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Soirée Danseur-se-s/Chorégraphes : épisode unique

Mercredi 19 janvier 19h30. Les gens se battent devant la billetterie de Bastille pour avoir les dernières miettes de place pour Madame Butterfly. Et puis, derrière la cohue, il y a une autre file, sept personnes, qui attendent pour un spectacle pas du tout médiatisée : la soirée Danseur-se-s/Chorégraphes qui a lieu à l’amphithéâtre. 

19h40, la salle est archi-bondée. Coup de chance, alors que je cherche où me mettre, un monsieur du premier rang de face pousse son manteau, et libère ainsi une place. Me voici donc on ne peut mieux placée pour découvrir les chorégraphies – beaucoup de créations, et quelques « premières fois » – des danseurs et danseuses du Ballet de l’Opéra de Paris. Globalement, la soirée fut bonne, très intéressante, avec plusieurs bonnes surprises. Chaque ballet témoignait en tout cas d’une véritable sincérité dans le travail, et d’une volonté de créer un univers. Evidemment, les chorégraphes les plus aguerri-e-s s’en sont globalement les mieux sorti-e-s.  

J’écris ce compte-rendu comme un spectacle normal, avec ce qui m’a plu et m’a ennuyé. Mais je me rends bien compte de la difficulté de ce travail, et du certain courage qu’il faut pour se lancer dans l’aventure. Mes mots, qui pourront sembler parfois durs, sont à prendre avec recul.

El Fuego de la Pasión, d’Allister Madin (avec Allister Madin et Caroline Bance)

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Une femme dans un bar, un homme, un duo amoureux le temps d’une soirée… « Le propos a l’air assez classique », disais-je dans ma présentation du programme la semaine dernière. Et bien c’est totalement ça. Si l’idée est banale, Allister Madin a voulu se démarquer avec un langage mêlant classique, tango et flamenco. L’idée est bonne, mais le résultat manque encore de saveur, bien qu’il y a eu pas mal de bonnes idées dans le second pas de deux. C’est cruel à dire, mais je trouve que le résultat aurait été plus pêchu avec une autre interprète féminine. Si Allister Madin est totalement à l’aise dans ce style, mucho caliente à souhait, sa partenaire n’a rien de la sensualité latine. Ce n’est ni un problème de technique, d’interprétation ou d’envie, elle n’en a tout simplement pas le style.


Melancholia Splenica, de Florent Melac (Charlotte Ranson, Silvia-Cristel Saint-Martin, Julien Meyzindi et Maxime Thomas)

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L’un des coups de cœur de la soirée ! Florent Melac a prévenu dès le programme : ce n’est pas une histoire ou un ballet très abouti, c’est juste une étude sur le mouvement. Un choix très intelligent pour un jeune chorégraphe de 17 ans qui forcément se cherche encore.

Au début, tout cela ressemble beaucoup au Genius de McGregor : même musique techo/space, mêmes costumes combi-short. Mais le fond n’est pas le même, avec une danse plus fluide et moins dans la performance. Solo, duo, quatuor… Florent Melac s’amuse avec les formes chorégraphies. Et le résultat est passionnant, plein de maturité (17 ans quoi !), et véritablement prometteur. Le jeune danseur semble avoir un don de créateur, et déjà une vraie cohérence dans son propos. Il a en plus réuni un très bon casting. Charlotte Ranson et Julien Meyzindi sont, sans surprise, très à l’aise dans ce langage. Maxime Thomas, jeune danseur, s’en sort également très bien, tandis que Silvia-Cristel Saint-Martin plus habituée au classique, fait des merveilles dans ce style avec ses longues jambes affûtées.

Le pressentiment du vide, de Lydie Vareilhes (Letizia Galloni)

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Un des ballets que j’ai le moins apprécié. Lydie Vareilhes avait une véritable histoire, et un propos qui tenait le coup. Mais le résultat manque de cohérence. Letizia Galloni, une danseuse que j’aime beaucoup par ailleurs, ne semblait pas encore très à l’aise avec le contemporain, le ballet aurait peut-être gagné en intensité avec une danseuse possédant plus d’expérience dans ce style. Mais il s’agissait d’une première chorégraphie pour  Lydie Vareilhes, alors bravo à elle pour le courage.

Bless – ainsi soit Il, de Bruno Bouché (Aurélien Houette et Erwan Le Roux)

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L’un des ballets que j’ai le plus apprécié. Mais aussi l’un des plus construits et des plus aboutis. Rien d’anormal puisque Bruno Bouché est non seulement expérimenté, mais il ne s’agissait pas ici d’une création.

