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Trois Sacres – Sylvain Groud avec Bérénice Bejo

Aucune œuvre musicale n’a autant enthousiasmé les chorégraphes. Source féconde pour la danse contemporaine, Le Sacre du printemps, objet de multiples versions, a inspiré un triptyque au chorégraphe Sylvain Groud. Le parti pris de Trois Sacres, présenté au récent Festival Séquence danse, surprend : dans cette version pour un duo, l’Élue glorifiée puis sacrifiée est devenue l’élu. Soit le corps masculin en proie au désir féminin. Et sur le plateau, un face-à-face inattendu entre la comédienne Bérénice Bejo et Sylvain Groud, ancien danseur d’Angelin Preljocaj et directeur artistique de la compagnie MAD. Leur rencontre remonte à quelques années, à l’occasion d’une scène dansée commandée au chorégraphe pour le film The Artist (2011). Si la séquence n’a finalement pas été tournée, l’idée d’un projet chorégraphique a commencé à germer entre les deux artistes.

Trois Sacres de Sylvain Groud – Festival Séquence danse

Au début de la pièce, Sylvain Groud court sur place, capuche sur la tête. Son mouvement se déploie avec la régularité d’un métronome. Combien de temps cela dure-t-il ? Impossible à dire. On le suit comme fasciné par ce rituel sportif. Sa respiration s’accélère. Il ne dévie pas de sa ligne d’horizon imaginaire. Soudain, il ralentit sa course, puis s’arrête. Lentement, il se débarrasse de ses vêtements de sport et enfile un costume de ville. Méthodique, précis, il semble absent. Attend-il quelqu’un ?

D’un pas pressé, Bérénice Bejo surgit côté cour et vient rompre cette solitude. Comme absorbée dans ses pensées, elle soliloque des mots d’amour, des mots crus d’une femme amoureuse. Lui se met à danser et l’entraîne dans son sillage. Un homme, une femme, éternelle rencontre. On ne saurait dire depuis combien de temps ces deux-là se connaissent. L’apprentie danseuse ne démérite pas, s’investit avec application dans un duo aux lignes claires, à la fluidité souple. Ils semblent très à l’écoute l’un de l’autre, lui très soucieux de sa partenaire, elle dans une application de débutante.

Trois Sacres de Sylvain Groud – Festival Séquence danse

Trois Sacres raconte trois phases de l’état amoureux et de son corollaire, le désir charnel. Ce mélange complexe d’émotions, cette alchimie de pulsions donnent matière à cette déambulation. À la faveur d’un entrelacs de textes contemporains et de mouvements, cette pièce devient un voyage dans les mystères de l’amour. Elle met au jour une conversation amoureuse tissée de mots et de gestes, d’élans et de retenue. S’agit-il d’une rencontre ou d’une rupture ? Ou peut-être est-ce tout cela condensé en quelques instants fugaces.

Face à un interprète puissant, Bérénice Bejo semble résolue à relever le défi de cette attraction incontrôlée. Las, elle apparaît parfois trop fragile. L’intention n’est pas dénuée de sincérité, mais il manque à la comédienne un peu d’étoffe, de chair pour être crédible dans cette confrontation. Le climax survient enfin. Dans un carré de lumière rouge, symbolisant une boîte de nuit, le couple se lance dans un corps-à-corps plus intime. Et l’homme s’offre au désir féminin. Sylvain Groud se meut tandis que les contours de sa piste de danse s’amoindrissent graduellement. Incandescent, il continue de danser comme porté par une énergie inextinguible jusqu’à l’épuisement. « L’amour physique est sans issue », chantait Serge Gainsbourg.

 

Trois Sacres de Sylvain Groud au Centquatre, dans le cadre du Festival Séquence danse. Avec  Bérénice Bejo et Sylvain Groud. Samedi 8 avril 2017. 

 

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