La Chauve-souris de Roland Petit – Ballet de l’Opéra de Rome
Le Ballet de l’opéra de Rome, c’était la surprise inattendue de ce début d’année. La compagnie avait quelque peu perdu de son lustre passé, mais sous la direction d’Eleonora Abbagnato, la troupe est apparue en plein renaissance. Pour sa venue à Paris au Théâtre des Champs-Élysées, le choix de l’oeuvre s’imposait pour l’Étoile française : Roland Petit, qu’elle considère comme son maitre et sa Chauve-Souris créée en 1979 à Marseille avant d’être montrée au Théâtre des Champs Elysées la même année. La soirée au parfum franco-italien résonnait comme une sorte de pont naturel entre Rome et Paris. Eleonora Abbagnato a en effet choisit Benjamin Pech comme maître de ballet à Rome et Nicolas Le Riche a fait répéter les enfants du LAAC qui ont pris part aux quatre représentations. Et hasard du calendrier – ou pas ! – ce vendredi 13 janvier jour de première était l’anniversaire de Roland Petit qui aurait eu 93 ans.
Le choix de montrer La Chauve-Souris était intelligent car le ballet n’avait jamais été reprise à Paris depuis sa création. C’était donc pour beaucoup une découverte, même si les balletomanes ne furent pas déconcertés tant cette pièce est l’archétype du style de Roland Petit. On y retrouve ainsi partout le savoir-faire du chorégraphe, dans les ensembles réglés au cordeau ou les pas de deux acrobatiques. Quant à l’argument de La Chauve-souris, il peut se résumer en quelques mots, comme l’écrit Zizi Jeanmmaire, créatrice du rôle de Bella dans le programme : » …où l’on apprend qu’une femme peut tenir en échec sa chauve-souris de mari… « . Adaptée de l’opérette de Johann Strauss, cette œuvre appartient ainsi à la fibre du ballet populaire qu’affectionnait Roland Petit. C’est du pur divertissement dans une verve comique, ce qui n’est pas si courant au ballet, sur une musique que tout le monde a dans l’oreille et qui fut merveilleusement interprétée par l’Orchestre Lamoureux sous la direction de David Garforth.
Deux actes de 45 minutes chacun, sept tableaux qui débutent dans l’appartement de Bella et de son époux frivole Johann, qui part la nuit déguisé en chauve-souris courir la belle. Grâce à l’ami de la famille, Ulrich, Bella le poursuit déguisée pour le reconquérir. Avec succès évidemment pour une happy end qui ne faisait aucun doute. Intelligemment, l’action de La Chauve-Souris a été déplacée de Vienne à Paris dans l’entre-deux-guerres. Les décors aux accents « art nouveau » de Jean-Michel Wilmotte sont superbes. Et on s’amuse donc beaucoup. Roland Petit n’a en effet ménagé aucun effet comique pour emporter l’adhésion du public. C’est parfois facile, mais ça marche. Le premier tableau où Bella prépare un diner mondain est drôlissime grâce entre autre à la servante, superbement interprétée par Annalisa Cianci. C’est d’ailleurs l’une des bonnes surprises de la soirée : les danseur-se-s du Ballet de l’Opéra de Rome sont des artistes accompli.e.s malgré leur jeune âge. Tout aussi réjouissant est la scène chez Maxim’s avec une danse des garçons de café épatante. Roland Petit est un as du croisement des genres et sait mêler dans une même œuvre la grammaire du ballet classique et la danse de cabaret.
Eleonora Abbagnato, ne faisant sans doute pas tout à fait confiance aux solistes de sa compagnie, avait invité à Paris trois Étoiles internationales qui devaient apparaître sur toutes les représentations. Un imprévu de dernière minute a modifié les distributions et c’est heureux d’avoir pu découvrir les jeunes artistes de la compagnie romaine. Rebecca Bianchi, qui avait été nominée aux Benois de la danse l’an dernier pour son interprétation de Giselle a livré une prestation de très haute tenue aussi bien techniquement qu’artistiquement. Sa danse est légère, fluide, délicate tout en sachant camper un personnage. Son partenaire, Michele Satriano, qui a remplacé Marian Walter du Ballet de Berlin pour la première, n’a pas semblé un instant intimidé. Précis dans ses solos et excellent partenaire pour les pas de deux si exigeants physiquement. Et c’est enfin Antonello Mastrangelo qui interprétait le rôle d’Ulrich avec humour et brio. Une distribution italo-italienne d’excellente facture donc, accompagnée par un corps de ballet dont émanent jeunesse et énergie. Il faudrait évidemment une autre oeuvre pour juger des qualités de la troupe. Mais dans ce répertoire, la Ballet de Rome est impeccable. Il est vrai que les artistes ont répété avec Luigi Bonino, héritier chorégraphique de Roland Petit dont il fut l’interprète et l’assistant.
Eleonora Abbagnato ne dirige la compagnie que depuis le printemps 2015. C’est peu au regard des enjeux d’une direction artistique, mais cette Chauve-Souris est une vraie réussite. On attend désormais de revoir le Ballet de l’Opéra de Rome dans un autre répertoire.
La Chauve-Souris de Roland Petit par le Ballet de l’Opéra de Rome au Théâtre des Champs-Élysées. Avec Rebecca Bianchi (Bella), Michele Satriano (Johann) et Antonello Mastrangelo (Ulrich). Vendredi 13 janvier 2017.