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Soirée Richard Alston et première mondiale d’An Italian in Madrid au Sadler’s Wells

Inconnu en France, le chorégraphe Richard Alston a sa notoriété dans les pays anglo-saxons. Né en Angleterre en 1948, il se forme à la danse contemporaine, notamment auprès de Merce Cunningham. Mais contrairement au chorégraphe américain, Richard Alston se sert fortement de la musique pour créer ses ballets. En 2016, la Richard Alston Dance Company, compagnie que Richard Alston a fondéefête ses vingt-et-un ans d’existence, après une ascension inexorable au Royaume-Uni et ailleurs. Pour fêter cela en bonne et due forme sur la scène du Sadler’s Wells, elle propose à son public un programme mixte en quatre temps et deux respirations : celle du maître, Richard Alston lui-même, et du disciple, Martin Lawrance. En deux petites heures, la soirée invite à voyager à travers les âges de l’art musical, de Chopin à Scarlatti en passant par une création musicale contemporaine. Et le point d’exclamation final ? La première mondiale d’An Italian in Madrid de Richard Alstonqui clôt les festivités en toute simplicité.

Brisk Walking

Brisk Singing – Richard Alston Dance Company

D’abord, une explosion de joie. Brisk Singing, une pièce créée à Brighton en 1997, n’a vocation qu’à illustrer la musique solaire de Rameau, Les Boréades, inspirée par des créatures sylvestres mythiques vivant d’amour et d’eau fraîche. Un petit groupe mixte de jeunes danseurs et danseuses se rencontrent au son des chœurs, dansent tous ensemble ou en duo, et semblent improviser des mouvements de félicité intense aux accents subtilement baroques. Les pieds impatients tapent le sol en cadence avant que le corps ne puisse enfin s’élancer encore et encore vers un ciel sans nuage. Très vite, les qualités musicales de la chorégraphie de Richard Alston s’imposent avec une belle fluidité et une certaine modestie. La danse semble retrouver sa fonction première, originelle : permettre d’exprimer par son corps le bonheur de la vie quand le cœur est joyeux, en esquissant quelques pas de danse ensemble.

La vie étant faite de contrastes, à l’urgence d’être heureux succède l’inévitable mélancolie qui prend ce soir-là les traits de l’exil vécu par Chopin à Paris dans Mazur. Richard Alston a choisi les Mazurkas, ode à la Pologne du compositeur, et un couple masculin de deux danseurs qui conte à la fois la nostalgie du pays perdu et la camaraderie dans un équilibre ténu. Cette pièce donne dans le périlleux exercice de l’élégie, à l’ADN slave et racé, qui s’exprime dans des mouvements des bras et de la tête rappelant les danses traditionnelles de l’Est. La narration est plutôt joueuse, ponctuée de brefs saluts fiers de la tête à destination de l’auditoire, dans une sorte de clin d’œil.

Mazur

Mazur – Richard Alston Dance Company

Stronghold de Martin Lawrence, qui se veut une ouverture vers la modernité, forme une dissonance un peu incongrue dans ce programme où se ressent très fortement l’extraordinaire histoire d’amour entre Richard Alston, la grâce et la musique. La musique de Julia Wolfe forme un bourdonnement quasi-continu produit par plusieurs basses. Le mouvement d’une petite dizaine de danseurs aux vêtement couleur terre, kaki ou taupe, qui courent sans cesse en cercle à est lui aussi saccadé et rapide. L’ambiance est menaçante, voire martiale, donc raccord avec le titre – Stronghold signifiant forteresse, ou bastion. Qu’y lire, quelle interprétation donner ? Certainement celle, allégorique, d’une histoire de survie, de résistance sous des auspices bien peu favorables. En tout cas, après Rameau et Chopin, mon nerf auditif est traumatisé. Difficile donc d’apprécier cette pièce pour ce qu’elle est quand le moment est aussi mal choisi.

Une fois n’est pas coutume, Richard Alston, s’essaie ensuite au ballet narratif avec la première d’An Italian in Madrid, sur une musique de Scarlatti. Mais qui peut bien être cet Italien du titre ? Nul autre que Scarlatti lui-même, qui partit au Portugal pour enseigner la musique à la jeune et talentueuse Princesse Anna Barbara (interprétée par la non moins talentueuse Vidhya Patel, invitée à danser le rôle). Fiancée à un Prince espagnol (Liam Riddick), cette dernière quitte donc Lisbonne pour Madrid mais demande à être accompagnée par son maître de musique (Ihsaan De Banya). Scarlatti y composera la majorité de ses sonates. Voici l’argument simple qui a inspiré Alston en deux courtes scènes, dont la rencontre des jeunes fiancés où un vrai melting-pot chorégraphique étonnant est déployé. Mêlant la danse indienne khattak aux influences baroques, la danse de Vidya Patel est charismatique, riche, autoritaire – une vraie reine. Un beau moment à l’image d’une belle soirée inspirée.

An Italian in Madrid

An Italian in Madrid – Richard Alston Dance Company

 

La Richard Alston Dance Company au Sadler’s Wells de Londres. An Italian in Madrid de Richard Alston ; Brisk Singing de Richard Alston, avec Nancy Nerantzi, Nicholas Bodych, Jennifer Hayes, Liam Riddick, Elly Braund, James Muller, Oihana Vesga Bujan, et Ihsaan De Banya ; Mazur de Richard Alston, avec Nicholas Bodych et Liam Riddick ; Stronghold de Martin Lawrance, avec Elly Braund, Oihana Vesga Bujan, Jennifer Hayes, Sharia Johnson, Nancy Nerantzi, Nicholas Bodych, Ihsaan De Banya, Ryan Ledger, James Muller et Liam Riddick ; An Italian in Madrid de Richard Alston, avec Ihsaan De Banya (Domenico Scarlatti), Vidya Patel (Princesse Maria Barbara) et Liam Riddick (Prince Fernando des Asturies). Mardi 29 mars 2016.

 

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