Tanzolymp ou les Olympiades de la danse berlinoises
Berlin, capitale unique aux antipodes du traditionalisme, à l’avant-garde de la création. Berceau de la musique électro, peuplé au tiers par les moins de trente ans. Ici-bas la jeunesse règne sur un avenir artistique des plus propices. Le plus grand concours de danse d’Allemagne, Tanzolymp, nous le rappelle chaque année depuis 2004 au mois de février, pendant que la Berlinale bat son plein. Un marathon de quatre jours de qualification, tout aussi glamour que le festival international de cinéma. Une olympiade regroupant 800 participant.e.s, pléiade d’espoirs de la danse, qui a lieu cette année du 18 au 22 février 2016 et se clôt par un gala, généralement mémorable.
Qu’est-ce que le Tanzolymp ?
À l’instar de ses concours aînés comme Varna ou Lausanne, le cadet Tanzolymp grandit vite. Son directeur (et ex-danseur du Staatsoper de Berlin) Oleksi Bessmertni, a lui-même connu les compétitions : « Les concours de ma jeunesse étaient plus déloyaux car ils ne mélangeaient pas les genres !« . La force de cette épreuve réside en effet dans sa pluralité des catégories (danses classique, néo-classique, contemporaine, jazz et folklorique), la diversité des nationalités (près d’une quarantaine !) et l’immense panel des âges des participant.e.s (10-21 ans). De plus, les danseur.se.s provenant d’écoles publiques comme privées concourent, certes séparément, mais sont évalué.e.s par le même jury et peuvent participer équitablement à tous les cours proposés. Et chaque année, de jeunes éléments issus du privé remportent des bourses pour aller étudier dans les plus grandes écoles de formation publiques européennes : une aubaine inespérée.
Le jury 2016
Tanzolymp fut, jusqu’en 2010, placé sous les présidences d’honneur de Vladimir Malakhov et Vladimir Vassiliev. Désormais sous l’égide du directeur du Staatsballett de Berlin et chorégraphe espagnol Nacho Duato, le jury compte pour cette édition 2016 de nombreuses figures du monde de la danse : Steffi Scherzer de l’Académie de Danse de Zurich (une habituée !), Elena Pris (Staatsballett de Berlin), Alexandra Georgieva (Friedrichstadtpalast de Berlin), Nadia Deferm (École Royale de Ballet d’Anvers), Pedro Carneiro (Conservatoire de Danse de Lisbonne), Olivier Patey (Ballet Royal de Flandres), Jean Christophe Lesage (Staatsoper de Vienne), Birgit Keil (Staatsballett de Karlsruhe), Caroline Lorca (Conservatoire National Supérieur de Munich, une autre habituée !), Heinz Loigge (École de danse Essen Werden), Jean-Yves Esquerre (Académie du Ballet National d’Amsterdam), Sylviane Bayard (professeure invitée, membre du jury du Prix de Lausanne), Gregor Seyffert (École du ballet de Berlin), Iracity Cardoso (Cia de Dança de São Paulo), Anna Polikarpova (Ballet de Hambourg), Wang Lei (Académie de Ballet de Péking), Kim Bock Hee (Korean Society of Dance), Yumiko Takeshima (SemperOper de Dresde), etc. Sergueï Filine, l’ex-directeur artistique du Bolchoï, devrait également montrer le petit bout de son nez et peut-être même proposer un master class…
Mais, cette année, aucune Étoile de l’Opéra de Paris ne fera partie du jury. Francesca Zumbo, ancienne professeure à l’École du Ballet de l’Opéra de Paris, a compté parmi les membres du jury en 2014. Quant à Clairemarie Osta, elle s’est déplacé à Berlin l’an dernier. Je lui avais alors demandé pourquoi la France (comme l’Angleterre d’ailleurs), maison mère de la danse classique, ne voulait pas venir se confronter à d’autres écoles et nations. L’Étoile, tout fraîchement retraitée, m’avait dit tout bas : « Participer à des concours, c’est toujours mal vu par les grandes écoles de formation en France. Je trouve ça ridicule et les enfants y gagneraient énormément, mais voilà, c’est comme ça. »
Le grand gala final
Les quatre journées de qualification se déroulent au Russisches Haus, mèneront au gala de clôture du concours, programmé cette année le 22 février au Theater des Westens. Des pas de deux de danseur.se.s professionnel.le.s invité.e.s pour l’occasion viennent ponctuer les variations des finalistes sélectionné.e.s.
Les Étoiles invité.e.s pour le gala en 2016 sont : Ludmila Konovalova (Staatsoper de Vienne) en Odile envoûtante, au bras de Marian Walter (Staatsballett de Berlin), Olga Smirnova et Semen Chudin (Diamants de George Balanchine), l’Étoile du Bolchoï également aux côtés d’Artem Ovcharenko (Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot). Décoré en 2015, l’inoubliable Ensemble Exiton revient cette fois en invité d’honneur. L’an dernier, ces très jeunes danseur.se.s russes avaient plongé.e.s au cœur d’une suave fable évoquant le coucher… Puis, place aux lauréat.e.s.
Qui participe ?
La Russie compte le plus grand nombre de participant.e.s. Et notamment dans la catégorie folklorique. Cette expression est simplement naturelle même si longuement répétée, en osmose parfaite avec cette âme russe, indéfinissable de complexité, de charme et de sincérité. Des ensembles qui hypnotisent d’admiration le public et raflent beaucoup de prix. Dilemme cette année, l’Allemagne a durci les réglementations de demande de visa et le rouble connaît une grande crise : deux facteurs qui ont provoqué le désistement de nombreuses écoles.
Mais le Brésil se fera peut-être un honnête remplaçant. Depuis 2014, Tanzolymp s’est agrandi et un concours frère est né de l’autre côté de l’Atlantique. La cote de popularité de Tanzolymp y est constamment en hausse et les jeunes danseur.se.s brésilien.ne.s rêvent de Berlin. En 2011, les compagnies Teatro Alberto Maranhao et Corpo de baile IOA avaient remporté des médailles d’or et d’argent pour leurs chorégraphies enchanteresses qui s’apparentaient à une musique des corps. Depuis, le Brésil ne cesse d’être comparé à un immense vivier de création pour la danse moderne. Plus qu’un pays, un mélange de couleurs, de rythmes et de dynamismes.
Quant à la Corée du Sud, elle tire souvent son épingle du jeu. Les danseurs sud-coréens, principalement masculins, ont chaque année démontré que l’avenir de la danse moderne ne se confinait pas aux frontières de l’Europe ou des États-Unis : des sauts d’une amplitude qui défient toute concurrence, des contrôles abdominaux déments… Une danse qui se rapproche de l’art martial. Ils seront néanmoins peu à participer à cette édition 2016, Oleksi Bessmertni ayant observé quelques désagréments administratifs lors des derniers concours : beaucoup de danseurs viennent rafler des médailles pour pouvoir être dispensés de leur service militaire. Monsieur Bessmertni a souhaité que cela cesse, rappelant les valeurs apolitiques du concours.
La Chine, enfin, participe pour la première fois à Tanzolymp. Après un Premier Prix attribué à la Chinoise Hang Yu à Lausanne, l’Empire du Milieu remportera-t-il le Grand Prix des Olympiades de la Danse berlinoises ? Bien plus que des médailles, Tanzolymp offrira avant tout la danse en partage, rythmée par une soif de réussite et un goût de l’effort, au service du rapprochement des peuples.
TANZOLYMP Berlin, Russisches Haus (qualifications du 18 au 21 février) et Theater des Westens (gala de clôture le 22 février à 19h)