Don Quichotte de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole – Maria Gutiérrez et Davit Galstyan
Alors que le Ballet de l’Opéra de Bordeaux est dans l’expectative concernant ses ballets classiques, le Ballet du Capitole continue sur sa belle lancée et sa politique de renouvellement du répertoire. Après Le Corsaire et Giselle, Kader Belarbi (le directeur de la troupe) a en effet remonté Don Quichotte ce printemps. L’ambition n’est pas ici de renouveler le genre – ni même de surprendre – mais de proposer une version bien menée d’un grand classique du répertoire, que toute troupe académique se doit de savoir danser. Et le pari est réussi. Danseurs et danseuses à l’énergie joyeuse, décors d’une Espagne de carte postale, virtuosités techniques assumées et drame de comédie romantique : tous les ingrédients que l’on aime retrouver dans Don Quichotte sont là. Voilà une version rien de plus qu’attendue, mais au travail cohérent et porté par une troupe unie. De quoi donner un coup de fouet au ballet classique qui se fait rare en-dehors de Paris.
Monter Don Quichotte avec une troupe de 35 danseurs et danseuses, même si quelques surnuméraires s’y joignent, la mission peut s’annonce périlleuse : le ballet recèle de petits rôles et d’un corps de ballet important. Kader Belarbi règle le problème en supprimant quelques personnages. Gamache disparaît et laisse plus de place à Don Quichotte, Espada s’envole et c’est Basilio qui devient toréador, le couple de gitans a droit à plus d’un acte en devenant les ami.e.s de du couple de tourtereaux. L’action se resserre ainsi autour de Kitri et Basilio, même si l’on ne peut pas dire que le tout n’en devienne forcément plus cohérent. Paré d’une magnifique cape, Basilio n’a ainsi pas vraiment le look à mécontenter le cupide père de Kitri. Mais Don Quichotte n’est pas vraiment à la recherche d’une grande psychologie des personnages. Place plutôt à la fête, au bonheur de danser, à des personnages attachants (le ballet reste loin d’une succession de numéros) et à une vraie drôlerie. Le tout porté par une danse assumant l’académisme de Marius Petipa.
Car, comme vu dans Giselle il y a quelques mois, la troupe du Capitole sait affronter la pantomime, la rendre claire et moderne tout en respectant certaines règles. La mise en scène rend limpide les apparitions de Dulcinée/Kitri (pas forcément très lisible dans d’autres versions), accentuant les effets comiques d’un Don Quichotte aussi ridicule que grandiloquent, poétique et émouvant, bien servi au passage par Jackson Carroll qui sait jouer sur plusieurs tableaux. En parfait contrepoint, la pétulante Maria Gutiérrez est irrésistible en jeune fille en fleur – elle a pourtant fait ses adieux à la scène quelques jours après la première – qui n’a peur de rien, pétillante à l’humour toujours naturel. Véritable reine du ballet, c’est autour d’elle que se noue l’intrigue, la drôlerie et les sentiments. La complicité qu’elle a créée avec Davit Galstyan, le Basilio du soir, sert joliment ce couple amoureux. Le danseur hésite pourtant dans son personnage au début. La chorégraphie bondissante va vers l’apprenti-barbier mais le costume joue sur le toréador de luxe : Basilio est le personnage qui souffre un peu de cette relecture, tout comme son interprète. Le dernier acte du mariage laisse heureusement moins de place aux questionnements.
La production n’est pas nouvelle (elle date de la fin des années Nanette Glushak) mais n’a pas à rougir de sa tenue. Les décors invitent au rêve et à la fantaisie, les costumes donnent le ton d’un ballet plein de bonne humeur. Tant pis alors pour quelques petites choses qui auraient mérité d’être retouchées, comme le rose un peu criard du dernier acte ou les robes longues des Naïdes qui cassent les lignes (rendez-nous les tutus !) (oui, je suis de la team réac, pour la scène de la Vision, je veux des tutus, et puis c’est tout). L’ensemble reste tout ce qu’il y a de plus cohérent. Tout comme la troupe d’ailleurs, au diapason des solistes. C’est aussi à cela que l’on reconnaît la bonne santé d’une compagnie : il n’y a pas que son couple principal qui y brille. Dans les seconds rôles, Philippe Solano se détache en chef des gitans, vrai leader du corps de ballet, quand Lauren Kennedy propose un joli lyrisme en Reine des naïades. Tout le monde en scène est concerné dans son personnage, et c’est comme cela que Don Quichotte fonctionne : derrière les fouettés et espagnolades de Kitri et Basilio, il y a tout un monde qui vit et qui rit.
Don Quichotte de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole au Théâtre du Capitole. Avec Maria Gutiérrez (Kitri), Davit Galstyan (Basilio), Jackson Carroll (Don Quichotte), Nicolas Rombault (Sancho Panza), Scilla Cattafesta (Mercedes), Philippe Solano (Estéban, chef des gitans) et Lauren Kennedy (Reine des Naïades). Jeudi 20 avril 2017.