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ÉcoleS de Danse – Les 32 fouettés

Instant de bravoure pour l’artiste, les fouettés sont souvent perçus comme un mythe de la technique de la danse classique. En perpétuel appui sur une jambe, les pirouettes se succèdent, souvent jusqu’à 32, le simple mouvement de la jambe libre relançant inlassablement le tour. L’occupation favorite du public reste souvent de les compter… Mais il est aussi facile d’observer, avec un peu d’attention, l’école d’apprentissage du.de la danseur.se à travers ses fouettés.  Notre dossier Écoles de Danse se penche ce mois-ci sur les fameux trente-deux fouettés à travers les différentes écoles : le style Cecchetti, la méthode Vaganova, l’école française… Cette étude est réalisée à partir de recherches et d’un savoir pédagogique laissant la place à une interprétation personnelle.

 

La confection d’un diamant – Les débuts en Russie avec Marius Petipa

Légende du répertoire de ballet, Marius Petipa incarne la virtuosité des fouettés dans ses mises en scène. Dans La Tulipe de Haarlem en 1887, la créatrice du rôle Emma Bessone exécute quatorze fouettés totalement inédits. Mais c’est pourtant Pierina Legnani qui devient la représentante majeure des fouettés. Selon Konstantin Skalkovsky, critique de danse dans la Gazette de St Pétersbourg, ce fut dans la première de Cendrillon de Marius Petipa en 1893 qu’elle réalise pour la première fois trente-deux tours réalisés sans arrêt et sur place. Le public en délire demande d’ailleurs la répétition de cette prouesse. Un tel succès eut pour conséquence de hisser cette grande danseuse au titre de prima ballerina assoluta.

Tamara Karsavina dans son autobiographie relate ainsi ce moment : « Un de ses tours de force était les ‘trente-deux fouettés’. D’autres danseuses l’ont imitée depuis, mais c’était la seule à pouvoir le faire. Legnani marchait jusqu’au milieu de la scène et se préparait ostensiblement à son tour. Le chef d’orchestre attendait, baguette levée. Soudain, une cascade de pirouettes vertigineuses, merveilleuses de précision, brillantes comme les facettes d’un diamant, ravissait toute l’assistance. Toutes les élèves, petites ou grandes, essayaient continuellement de faire les ‘trente-deux tours’. Nous tournions dans les salles de danse, nous tournions dans le réfectoire, nous tournions dans le dortoir, perdant l’équilibre après quelques essais et recommençant aussitôt« .

L’engouement pour ces tours s’imposa en Russie à travers l’oeuvre d’Agrippina Vaganova. « Il s’exécute à partir d’un demi-plié sur la jambe gauche. Cette fois, la jambe droite s’ouvre en seconde position à 45°. Le tour est en dehors sur la jambe gauche et pendant celui-ci, le pied droit doit se soulever derrière le mollet en le portant rapidement devant celui-ci pour s’arrêter à nouveau en demi-plié en ouvrant les bras et la jambe en seconde position. Pendant le mouvement de la jambe en seconde position, les bras s’ouvriront eux aussi en seconde position pour se refermer en position préparatoire durant le tour« . Bien que la prise du geste soit souvent personnelle, la préparation en 4ème position suivie d’un tour en dehors sauté sur la pointe est cruciale pour réussir ce tour de force.

Un diamant brut taillé – Enrico Cecchetti

D’après Agrippina Vaganova, c’est Enrico Cecchetti qui porta l’école italienne au statut de référence pour la virtuosité de ses danseuses à Saint-Pétersbourg. Il présenta son travail à Pierina Legnani ou Carlotta Brianza, comme des masterclasses modernes. Même si cela suscita quelques réserves chez les puristes, les avantages de son travail étaient nombreux : l’aplomb, la dynamique des tours, la force et l’endurance.

Le travail d’Enrico Cecchetti fut exporté. En fondant en 1918 une école au Royaume-Uni, il diffusa son savoir. Cela aura comme conséquence la naissance posthume de son traité codifiant ainsi son savoir. Ainsi, avec les nombreux progrès techniques, les trente-deux fouettés apparurent comme un savoir-faire indispensable du.de la danseur.se et fut défini. Le fouetté est « généré par le rond de jambe en l’air qui s’exécute en tournant« . La jambe libre passe alors par une quatrième sur une jambe de terre pliée pour s’ouvrir sur la seconde. Associés à une ouverture de bras en seconde, l’ensemble impulse le tour. Bien que prétendre à une jambe placée à 90°est encore ambitieux, le fouetté acquière pourtant plus d’impression avec une grande amplitude selon l’esthétisme d’aujourd’hui. Passer par une quatrième avec une coordination identique des bras est très utilisé chez les artistes de formation européenne et, plus précisément, fait la marque de l’école anglaise.

 

L’éclat du diamant – l’école française et George Balanchine 

L’école française se caractérise par une prise d’élan répétée en quatrième avec un tour au genou en dehors. Le fouetté s’amorce avec la jambe libre qui s’allonge en quatrième durant la réception sur la jambe de terre pliée. Ce qui va créer la « french touch » est le passage en relevé seconde. Ce dernier n’est pas constitutif du mouvement mais juste le point d’inflexion. Véritable repère visuel du spectateur, le relevé seconde indique le nombre de tours à chaque passage. Une fois la jambe libre en quatrième, l’impulsion du plié doit permettre à l’artiste de relever en seconde. Le tour du fouetté passe au jarret puis au genou sans sur-croiser comme il est coutume dans le retiré de l’école française. Une grande résistance de la jambe de terre permet de fixer la position avant d’enclencher le tour. Moment d’équilibre et de respiration par excellence, le public peut alors jauger de la stabilité de la danseuse.

George Balanchine apportera plus d’esthétisme avec un en-dehors indispensable et très marqué. La jambe libre plus haute se fixe à hauteur de genou. Lors du tour, elle réduit le passage de jarret au genou. La pointe se colle à côté du genou avant de passer devant. De plus, le relevé du fouetté doit être raffiné et faire preuve de contrôle pour une meilleure allure.

Les trente-deux fouettés resteront toujours, malgré l’engouement et le progrès des écoles, une grande prouesse technique très difficile à reproduire spontanément. Le public, indispensable à l’élaboration du bon goût de la danse, jauge, apprécie, voire critique ces envolées d’envergure. À vous maintenant de rentrer dans la peau d’un.e spécialiste pour savourer ces moments de grâce d’un temps suspendu, révélant le sublime non dénué d’incertitude et de lutte.

 

Commentaires (2)

  • Caro

    En réaction la question du jour : comment compter les fouettés ? j’ai beau le faire et le refaire, même en regardant les meilleures, je ne trouve jamais le compte mais plus ou moins !! J’imagine que je n’ai pas compris la technique…
    Merci de vos réponses !

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    • Lorena Danse

      Bonjour,
      Que préférez vous compter? Les nombres de tours ou le nombre de relevés réalisés avec le rond de jambe?
      Selon ce choix il est possible que votre jugement s’affine. Vous constaterez que le nombre « 32 » n’est qu’un repère musicale.

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