n’y avait que des films d’animation avec cette technologie, et il y avait une bonne raison pour ça. Pour filmer les être vivants, ce n’était pas encore prêt.

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La première fois qu’on a tourné, mon assistant a fait de grands gestes devant la caméra, il a couru dans un cercle. Quand il a levé un bras, sur l’écran, on aurait dit une déesse indienne, il avait cinq bras. Évidemment, je n’ai pas osé montrer ça à Pina ! Ça a duré un an et demi jusqu’à ce qu’on maîtrise cette technique, avec l’aide de mon stéréographe, un Français, Alain Derobe, un grand pionnier dans ce métier. On a réussi à créer une 3D qui était naturelle, élégante, et fluide aussi dans le mouvement.


« Pina n’est plus avec nous »

Finalement, on a décidé de montrer le processus à Pina. Il y avait un grand écran sur lequel elle pourrait regarder en direct ses danseur-se-s. On allait faire des tests pendant quelques jours, dans son propre théâtre, pour lui montrer ce miracle dont je lui avait parlé depuis déjà deux ans.

Il y avait des camions plein d’équipements à Paris, prêts à partir à Wuppertal. Et le jour où on a voulu partir avec les camions, le 30 juin 2009, il y a eu ce coup de téléphone de son assistante de Wuppertal. Ce coup inimaginable qui disait : « Pina n’est plus avec nous« .

Ce jour-là, on a arrêté le film. J’ai appelé tout le monde, ma coproduction à Paris. Tout le monde a dit : « Ce film n’existera pas, on arrête« . C’était quand même inimaginable, après 20 ans, de le faire sans Pina.


« Pour elle,  la danse était une réponse à tout, à la vie, à la mort »

Le film a finalement existé grâce aux danseur-se-s. Seulement deux mois plus tard, ils-elles ont commencé à répéter les pièces que Pina et moi avions choisis. Ils-elles m’ont dit : « Voilà, maintenant, on va répéter. Et puis pendant quelques semaines, on va donner les quatre pièces que Pina voulait voir filmer. Si tu réfléchis bien, tu ne peux pas nous laisser seul-e-s, tu ne peux pas ne pas les filmer. Pina aurait voulu. On a fait la même chose, même le jour où elle est morte, on a dansé, en pleurant. Alors là, tu dois filmer parce que c’est ce que Pina aurait voulu« .

Pour elle, la danse était une réponse à tout, à la vie, à la mort. Alors on a fait ce film. Pas avec Pina, mais pour Pina.

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Pina
, de Wim Wenders, sort dans les salles françaises le 6 avril prochain. Une autre avant-première est prévue à Paris le jeudi 24 mars à 20 heures, au cinéma Gaumont Opéra, en présence du réalisateur.

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