Le Corsaire par l’English National Ballet – Laurretta Summerscales promue Principal Dancer
Si au mois de janvier tout le monde se retrouve souvent complètement sur les genoux, la fatigue de la reprise ne semble pas avoir beaucoup d’effet sur la troupe de l’English National Ballet. La compagnie a donné avec fougue et passion son dernier spectacle de la saison au Colisée de Londres, à savoir la production moderne du Corsaire, avec dans le rôle de Médora la jeune danseuse Laurretta Summerscales, déjà pressentie future Étoile depuis quelque temps. Vous le sentez venir ? Eh bien, oui, ce qui devait arriver arriva : j’ai donc eu la chance d’assister à ma première nomination surprise, le 24 janvier 2016. Récit d’une représentation forcément un peu à part.
Adoré par beaucoup (parfois conspué aussi), Le Corsaire est avant tout le royaume du kitsch et de l’extravagance. Immense point fort : la production a pour elle une belle compagnie énergique, généreuse et qui brille par sa jeunesse. Le niveau est exceptionnellement homogène, les danseur.se.s ont bon esprit, l’envie de s’amuser et surtout d’offrir un moment de bonheur au public.
Et pourtant, je me vois forcée d’admettre que sans pour autant faire la grimace (n’exagérons rien…), je ne m’explique pas tout à fait la popularité de ce ballet. Le niveau de la compagnie ne suffit pas à me faire basculer du côté rose bonbon de la force. L’histoire reste très cliché et dépourvue de frisson authentique, c’est même le principe. Les costumes et les décors (ça brille de mille feux), aussi merveilleux soient-ils, ont plutôt eu tendance à fatiguer un peu la rétine (littéralement) et surtout, à distraire l’attention. Il y a vite de quoi vous sentirez étouffé si vous êtes claustrophobe. Des goûts et des couleurs ; on aime ou on aime pas. Malheureusement, malgré toute ma bonne volonté, je me situe dans le camp des grincheux.ses qui ne parviennent pas vraiment à se laisser porter par l’intrigue.
Cela n’empêche en aucun cas d’apprécier la prestation des solistes. Laurretta Summerscales, dans le rôle de Médora, est une rose anglaise typique à la peau diaphane, au travail propre et aéré. Très féminine, la ballerine donne davantage dans le romantique, tendance belle demoiselle en détresse, que dans l’interprétation sexy et exotique. Elle forme avec Osiel Gouneo (Conrad), un couple mignon tout plein, peut-être un chouilla trop poli.
Ce sont finalement certains seconds rôles qui se détachent clairement du lot, tout particulièrement celui de Gulnare. Ksenia Ovsyanick représente le pendant glamour de Médora : vraie odalisque malicieuse, joueuse, elle est comme à son habitude parfaite lorsqu’ elle ondule des bras pour séduire le sultan (un très comique Michael Coleman). Autre danseur plein de charisme, Junor Souza interprète le rôle de l’esclave Ali, un rôle capital dans le fameux Pas d’action au début du deuxième acte. Le jeune espoir fend l’air comme une météorite, change de direction soudainement, virevolte à n’en plus finir. Le tout accompagné de beaucoup de sensibilité. Birbanto, le chef des pirates dansé par Yonah Accosta, est le prototype du bad boy aussi dangereux qu’attirant. Un de ces méchants qu’on adore détester muni d’un vrai sens dramatique.
C’est déjà le tomber du rideau et voilà que Tamara Rojo entre en scène pour souhaiter tout d’abord un joyeux anniversaire à Laurretta Summerscales. Petite feinte et attention charmante à la fois. Trêve de suspense, la directrice artistique profite de la fin d’une salve d’applaudissements pour annoncer : « Aujourd’hui, c’est avant tout le jour où Laurretta Summerscales est promue Étoile« . Émotion, larmes, cris de joie et de surprise dans le public et sur scène. Choix judicieux, la toute nouvelle « Principal Dancer » va faire le bonheur de la compagnie, avec à l’avenir de beaux et grands défis artistiques à relever.
Le Corsaire d’Anna-Marie Holmes d’après Marius Petipa par l’English National Ballet au London Coliseum. Avec Laurretta Summerscales (Medora), Ksenia Ovsyanick (Gulnare), Osiel Gouneo (Conrad), Jinhao Zhang (Lankendem), Junor Souza (Ali) et Yonah Acosta (Birbanto). Dimanche 24 janvier 2016.
Audrey
Ravie d’apprendre que la carrière de Ksenia Ovsyanick est un succès ! Elle m’avait particulièrement marquée lors de sa participation au Prix de Lausanne : une facilité déconcertante devant les difficultés techniques mais surtout un charme déjà incroyable et ravageur ! Un régal : https://www.youtube.com/watch?v=OrXgddlWo3k
Je ne connais pas sa danse, mais néanmoins toutes mes félicitations à la nouvelle étoile anglaise 😉