Béjart fête Maurice – Béjart Ballet Lausanne
La pièce Béjart fête Maurice est à voir au Festival de Danse de Cannes les 29 et 30 novembre.
Le Béjart Ballet Lausanne fête en 2017 un double anniversaire : les 30 ans de la compagnie à Lausanne et les 10 ans de la mort de son fondateur, Maurice Béjart (décédé le 22 novembre 2007). Une naissance, un adieu, et à chaque fois une nouvelle vie pour la troupe. Béjart fête Maurice se veut être comme un petit bilan, concocté par le directeur du ballet Gil Roman. Ce dernier a construit le spectacle comme une lettre à son mentor. Voilà où nous en sommes aujourd’hui, voilà ta troupe, voilà tes ballets en 2017. La soirée est composée de deux créations. t’ M et variations de Gil Roman est un exercice de style béjartien, qui emporte par la formidable présence de ces artistes profondément modernes. Béjart fête Maurice regroupe ensuite des extraits de quelques pièces de Maurice Béjart. Pas de best-of en vue, mais toute une galerie de personnages et d’ambiance qui dresse un beau panorama de ce que peut être la danse de Maurice Béjart.
Et qu’est-ce que la danse de Maurice Béjart au fond ? Lors des dernières tournées de la troupe, la constatation était unanime : les ballets du chorégraphe n’ont pas toujours bien vieilli, mais ils ont un souffle grâce aux interprètes de la compagnie, tous formidables et profondément charismatiques. Gil Roman ne donne finalement pas forcément une autre définition de la danse béjartienne. « Une chorégraphie de Maurice, finalement, cela reste un texte d’actions simples. Et le seul lien entre ces actions, c’est le danseur lui-même qui l’écrit« , explique-t-il dans le programme.
Sa pièce t’ M et variations rend d’ailleurs hommage aux interprètes. Nous sommes dans le pur exercice de style : un pas de deux, un pas de trois, un ensemble, un geste énergique, puis plus lyrique. La danse de Gil Roman est toujours efficace, à défaut d’être surprenante, et ça ne change pas au fil des pièces qu’il présente depuis 10 ans. Il sait néanmoins mettre en scène l’adage de son maître. Ce qui ressort de sa pièce, ce n’est pas la chorégraphie, mais ses danseur.se.s. Des interprètes montré.e.s dans toute leur diversité de corps et d »esprit, dans toute leur modernité, porté.e.s par une énergie venant profondément du XXIe siècle. « Voilà ta troupe’, donc, et force est de constater qu’elle va plutôt bien.
Béjart fête Maurice démarre comme tout : à la barre. Elle est là, au milieu, sur la scène nue. Chaque danseur.se vient y faire un petit pas d’échauffement, pendant que Gil Roman lit un texte de Maurice Béjart sur les trois socles du.de la danseur.se : la barre, le miroir et le sol. Puis démarre le grand melting-pot, même si le mot est mal choisi car la pièce évite justement cet écueil. Parlons alors plutôt de panorama. Gil Roman est allé chercher une dizaine de pas de deux dans l’oeuvre de Maurice Béjart, certains très connus (ha, les lignes de Bhakti III), d’autres pas vus depuis longtemps. Ils dressent les différentes sources d’inspiration de Maurice Béjart : fascination pour les danses ethniques (Héliogabale ou l’anarchiste couronné), sens d’un certain glamour, pureté des lignes et musicalité (Light), humour parfois rentre-dedans (Rossiniana)… Chaque duo regarde le suivant, laisse sa place, se mélange, transition étudiée qui évite l’effet best-of. Et derrière ces duos, c’est toute la diversité de la danse de Maurice Béjart qui apparaît.
Pour démarrer et conclure la pièce, Gil Roman a plutôt choisi un extrait de groupe, montrant tout le talent qu’avait le chorégraphe pour se servir du groupe, et de la formidable énergie qui s’en dégageait et qui sait tant toucher le public. Tous et toutes se rejoignent dans une spirale donnant l’étrange impression de traverser le temps.
Le Théâtre de Baulieu offre un accueil plus que chaleureux au spectacle, preuve que le public de Lausanne est infiniment attaché à cette troupe. Ce spectacle anniversaire montre toutefois que la question de l’après-Béjart n’est pas complètement résolue. Ces formidables danseur.se.s ont besoin de nourriture, et pas sûr que seules les pièces du répertoire et les créations de Gil Roman leur suffisent aujourd’hui, même si la troupe commence à s’ouvrir. Leur talent serait une matière idéale à toute cette nouvelle veine néo-classique qui explose aujourd’hui, et pourraient inspirer plus d’un.e chorégraphe audacieu.se, comme l’a été Maurice Béjart en son temps.
t’ M et variations de Gil Roman et Béjart fête Maurice de Maurice Béjart, mise en scène de Gil Roman, par le Béjart Ballet Lausanne au Théâtre de Baulieu. Vendredi 16 décembre 2016. À voir jusqu’au 22 décembre.