Jacob a une nuit pour se battre contre Dieu. Malgré les difficultés, il résiste. Pour le récompenser, Dieu le béni et le surnomme Israël. C’est à ce combat que nous assistons, Erwan Le Roux tout en noir est Jacob, Aurélien Houette est Dieu en pantalon blanc. Un duo magnifique, magnétiques, riche et complexe. Jacob résiste, perd espoir, et reprend courage jusqu’à la fin de la nuit. Le tout a l’air en plus très physique, avec de nombreux portés et une intensité qui ne baisse jamais durant 15 minutes. Aurélien Houette est incroyable. Serein, charismatique, il porte véritablement l’œuvre. Un véritable artiste que l’on apprécie voir en solo.


Fugitif, de Sébastien Bertaud (Laurène Levy, Sébastien Bertaud, Axel Ibot et Daniel Stokes)

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Amis du Genius de McGregor, re-bonjour ! Le chorégraphe semble décidément inspirer la jeune génération. Musique étrange et costumes short, là aussi, la forme est la même. Mais le fond s’en rapproche beaucoup aussi, avec des postures similaires, des gestes secs et des prouesses physiques. Le ballet a l’air construit, et assez intellectualisé, mais je ne suis pas du tout rentrée dedans. Le début avec les trois garçons m’a ennuyée, Laurène m’a un peu sorti de ma torpeur en deuxième partie. Je suis restée sur le palier (mais beaucoup ont bien apprécié).

Nocturne, de Nans Pierson (Juliette Hilaire et Alexandre Gasse)

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Les deux danseur-se-s et le pianiste arrivent sur scène, un masque un gaz sur le visage. Bienvenue dans le monde de l’étrange ! J’ai du mal à adhérer au début, je trouve ces masques totalement inesthétiques, et surtout je n’en vois pas l’intérêt. Jusqu’à ce que le couple les enlève. Ils prennent une forte inspiration, s’embrassent enfin, se touchent, avant de le remettre bien vite pour survivre. Ambiance fin du monde, où le danseur préfèrera mourir plutôt que de vivre par masques interposés avec son amour.

Si le langage chorégraphique de ce pas de deux n’est pas vraiment novateur, j’ai été interpellé par ce ballet. Y a de l’idée comme on dit, un véritable univers, une très bonne utilisation de la musique (bravo au pianiste au passage), et aucune crainte de choquer le public par des éléments surprenant. Vraiment intéressant.


Près de toi, de Myriam Kamionka (Marine Ganio et Mathieu Ganio)

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Je n’ai rien compris à ce que voulait dire ce ballet. Mais en fait, on s’en fiche tant la danse était belle. Mathieu Ganio, on le sait, a le sens du geste magnifique, mais ça fait du bien de se le rappeler tant on le voit peut sur scène. Marine Ganio aussi a ce don là, cette musicalité, et l’on se dit que l’on aimerait bien la voir plus souvent en soliste. Les deux sont complices, heureux de danser ensemble et à égalité (ce qui n’a jamais dû leur arriver). C’est juste beau. Ce ballet a été composé pour eux, et n’aurait sûrement pas la même valeur avec différents interprètes. Mais ce qui compte, c’est ce que ressent le public à l’instant présent, et pas d’imaginer ce que ça donnerait avec d’autres. 

Me2, de Samuel Murez (Takeru Coste et Samuel Murez)

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Autre gros coup de cœur de la soirée ! Samuel Murez a à la fois un langage chorégraphique bien à lui et un sens inné de l’humour. Ils sont deux, deux clowns, mimant et se balançant sur un poème tout aussi drôle de Raymond Federman. C’est diablement efficace, vraiment drôle, novateur dans le style (un peu hip hop, un peu jazz, un peu contemporain), surprenant et plein de poésie. Un grand bravo également au second interprète Takeru Coste. Je l’avais déjà remarqué lors du dernier concours interne de promotion, mais ce danseur a de véritables affinités avec le contemporain, et un don pour l’humour indéniable.  

Narkissos, de Mallory Gaudion (Mallory Gaudion)

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Ou l’histoire du combat d’un homme contre l’alcool. Peut-être la pièce la plus difficilement abordable, mais pas la moins intéressante. Mallory Gaudion s’est chorégraphié ce solo, il y a mis beaucoup de lui-même. C’était courageux de sa part de se lancer dans ce défi. J’avoue avoir souvent décroché, mais aussi avoir été souvent captivé. Une véritable proposition artistique en tout cas, à suivre.

Ça tourne à l’amphi, de Béatrice Martel (Isabelle Ciaravola, Amandine Albisson, Marion Barbeau, Aubane Philbert, Pauline Verdusen, Jennifer Viscocchi, Lionel Delanoë, Mathieu Botto, Yann Chailloux, Jean-Baptiste Chavignier et Alexandre Gasse).

