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Ouliana Lopatkina – Fin de carrière pour une légende

La nouvelle est tombée le vendredi 16 juin au matin, sèche, brutale. Une simple annonce factuelle sur le site du Mariinsky. Ouliana Lopatkina met fin à sa carrière de ballerine. Le monde des balletomanes russes – et au-delà – était aussitôt frappé de stupeur. Certes, tout le monde savait qu’à 43 ans, Ouliana Loptakina vivait ses dernières saisons sur la scène du Mariinsky. Déjà, elle avait dû renoncer à danser ces derniers mois en raison d’une blessure. Trop grave sans doute pour pouvoir revenir au niveau qui est le sien et qui fut toujours celui de l’excellence. Mais chacun.e espérait malgré tout encore une ultime saison, un dernier Lac des Cygnes, le ballet qui en soi définit l’art incomparable d’Ouliana Lopatkina. Retour sur la carrière d’une légende de la danse.

Ouliana Lopatkina – La Mort du cygne

Ouliana Loptakina fait partie de ses danseuses rares qui sont une légende de leur vivant même. Si elle n’est pas la plus médiatisée internationalement, elle est de loin la plus adulée en Russie, à Saint-Pétersbourg bien sûr où elle fit toute sa carrière mais aussi dans tout le pays. Phénomène étrange et quelque peu mystérieux car l’Étoile eut une carrière atypique, et en fin de compte un répertoire limité. Elle ne dansa jamais le rôle de Kitri ou celui d’Aurore (préférant jouer la Fée Lilas) et s’aventura très peu du côté des chorégraphes contemporains. Il y eut bien quelque Giselle et Raymonda mais c’est le double rôle d’Odile/Odette qui resta SON ballet, celui dans lequel tout le monde voulait la voir. Dès l’annonce des distributions, les caisses du Mariinsky étaient d’ailleurs prises d’assaut.

Comprendre comment peut-on peut bâtir sa carrière et sa renommée presque exclusivement sur un ballet, c’est déjà percer un peu du mystère Ouliana Lopatkina. Comment réussit-elle à incarner la princesse, le cygne et son double maléfique de manière presque parfaite ? Il y a tout d’abord cette formation à l’école Vaganova et sa discipline de fer qui lui permit de dompter ce corps d’exception si longiligne : 1 mètre 75 et des bras qui n’en finissent pas. C’est ce haut du corps qui a fait d’elle une ballerine unique, capable d’exprimer les moindres nuances avec un port de bras, un épaulement et un travail du dos incomparable que l’on peut voir magistralement à l’œuvre dans Le Lac des Cygnes.

Ouliana Lopatkina

Ouliana Lopatkina n’a jamais recherché la virtuosité gratuite, le show-off que l’on voit parfois trop souvent sur scène. Tous ses gestes sont mesurés, contrôlés, pesés. Trop, diront ses détracteurs. Il est vrai qu’elle n’hésitait pas à demander aux maestros de ralentir le tempo pour avoir le temps d’exprimer chaque détail. On peut d’ailleurs le voir et l’entendre dans la captation du Lac des Cygnes filmé en 2006  et paru en DVD, un enregistrement incontournable. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, Ouliana Lopatkina n’est pas une technicienne née. Ce goût pour la perfection, elle l’a forgé à force de répétitions et d’heures de studios. Ainsi 2007, le Bolchoï l’a inviteéà danser Carmen Suite qu’Alberto Alonso avait créé pour Maïa Plissetskaïa : elle a répété le rôle durant deux mois pour une unique représentation !

Et puis Ouliana Lopatkina a mené sa carrière à contrecourant des modes. Elle n’accepta les invitations qu’avec parcimonie et refusa de céder aux trompettes de la renommée. Elle ne concevait pas d’exprimer son art ailleurs qu’au Mariinsky. Elle est en soi l’incarnation vivante de la ballerine russe, gardienne du temple à l’heure où le ballet s’internationalise et où les stars naviguent d’une compagnie à l’autre.

