Festival (des)illusions – Le cirque dans tous ses états
Danses avec la plume vous a beaucoup parlé ces dernières semaines du Festival (des)illusions, organisé au Théâtre Le Monfort. Il y a eu des noms connus de la danse contemporaine, comme Olivier Dubois ou Kaori Ito. Le festival proposait aussi une belle programmation de cirque, entre jeunes talents et chorégraphes incontournables. Petit tour d’horizon, de belles découvertes et quelques déceptions.
Questcequetudeviens d’Aurélien Bory – Le flamenco revisité
Danse ? Cirque ? Théâtre ? Catégoriser le travail d’Aurélien Bory est toujours compliqué. Point commun toutefois entre ses pièces : c’est toujours formidable. Questcequetudeviens fait partie des portraits dansés du chorégraphe. Lui-même n’est pas sur le plateau, mais il met en scène un.e artiste, son monde, la façon dont il perçoit cet autre univers. Questcequetudeviens tourne autour de Stéphanie Fuster, danseuse de flamenco. La danseuse y est montrée dans toute sa modernité et sa drôlerie, danseuse passionnée aux frappes furieuses, tout en étant les deux pieds dans le XXIe siècle. Aurélien Bory apporte son jeu avec les dimensions, sa facilité à créer des illusions visuelles et des images fortes. La tenue traditionnelle rouge de Stéphanie Fuster se transforme en buste de femme, un corps à part entière pour un étrange duo. Le long final, où la danseuse explose et danse dans l’eau, éclaboussant toute la scène de toute son envie, laisse gonflé.e d’énergie.
Somnium – L’art du cerceau
Avec Somnium, Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman sont dans la simplicité. Et à l’image du cirque contemporain, ils se servent d’une technique traditionnelle pour créer quelque chose de totalement actuel. La scène est nue, sans décor. Sur scène, il n’y a qu’eux deux et un cerceau. Commence alors un trio (les deux artistes plus le cerceau) fascinant. Les deux acrobates ont une totale maîtrise technique de leur accessoire, tournoie avec comme s’il s’agissait d’un exosquelette. Ils se l’échangent, se le disputent. Ils se jaugent, se battent, se réconcilient et fraternisent autour de ce cerceau toujours en mouvement. Le spectacle ne dure que 30 minutes, mais il est percutant, sans temps mort et réellement innovant.
Tu, Barons perchés et Artpiste – Un étrange univers, mais…
La durée ne fait pas de toute façon la valeur d’un spectacle, et mieux vaut faire court que de bavarder. C’est d’ailleurs ce que n’ont pas fait ces trois spectacles, et ce qu’ils auraient peut-être dû faire. À chaque fois, il y a comme l’impression que la pièce dure une heure pour durer une heure, quand la recherche du corps ne pouvait tenir autant de temps. Pourtant, les propositions sont fortes, et c’est d’autant plus dommage. Barons perchés, ainsi, séduit d’emblée. Sur scène, une maison comme on les aime, de bric et de broc, perdue dans la forêt, avec ses objets qui sentent bon les souvenirs, ces fenêtres détraquées et cette ambiance qu’un fantôme pourrait bien apprécier. Sur scène, un acrobate, bientôt rejoint par un deuxième. S’agit-il de son double, de son ombre, d’un souvenir, d’un ami imaginaire ? Le duo qui s’instaure sur trampoline est en tout cas étrange. Pas (ou peu) de triples saltos, mais un jeu de lâcher prise fascinant, de corps qui se laissent tomber pour mieux rebondir, dans le sens le plus inattendu possible. Une belle idée, mais qui n’arrive pas à tenir sur toute la longueur.
Artpiste est là encore un duo-trio, entre un acrobate, une musicienne et sa harpe. C’est parfois cette dernière qui prend toute la place, comme elle en a pris dans la vie de la harpiste pendant ses années d’apprentissage, et pas toujours dans le sens où on l’attend. L’idée est là encore intéressante, beaucoup de belles choses visuelles naissent sur scène, même si l’acrobate est un peu plus en retrait. L’écriture chorégraphique n’est pas encore aboutie, mais le duo tient là une idée originale, qui gagnerait peut-être, là aussi, à être plus resserrée pur gagner en force.
Enfin, Tu Olivier Meyrou avec Matias Pilet, laisse une petite note de déception. La dernière fois que j’avais vu Matias Pilet, c’était pour le formidable spectacle Nos limites hommage à Fabrice Champion. Pour Tu, l’acrobate fait encore dans l’introspection. Il repense à sa soeur jumelle, morte à la naissance, et à la façon dont cet événement a pu influencer sa vie d’acrobate. Une histoire forte, mais dont l’émotion a du mal à se matérialiser dans la proposition chorégraphique, et qui se fait bien plus par les mots de la mère de Matias Pilet. Il reste de beaux moments visuels, un travail avec le papier qui interpelle, nous sommes tout de même dans un spectacle très personnel et qui ne triche pas. Mais l’ensemble reste froid, malgré son sujet, et il est compliqué d’y entrer.
Artpiste de et avec Thomas Bodinier et Angela Laurier. Jeudi 10 mars 2016
Barons perchés de et avec Mathurin Bolze et Karim Mesaoudi. Jeudi 24 mars 2016.
Tu d’Olivier Meyrou avec Matias Pilet. Jeudi 24 mars 2016.
Questcequetudeviens d’Aurélien Bory, avec Stéphanie Fuster (danse), Alberto Garcia (chant) et José Sanchez (guitare). Dimanche 3 avril 2016.