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Une année au LAAC – En cours et création avec les jeunes apprenties

Depuis le début de notre série Une année au LAAC, nous avons suivi les apprenti.e.s-pro, ce groupe de jeunes danseurs et danseuses d’une vingtaine d’années, ainsi que les enfants amateurs. Cette semaine, place aux apprenties, un groupe de jeunes danseuses entre 13 et 17 ans qui suivent leur formation au LAAC en sport-étude. Et comme les plus grand.e.s, elles montent elles aussi leur projet chorégraphique personnel, une étape de formation qui fait partie du quotidien du LAAC. Nous les avons suivies le temps d’une matinée. 

Une année au LAAC – En cours et création avec les jeunes apprenties

Il est 9h30 en cette fin de février, et comme chaque jour, le cours de danse classique du LAAC démarre au Studio Coupole du Théâtre des Champs-Élysées, donné aujourd’hui par Clairemarie Osta. Le pianiste-violoncelliste Matthieu Lecoq se charge de l’accompagnement musical. À la barre, les apprenti.e.s-pro, les amateurs. Et les apprenties. Elles s’appellent Marchela, Inès, Gabrielle, Maya ou Hanaë, elles sont huit jeunes danseuse entre 13 et 17 ans, reconnaissables à la barre au même justaucorps bleu marine. Chaque matin, elles dansent, le scolaire étant réservé à l’après-midi. Au milieu, elles suivent les plus grands, les observent, avant de se lancer à leur tour. « On est poussé par les plus grands, c’est bien !« , raconte Inès, même si « Nous n’avons pas envie de les décevoir. Nous savons que nous suivons leur parcours« . 

« Ne te regarde pas dans la glace« , conseille Clairemarie Osta pendant les pirouettes à une élève. « Tes repères doivent être les tiens, et pas ceux des autres« . Les filles travaillent ensuite le piqué arabesque dans ses moindres détails. Dans l’exercice, elles ne multiplient pas forcément les difficultés techniques, mais approfondissent la finesse et la précision des pas. Et un simple piqué arabesque peut être source de multiples corrections. « J’aimerais que les arabesques soient dans l’énergie d’un souffle« , explique Clairemarie Osta. « Vise l’arabesque avant de la faire, montre-moi une belle cible. Et appuie sur la direction du bras, je veux voir le découpage du piqué arabesque« . Idem pour les petits sauts, où un soin particulier est apporté aux placements (« Je trouve que vous êtes un peu tard dans votre choix d’épaulement« ), ou pour un exercice de cabrioles. Une diagonale pose d’ailleurs quelques problèmes aux apprenties, qui ont du mal à trouver la bonne rythmique. « Vous n’avez pas fait la balance avant le mouvement. Le buste vient avant les jambes. Vous n’êtes pas assez prêtes dans votre cabriole« . Et d’insister : « Battre ou ne pas battre cette cabriole, c’est le balancement qui m’intéresse« . 

Après le cours, les jeunes apprenties se retrouvent seules dans le studio avec Clairemarie Osta pour une séance de création. À l’image des apprenti.e.s-pro, chacune doit monter un projet personnel durant l’année, une variation pour elle-même. Un travail pas évident pour des danseuses en devenir qui n’ont encore jamais été confrontées à ce genre d’exercice. « Elles ont eu un peu comme modèle le fait que les grands avaient déjà mené leurs projets. Celles qui ne sont arrivées que cette année ont compris ce qui s’était passé. L’idée pour elles est de travailler le mouvement avec quelque chose écrit pour elles, et comment mettre en valeur ce mouvement« . Tout démarre comme un petit exposé. Chaque danseuse a préparé un dossier décrivant son projet, expliquant son choix de musique et de thème, rajoutant quelques sources d’inspiration, dessinant un costume. Gabrielle est arrivée il y a quelques mois au LAAC et explique pour la première fois son projet chorégraphique à ses camarades. C’est la première fois qu’elle se prête à un exercice de création, mais son discours est déjà construit… Si ce n’est qu’il lui manque encore le titre.

Lisa a pour sa part choisi le sien, ce sera L’envol. Habillée d’un justaucorps vert et d’une jupette, elle danse sa chorégraphie. Si son discours est moins préparé que celui de Gabrielle, sa danse a du sens. La jeune fille est très investie dans l’émotion de sa variation, elle travaille beaucoup sur les bras et le haut du corps. Voilà l’histoire d’un oiseau qui hésite à sortir du nid, avant de finalement oser se lancer. Un parallèle avec sa vie d’apprentie danseuse. « Ce travail est une découverte de leur personnalité, encore plus profondément de ce qu’elles osent montrer en cours« , explique Clairemarie Osta. Pour Lisa qui a du mal à montrer ce qu’elle sait faire, ce travail de création est une clé pour vaincre sa timidité. « Et nous avons toutes pleuré lorsqu’elle nous a montré pour la première fois sa création, c’était très émouvant« , se souvient l’Étoile. « De manière générale, j’ai du mal à montrer, à parler devant les autres. J’avais peur. Maintenant, j’aime travailler cette variation« , analyse Lisa.