Quelques souvenirs personnels me reviennent à l’annonce de ses adieux à la scène. Et tout d’abord la première fois : c’était sur la scène historique du Mariinsky à l’été 2004 pour le centenaire de la naissance de George Balanchine. Ouliana Lopatkina y dansait Diamants, la dernière partie de Joyaux, celle qui précisément célèbre l’art du ballet académique russe, avec pour partenaire José Martinez. Quel choc ! Jamais je n’avais vu ce ballet interprété avec une telle infinité de nuances et de petits détails. Dans une osmose parfaite entre la partition de Tchaïkovski et le mouvement. Ouliana Lopatkina ne suivait pas la musique, elle l’incarne avec son corps dans une maitrise parfaite. Trop froide ! rétorqueront encore une fois les mauvais coucheurs qui faisaient le même reproche à Sylvie Guillem, avec qui Ouliana Lopatkina partageait cette obsession dans la recherche de la perfection. Mais c’est évidemment Le Lac des Cygnes qui restera pour toujours le ballet d’Ouliana Lopatkina, celui dans lequel elle a investi tout son art. Son physique longiligne et ses bras interminables en faisaient l’interprète parfaite. Elle n’en n’avait jamais fini avec Le Lac et chaque représentation était comme un nouveau défi à relever. Je renonce à compter combien de fois j’ai eu le privilège de voir l’Étoile danser Le Lac des Cygnes mais c’est une expérience dont on ne peut pas se lasser. C’était chaque fois comme un voyage initiatique où elle nous conduisait vers des émotions uniques et en quittant la salle, chacun.e savait qu’il.elle avait vécu un moment artistique d’exception.

 

Il reste évidemment quelques rares enregistrements qui témoignent de son art. Il y aura très probablement une longue série d’hommages car c’est la tradition en Russie où l’on sait célébrer les artistes. Même si l’on rêve bien sûr qu’Ouliana Lopatkina offre une dernière danse avant d’entrer définitivement dans la légende.

 

Commentaires (3)

  • alvaro

    J’aimais beaucoup à lire ton post et je suis absolument d’accord en tout.
    Lopatkina pour moi est synonyme d’Odette. Elle est qui représente mieux Odette. Odile aussi je l’aime vraiment, mais je préfère Lopatkina en Odette, et je pense, après avoir vu des dizaines de Odettes dans le monde entier, qu’elle est le numéro un pour moi.
    Svetlana est pour moi aussi une référence biensur, mais en Odette,certainement Lopatkina a quelque chose d’unique qui la rend vraiment unique dans Odette en effet.mais quand je dis unique, je vais dire unique, ça veut dire, que il n’y a d’autre danseuse qui je trouve plus idéale comme Odette. au moins, jusqu’aujourd’hui….qui sait demain 🙂 car biensur il y a de belles danseuses qui sont des divines odettes, biensur, mais….Lopatkina est vraiment unique.
    J’ai eu la chance de la voir en Balanchine ( triple bill ) en 2011 dans au Mariinsky à Saint-Pétersbourg, donc j’eu beaucoup de chance¡¡¡
    Fait intéressant, ce fut un cadeau du destin¡¡¡ Eh bien, mon intention était d’aller à Paris pour la voir en Odette Odile, en Décembre 2010 avec le ballet de l’opéra et faire mon séjour a Paris, comme toujours ( ça a été la série de représentations qui ont été plusieurs danseuses blesséss et Emilie Cozette a dansé la moitié des représentations) comme Heloise Bourdon a fati en 2015, deux danseuses que j’admire beaucoup ), mais je n’ai pas pu la voir, à Lopatkina , et le sort fait que je suis à Saint-Pétersbourg en Juillet 2011, et vu qu’elle était merveilleuse, par ailleurs, dans Balanchine est divine aussi. elle est en fait divine dans tout ce qu’elle danse, je pense que l’adjectif qui convient le mieux pour elle c’est divine.

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  • Liliana Couto

    Ulyana Lopatkina a dansé les Tangos + de Mauricio Wainrot aussi bien avec le Latvian Ballet comme avec le Mariinsky. C’est du contemporaine plus proche du néo-classique, mais ce n’est pas du repertoire.

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  • Pepe alain

    Bonjour moi j’ai vue le lac des signes avec lopatkina a gap(hautes. alpes). Les émotions m’on emporté dans un autre monde .je n’y comprend pas grand chose a la danse mais voir danser lopatkina dans le lac des signes c’est un moment ou plus rien n’existe et la grâce de cette danseuse exceptionnelle est inoubliable.le mouvement des bras sont irréel j’en est encore les larmes aux yeux en écrivant ce message.comment peut on arrivé a un tel niveau de perfection ?c’est plus que de la danse. Merci de m’avoir donné ce bonheur madame lopatkina.

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