[Prix de Lausanne] La finale vue de l’autre côté du rideau
Comme chaque année, la finale du Prix de Lausanne vient conclure une semaine aussi belle et riche qu’éprouvante pour tous ceux et celles qui foulent le sol du Théâtre de Beaulieu en ce début de mois de février. Retour sur cette journée de finale forte en émotions, vue des coulisses.
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Les résultats sont tombés la veille au soir : vingt finalistes sont sélectionné.e.s pour se produire le samedi 6 février sur scène et espérer décrocher une des précieuses bourses que réserve le concours. Les quarante-sept autres participent alors au networking forum, au cours duquel on leur proposera peut-être de rejoindre une école ou une compagnie, malgré leur absence de la finale. Séparé.e.s comme toujours en groupes A et B, les candidat.e.s non sélectionné.e.s obtiennent aussi un retour sur leur semaine lors d’un entretien avec un membre du jury avant ou après de prendre une leçon de danse classique.
Lors de la classe, le matin de la finale, ces candidat.e.s dansent sous l’œil attentif des nombreux directeurs et directrices d’écoles et de compagnies, qui les inspectent avec précaution. L’ambiance est toujours plus délicate que pendant ces deux derniers cours : la fatigue et la tristesse peinent à quitter certains visages, encore affectés du verdict de la veille. Le Prix de Lausanne est certes une expérience que chacun.e adore et défend même sans participer à la finale. Mais tous et toutes ne vivent pas aussi bien de voir devant eux se fermer les portes de cette dernière épreuve. Difficile aussi de se produire devant des personnalités toutes plus impressionnantes les unes que les autres, surtout quand celles-ci passent beaucoup de temps à discuter avec leurs collègues, parfois plus qu’à regarder certain.e.s candidat.e.s. Le stress occasionné par les chuchotements qui accompagnent le piano peut être assez terrible.
Pour qui contemple la scène, il est toutefois toujours aussi agréable qu’intéressant d’assister à ce cours du networking forum. Tou.te.s les candidat.e.s ne sont pas tristes, bien sûr, et les exercices que leur proposent les professeurs sont un plaisir à voir (et donnent très envie de se remettre à la barre). Et puis, tous ces directeur.rice.s et professeur.e.s eux.elles aussi rappellent la bonne ambiance qui caractérise Lausanne. Cynthia Harvey, véritable concentré de bonne humeur, est toujours aussi souriante. Et ce n’est pas Marcelo Gomes, membre du jury qui débarque en costard et nœud-pap’, qui l’arrête de discuter, bien au contraire ! Lors du cours des 15-16 ans, Stefanie Arndt ne tarit pas des bons mots qui la caractérisent : « Ouvrez vos bras, montrez-vous ! … Vous voulez un travail ?!« . Ou encore, au moment du grand allegro : « Allez-y à fond, vous êtes en train de vivre votre rêve !« .
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Pendant que se poursuit le networking forum, les finalistes commencent quant à eux à arriver à l’arrière-scène. Ils s’échauffent gentiment, discutent, s’entraident. Ils sont tous et toutes tout sourire et leur bonheur est contagieux. Il est aussi question de se détendre et chacun.e y va de sa technique : certain.e.s s’isolent, d’autres révisent, écoutent de la musique, téléphonent à leurs proches. On n’oublie pas non plus d’immortaliser ces précieux moments entre ami.e.s – car ils.elles sont pour la plupart plus ami.e.s que concurrent.e.s. Le rythme de la journée s’accélère peu à peu. Les finalistes partent prendre leur cours sur scène… Mais qui est cette femme qui traverse discrètement l’arrière-scène, habillée d’un long manteau, coiffée d’un chapeau ? Diana Vishneva, qui répète pendant la finale son intervention lors de l’interlude. C’est aussi ça Lausanne : on croise de partout le gratin de la danse classique, et c’est normal.
La presse se réunit ensuite dans le bâtiment du Prix de Lausanne, la vieille et belle maison qui se trouve juste derrière l’entrée des artistes du théâtre. Amanda Bennett y relève l’exceptionnelle qualité du jury puis l’importance grandissante que prend le concours : entre la retransmission Arte concert et la présence exponentielle sur les réseaux sociaux, le Prix a connu cette année encore une audience toujours plus grande aux quatre coins du monde. Le contemporain s’y développe aussi, et c’est une directrice ravie d’avoir pu proposer aux concurrents des chorégraphies de Mats Ek.
