[Chronique] La Sylphide, Mathias Heymann/Mélanie Hurel et Amandine Albisson/Florian Magnenet
La Sylphide de Pierre Lacotte est décidément un ballet qui doit se laisser le temps de s’apprécier. Oui, le style romantique si appuyé et le côté exercice d’école de cette version sont quelque peu déstabilisants au début. Mais une fois que l’on s’est fait à ces bustes si délicatement penchés, au plaisir de la danse pour la danse, ce ballet est un véritable régal. Surtout dansé par une compagnie inspirée et – enfin – extrêmement bien coachée. La vague brouillone de Don Quichotte peut être oubliée, la troupe parisienne sait encore séduire son public.
La représentation du 11 juillet voyait un adorable couple sur scène, Mathias Heymann (James) et Mélanie Hurel (la Sylphide). Il y a des danseurs dont on voit la fatigue au fur et à mesure des représentations. Mathias Heymann, c’est l’inverse. Plus les soirées passent, plus ses sauts sont légers et moelleux, plus son jeu est juste et complexe, plus son attention envers sa partenaire est constante.
Quant à la Sylphide, on ne va pas jouer la comparaison avec la danse absolue d’Evgenia Obratzova, ça ne servirait pas à grand-chose. Mélanie Hurel offre un très joli personnage, avec un beau sens du style et une musicalité appréciée. Le choix d’interprétation de son premier acte m’a par contre laissée perplexe. Plus qu’une Sylphide, la danseuse laissait voir une Giselle, portant tout un drame sur ses épaules, dont on ne saisissait pas très bien le sens. Mais dans la forêt mystérieuse du deuxième acte, comme au contact de son milieu naturel, la Sylphide redevient fille de l’air, nymphe des bois aussi mutine que surprenante. Ce deuxième acte fut tout simplement un régal, de la danse de Mélanie Hurel aux entrechats de Mathias Heymann, en passant par un corps de ballet superbe d’esprit et d’ensemble. Un des plus beaux souvenirs de la saison.
Ce corps de ballet était toujours aussi en forme quelques jours plus tard, le 15 juillet, pour la dernière représentation de la saison. Aussi bien chez les sylphides que chez les Écossais et Écossaises d’ailleurs. Amandine Albisson – Sujet – y dansait le rôle principal. Très attendue, elle a tout simplement été merveilleuse, de style, de grâce et d’espièglerie. Premier « Premier rôle » pour elle, et l’on y voyait déjà une construction dramatique ou un intéressant travail de bras. Pas de drame dans ses gestes comme chez Mélanie Hurel, pas de mi-ange mi-démon comme Evgenia Obratzova. Amandine Albisson est une nymphe de l’air, dont la pureté la tient à l’abri de tout sentiment humain. Elle ne sait pas ce que sont l’amour et la séduction. Elle est interpellée par James, cet homme dont elle ne fait qu’entrevoir le monde, et qu’elle aimerait connaître un peu mieux. Lors du premier acte, elle joue vraiment, sans arrière-pensée. Un peu naïve cette Sylphide ? Je dirais plutôt pure, ce petit côté qui donne justement toute la magie à un personnage, et fait entrer l’histoire dans le Merveilleux des contes de fées.
Dommage que ses partenaires du jour n’aient pas vraiment été à la hauteur. Florian Magnenet se sort très honorablement des pièges techniques de James. Mais son personnage est désespérant de fadeur, sans aspérité. Il n’y a ni stupeur, ni colère, ni enchantement vis-à-vis de la Sylphide, tout juste un peu de surprise. Valentine Colasante joue une Effie tout aussi sûre, et tout aussi terriblement scolaire. Difficile ainsi de voir dans ce couple un véritable sentiment amoureux. Difficile non plus de voir un minimum de tension dans le pas de trois, pourtant le point culminant de ce premier acte. Difficile enfin de deviner, dans ce trio, qui était Premier-ère Danseur-se ou Sujet. La certaine aberration des Concours de promotion a été brillante ce soir-là.
La magie du deuxième acte fait heureusement tout oublier. Amandine Albisson régale, très juste et musicale, tout à fait charmante. Le corps de ballet s’applique une dernière fois avant les vacances, portés par trois Sylphide magistrales (Laura Hecquet, Marie-Solène Boulet et Laurène Levy – qui avait en plus assuré avec brio le pas de deux des Écossais au premier acte). Et puis bien sûr la Sorcière, à la fois désopilante et inquiétante, jouée avec maestro par Stéphane Phavorin. Ce soir, c’était la Dernière de ce danseur, qui a fait ses adieux à la scène. Applaudissements chaleureux, un bouquet qui vole des deuxièmes loges, un salut à lui tout seul… Ces dernières années, Stéphane Phavorin avait beaucoup dansé ces rôles de caractère comme on les appelle : la Sorcière de La Sylphide, la Marâtre de Cendrillon ou une inoubliable Mère Simone dans La Fille mal gardée. Merci à ce danseur pour ces si jolis – et drôles – moments. Il manquera au public.
La Sylphide de Pierre Lacotte, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Mélanie Hurel (la Sylphide), Mathias Heymann (James), Muriel Zusperreguy (Effie), Stéphane Phavorin (la Sorcière), Alexandre Gasse (Gurn), Laurène Levy et Fabien Révillion (les Écossais), jeudi 11 juillet 2013. Avec Amandine Albisson (la Sylphide), Florian Magnenet (James), Valentine Colasante (Effie), Stéphane Phavorin (la Sorcière), Mickaël Lafon (Gurn), Laurène Levy et Marc Moreau (les Écossais), lundi 15 juillet.
Anne
« Magistrales » est le mot juste pour décrire Laura Hecquet, Marie-Solène Boulet et Laurène Levy dans les rôles des 3 sylphides 🙂
Joël
> Applaudissements chaleureux, un bouquet qui vole des deuxièmes loges, un salut à lui tout seul…
Il a peut-être été lancé énergiquement, mais le début de la trajectoire du bouquet était situé dans une première loge (celle de l’Impératrice).
Miam23
Comment était Muriel Zusperreguy en Effie ?
C’est vrai que c’est étrange que le sujet (Amandine Albisson) danse le rôle principal et la première danseuse (Valentine Colasante) danse Effie… On se demande toujours pourquoi elle a été promue première danseuse…
Olenna
J’ai beaucoup aimé Hurel/Heymann, même si je devais voir Aurélie Dupont au départ.
Joelle
J’ai raté la fin des représentations de la Sylphide pour cause d’agenda beaucoup trop chargé… Quel dommage, mais celà restera un beau souvenir, enfin surtout avec M. Heymann et M. Ganio (la générale) dans le rôle de James !!! et le dernier souvenir de M. Froustey sur scène à Garnier (pour un an… au moins…)
licorne
Oh là, là, pas très Effi-CACE et le James pas du tout BOND ? désolée j’avais envie de le faire … et c’est moins méchant que d’être tombée sur cette distrib de FIN . Heureusement il y avait PHAVORIN dont on peut écrire le nom en ENORME sans avoir un sentiment de malaise.
alena
Tout à fait d’accord pour Albisson et pour les deux autres aussi… je me suis dit la même chose que vous : qui est premier danseur, qui est sujet? Je garde des images assez éblouies de la figure d’Albisson… comme un parfum qui résiste sans qu’on en prenne conscience vraiment…
Les deux autres ont fait leur travail…