La fin de sa variation se cherche encore. « J’ai d’autres idées, mais je ne sais pas comment les assembler« , explique-t-elle toute essoufflée à la fin de sa création. Clairemarie Osta l’interroge pour l’aider à avancer. « Est-ce que tu as décidé de ton évolution à ce moment-là ? J’ai l’impression que ton personnage est sorti du nid. Est-ce que c’est à ce moment que tu cesses d’avoir peur ?« . Lisa confirme : « Oui, à ce moment, elle vole en prenant du plaisir« . « Tu dois donc être comme un poisson dans l’eau. C’est ton travail pour la prochaine fois« , explique sa professeure. Place ensuite à quelques corrections techniques pour mettre en avant le travail d’interprétation, comme un grand jeté qui pourrait faire plus d’effet. « Tes gestes doivent être plus complets, il faut aller plus loin« . Et de se demander si cette variation ne serait pas mieux sur pointes. Maya aussi s’est servi de ce travail de création pour dépasser sa timidité. « C’est une façon d’aller au-delà, de montrer ce que je pouvais faire sur scène autrement que ce que je montre en cours« , explique-t-elle. « D’ailleurs Maya n’a pas du tout été timide dans sa manière de faire cette création« , continue Clairemarie Osta. « C’était important pour nous de la découvrir comme cela. Ce travail lui permet d’avoir un univers d’imagination, qui se vérifie aussi dans l’apprentissage du répertoire« . 

Au tour de Marchela de se lancer. Cette jeune danseuse bulgare de 17 ans n’avait pas l’habitude de chorégraphier avant d’arriver au LAAC, mais l’exercice lui plaît beaucoup. Sa variation est déjà construite, dans une veine néo-classique avec quelques passages presque gymniques, et un grand lâcher prise dans la danse. On ne sent pas chez elle l’appréhension de montrer son travail. Un tulle bleu enroulé autour de son justaucorps fait office de costume. « Il pleut. On se bat pour ne pas être mouillé. Mais on veut aussi ressentir cette pluie« , explique la jeune danseuse en quelques mots. Le travail porte ici sur des aspects techniques et visuels, notamment les cheveux qui sont détachés. « Sur une photo, c’est beau, mais dans la danse, ça gâche ton expression« , analyse Clairemarie Osta qui propose une queue-de-cheval basse. Se pose aussi la question des pieds nus, qui font parfois perdre la fluidité du mouvement. La jeune Alice, déjà rencontrée sur La Chauve-souris du Ballet de l’Opéra de Rome, a intitulé sa variation L’arrivée du printemps. Sa chorégraphie est très classique, reprenant les pas appris en cours de danse. La danseuse a construit sa variation, mais reste focalisée sur la technique au moment de la danser. « Tout est en place, mais il manque ton visage pour nous éclairer« , explique Clairemarie Osta. « Le mouvement doit aller vers quelque chose que tu as déjà éclairé avec ton visage. Petit à petit, grâce à ta danse, on te voit de plus en plus ensoleillée. Si tu quittes ton monde en refermant ton visage, nous aussi nous le quittons« . Et de conclure pour toutes les autres : « Il faut avoir un peu plus d’imagination. Certains pas peuvent plus nous servir que vous ne l’avez pensé au départ« .

Quelques-unes de ces apprenties ont désormais envie d’approfondir un peu plus ce travail de création, comme Marchela qui, avec ce projet, a compris qu’elle aimerait créer ses propres chorégraphies. Ou Inès qui commence à rêver de créer sa compagnie. « J’aimerais que les danseur.se.s soient plus libres, qu’on arrête de les enfermer uniquement dans un théâtre. J’aimerais créer une troupe qui danserait en plein air, dans des lieux différents. On peut se servir de tous les éléments qui nous entourent« . Pour Clairemarie Osta, cet exercice permet à toutes de « rechercher en soi des points forts, des goûts, des choses qu’elles n’avaient pas soupçonnées avant de venir ici« . Et de conclure : « Je ne sais pas dans quel monde elles vont danser. C’est à elles de le découvrir, de le mener, d’avoir leur propre projet danse. Il faut être conscient de ses potentiels, des efforts à privilégier, à orienter, pour que ce projet se dessine. Nous, nous les accompagnons« . 

 

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