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Le président du jury Julio Bocca, après qu’il a insisté sur le niveau de cette édition et la difficulté de noter des concurrents dans une telle homogénéité, prononce d’importantes paroles : « Ce concours, ce n’est que le début, pas la fin. Et il ne faut pas venir pour la compétition. Ce que nous voulons voir ce sont des âmes sur scène, par uniquement des jambes haut levées« . Cette conférence de presse est aussi un moment de passation du titre de directrice d’Amanda Bennett à Shelly Powers, actuellement à la tête de la Houston Ballet Academy. La première espère alors avoir pu aider un maximum de jeunes danseur.se.s et est ravie de l’importance que prend l’événement chaque année. Elle en ressort pour sa part enrichie de tous les voyages et les rencontres qu’elle a pu faire, mais aussi de la position impartiale que suppose son rôle. Elle a ainsi un rapport tout différent que celui des jurys avec les candidat.e.s. Amanda Bennett semble heureuse et épanouie de ces cinq années à la tête du concours de danse le plus prestigieux du monde. Finalement, lorsqu’est évoquée la différence, cette année, de niveau entre filles et garçons, elle la confirme, pour ajouter que « c’est comme le vin » (en français dans le texte).
Voici venu le grand moment : la finale. Ce n’est pas Deborah Bull – qui a désormais un autre rôle au Prix – qui la présente mais Katerina Novikova, porte parole du Bolchoï, la même qui assure les retransmissions en direct dans les cinémas du monde entier. Une habituée, donc. Les candidat.e.s passent, plus ou moins stressé.e.s. Leroy Mokgatle est ovationné, et le mérite bien. Le jeune garçon a su hypnotiser la salle entière par sa présence exceptionnelle. A l’entracte, il est encore remué par ce qui s’est passé sur scène : « J’ai adoré, vraiment profité de ma performance. J’espère que j’ai réjoui le public !« .
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Les finalistes Makensie Henson et Riley Lapham sont aussi heureuse. « J’ai profité de chaque minute sur scène« , dit la première. Et la seconde d’ajouter : « C’était une expérience incroyable, et aujourd’hui une bonne façon de conclure la semaine. C’est surréaliste de danser sur cette scène, en Suisse, quand tu viens de l’autre bout du monde !« . Quant à cette belle semaine dans son entier : « Je ne pourrais pas être assez reconnaissante de tout ça. C’est la meilleure compétition pour les jeunes danseur.se.s. On se fait tellement d’ami.e.s, on apprend tellement de nouvelles choses des professeurs ! ». « J’ai adoré être coachée par toutes ces personnes« , ajoute Makensie. « Jamais je n’aurais pu participer à un meilleur concours« .
L’interlude est un moment de pause. Il s’y passe comme un flottement, un apaisement de l’ambiance, tout de même tendue à quelques dizaines de minutes du verdict. La Junior company du Het National Ballet présente deux jolies pièces, notamment un pas de deux sur les trois Gymniopédies de Satie dans lequel se produit la très prometteuse Melissa Chapski, jeune star aux États-Unis et sur les réseaux sociaux. Diana Vishneva danse sur du Barbara, dans une chorégraphie qui n’est pas des plus convaincantes, mais à laquelle l’Etoile du Mariisky et de l’ABT donne toutefois son intérêt.
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Après l’annonce des résultats, le monde de la danse se retrouve sur scène, de Gilbert Mayer à Gil Roman en plus de tous les danseur.se.s et directeur.rice.s déjà présent.e.s, comme Marcelo Gomes et son smoking qui assure à lui seul la presque totalité du potentiel classe de l’événement. Tout le monde se félicite, les lauréat.e.s sont indubitablement très ému.e.s. Le soulagement est aussi palpable auprès du staff du Prix, fatigué de cette semaine éprouvante lors de laquelle chacun fournit un travail remarquable. La soirée débute et le concours s’achève. Voici venu le temps, gentiment, de laisser se vider le théâtre de Beaulieu et de se réjouir des nombreux talents qui viendront l’animer l’année prochaine, pour la quarante-cinquième fois, en 2017.
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