La Flûte enchantée de Maurice Béjart – Béjart Ballet Lausanne
La Flûte enchantée de Maurice Béjart par le Béjart Ballet Lausanne est à voir du 7 au 11 février au Palais des Congrès de Paris.
Après La IX Symphonie ou Le Presbytère, Gil Roman (le directeur du Béjart Ballet Lausanne) continue de remonter les grandes oeuvres de son maître Maurice Béjart. Créé en 2004, La Flûte enchantée est l’une des dernières oeuvres du chorégraphe, décédé en 2007, et reprise par le Béjart Ballet à Lausanne cette saison. Le ballet suit à la trace la partition de l’opéra de Mozart, n’ayant d’autre ambition que de retranscrire les émotions de la partition. Et comme l’opéra, le ballet se teinte de multiples sens : conte fantastique au premier degré, rite philosophique et initiatique en allant un peu plus loin, sans oublier les allusions (assez lourdement appuyées du côté de Maurice Béjart, les photos parlent d’elles-mêmes) à la franc-maçonnerie. Au final, La Flûte enchantée est portée facilement par la merveilleuse partition, même si le deuxième acte souffre de redites et d’un manque d’un souffle collectif dans la chorégraphie.
Pour Maurice Béjart, La Flûte enchantée est « une féerie qui nous emporte dans la poésie pure de l’enfance ou du génie, ensuite, et surtout, un rituel précis, rigoureux, inspiré« . Ce sont bien ces deux aspects qui sont visibles dès les premières scènes, faisant de ce ballet un spectacle populaire pouvant plaire à un large public selon sa grille de lecture, une idée chère à Maurice Béjart. L’introduction, sombre et terrienne, montre le chemin initiatique (agrémenté de symboles bien présents) que sera ce spectacle, tandis que Papageno apporte la touche de féérie et de contes. Le chorégraphe n’a pas cherché à aller plus loin que l’opéra : le chef-d’oeuvre de Mozart est assez puissant comme cela. La musique fut sa source d’inspiration, ne cherchant autre chose que de mettre en mouvement la partition et les voix.
Principe un peu facile ? Pas vraiment, car le piège de l’illustratif n’est forcément jamais bien loin. Piège que Maurice Béjart a su évoquer dans le premier acte pour un résultat aussi séduisant que porteur. Hymne à la fraternité, à l’amour, à l’éducation aussi, La Flûte enchantée porte en effet autant de thèmes fondamentaux pour le chorégraphe, dont le style se fond naturellement dans cet opéra aux mélanges des genres. Maurice Béjart a su dessiner les personnages avec humour et délicatesse, portés comme toujours par des interprètes puissant.e.s en scène. S’y mêlent des scènes d’ensemble dont le chorégraphe avait le secret, aux ficelles parfois un peu grosses mais qui savent emporter le public par leur force onirique. Les dialogues y sont dit en français pour une bonne compréhension de l’histoire, le tout mené par le récitatif (Mattia Galiotto). On se laisse ainsi toucher par la candeur et le courage de Tamino (Gabriel Arenas Ruiz), la grâce de Pamina (Kateryna Shalkina) l’humour de Papageno (Masayoshi Onuki), la fureur de Sarastro (Julien Favreau) ou l’outrageuse Reine de la Nuit, rôle taillé sur mesure pour Elisabet Ros. Voilà un ballet narratif efficace qui sait nous emporter dans son monde féérique.
Le deuxième acte reste cependant, malheureusement, moins inspiré. Un peu comme si le chorégraphe avait manqué de temps et avait fini à la va-vite sa chorégraphie, ou que la grandeur de l’opéra avait essoufflé sa créativité. Pas de deux et solos s’enchaînent avec un étonnement moindre. La danse est toujours belle et efficace, Maurice Béjart y déroule son savoir-faire, mais sans beaucoup de surprise. Il y manque une sorte de grandeur, un mouvement d’ensemble qui emporte. Le défaut de l’illustratif si bien évité au premier acte est plus que présent. Et souvent dans ces cas-là, quand la danse souffre un peu, la musique si forte de Mozart prend le dessus. C’est d’ailleurs la partition qui sauve l’oeuvre, car rien qui ne se déroule sur cette merveilleuse Flûte enchantée ne saurait être profondément ennuyeux. Au public alors de battre la mesure et de chantonner son air préféré (Le duo Papageno-Papagena grand vainqueur à ce petit jeu). Le final, porteur de fait, redonne souffle cependant à cette deuxième partie qui en a souvent manqué. Dommage finalement, car La Flûte enchantée permet de découvrir Maurice Béjart dans un ballet vraiment narratif, genre peu présent dans son répertoire.
La Flûte enchantée de Maurice Béjart par le Béjart Ballet Lausanne au Théâtre de Beaulieu. Avec Mattia Galiotto (Der Sprecher), Gabriel Arenas Ruiz (Tamino), Kateryna Shalkina (Pamina), Julien Favreau (Sarastro), Elisabet Ros (La Reine de la Nuit), Masayoshi Onuki (Papageno), Jasmine Cammarota (Papagena) et Michelangelo Chelucci (Monostatos). Mercredi 14 juin 2017.