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Quelle bonne idée de terminer cette soirée avec cette bulle de champagne ! Lionel Delanoë est un réalisateur de clips sur des chansons de Carla Bruni, pris entre sa star, les décors qui n’arrivent pas et les aléas du métier. Il est tout simplement savoureux, autant que ses dialogues (qui les écrit d’ailleurs ?).

Premier clip, Le toi du moi, Marion Barbeau qui se roule dans l’herbe avec son amoureux. Deuxième clip, Le plus beau du quartier, avec un Alexandre Gasse totalement irrésistible, et les trois pin-up Aubane Philbert, Pauline Verdusen et Jennifer Viscocchi totalement sous le charme, tout comme nous. Troisième clip, L’excessive, trois guitaristes et la rockeuse Amandine Albisson véritable star en puissance avec ses bottines à paillettes violettes. Dernier clip, La dernière minute, et la star des stars Isabelle Ciaravola… Le style chorégraphie n’est pas vraiment original, mais il faudrait être vraiment réfractaire, ou de bien mauvaise humeur, pour résister à ce ballet rempli de poésie, de fantaisie et d’humour.

Et vous, quel ballet avez-vous préféré ? 

© Photo : Gala Reverdy / Opéra national de Paris

Commentaires (7)

  • Alka

    Pour moi, c’était clairement la pièce de Florent Melac – Melancholia Splenica, en 2° position. J’ai trouvé cela incroyable. Quel plaisir à les regarder !

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  • Déborah

    Je n’ai pas pu venir à une de ces soirées, mais je suis contente de voir que Florent Melac s’en sort très bien! J’avais bien aimé sa 1ère pièce (A Corps, Essence à voir ici: youtube.com/watch?v=Y6YU3fQI3lU&feature=feedlik )

    Bon chorégraphe, superbe danseur… 😉

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  • c’est fou, ormis pour la pièce de Bertaud j’ai eu quasiment les mêmes impressions! 🙂

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  • @ Tout le monde : Globalement, les différents comptes-rendus que j’ai lu sont tous d’accord, en mettant en avant Murez, Bouché et Melac. J’ai vraiment hâte de voir comment ce dernier va avancer dans la chorégraphie.

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  • elendae

    Pour ma part j’y étais le 19 aussi (mais c’était un mercredi, non ?) et je me disais justement que la jeune fille qui était assise au milieu au premier rang vous ressemblait beaucoup !
    J’aurais bien aimé en ce qui me concerne être juste derrière tout le gratin de la direction de la danse pour savoir comment ils réagissaient aux différentes performances (Brigitte Lefèvre
    et le chef de l’administration que j’ai reconnu grâce au film « la danse » mais il fait plus vieux
    en vrai, Elisabeth Platel et d’autres que je ne connais pas. J’ai aussi reconnu le directeur de la dramaturgie )… C’est vrai que c’était une soirée très agréable, surtout pour le plaisir de voir danser de près des interprètes rarement mis en avant !
    Grosso modo j’ai le même avis sur ces petits morceaux
    chorégraphiques, je n’ai pas du tout accroché à la création d’A.Madin mais en partie de façon très très subjective parce que je n’ai pas été séduite non plus par leur style. (Je trouve par contre que les Ganio sont vraiment magnifiques tous les deux!)
    J’adore Genus donc j’ai bien apprécié les deux propositions de la soirée dans cette veine, bonus pour les jeux d’éclairage dans celle de S.Bertaud (c’est lui qui les a conçus en plus je crois).
    Comme tout le monde j’ai adoré Me2. Par contre je n’ai pas apprécié ça tourne à l’amphi, certes c’est frais, acidulé, assez drôle et très second degré mais je l’ai trouvé très mal dansé, les pin-up en particulier n’étaient pas ensemble du tout et la profane que je suis a relevé de nombreuses erreurs, hésitations…ça faisait très amateur-bricolo mais peu importe, le public sera conquit d’avance, il y a Isabelle ! et c’est vrai qu’elle en jette. Je l’ai vue arriver avant le spectacle, je ne l’avais pas reconnue, elle discutait avec des personnes assises au premier rang,
    on aurait dit une merveilleuse geisha à l’occidentale.

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  • @elendae :Oui, c’était bien un mercredi, je suis tête-en-l’air en ce moment, l’erreur a été rectifié. Pour la pièce de Martel, elle a remporté une franche adhésion au moment des applaudissements, mais les avis sont finalement un peu plus mitigés. Et la prochaine fois, il faudra venir me voir 😉

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  • ali500

    :-)(-: :-)(-: :-)(-: :-)(-: :-)(-: :-)(-: trop belle les chorégraphie

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