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Saison 2016-2017 – Le Ballet du Bolchoï au cinéma / L’Âge d’or le 16 octobre

Les théâtres parisiens annoncent leur saison 2016-2017. Le Ballet du Bolchoï fait de même, en dévoilant sa prochaine saison de retransmission au cinéma via Pathé Live. L’automne sera drôle et soviétique, l’hiver classique et romantique et le printemps sortira des sentiers battus, en soufflant une brise de modernité créative dans nos cinémas. Le Bolchoï dans tous ses états ? Entre la majesté des grandes ballets classiques de Tchaikovskï, qui traversent les âges sans pâlir, la veine décalée des ballets soviétiques de Chostakovitch et les créations contemporaines de notre temps, le Bolchoï captivera les balletomanes initié-e-s comme les néophytes avides de nouvelles impressions chorégraphiques. Si la saison précédente laissait poindre des signes de dégel, celle-ci annonce carrément la fonte du lac Baïkal au plus froid de l’hiver. Décryptage des sept ballets de la prochaine saison à voir au cinéma. 

Pathé Live Bolchoi

Pathé Live Bolchoi

 

L’Âge d’or de Youri Grigorovitch – En direct le dimanche 16 octobre 2016

Une saison du Bolchoï ne serait pas savoureuse sans un ballet inaugural de Youri Grigorovitch, qui concentre à lui seul l’essence de la danse moscovite. Le chorégraphe-tsar, 89 ans, a traversé le XX siècle et porte toujours, avec un souffle sans égal, l’héritage du grand ballet soviétique. Légende d’amour, Spartacus, Ivan le Terrible, au Bolchoï, c’est lui. Vous avez aimé ses grandes fresques héroïques à la grandiloquence assumée ? Ruez-vous vers L’Âge d’or qui emprunte quelques détours cocasses dans les décors des années folles.

À voir pour – Si le Bolchoï excelle dans les classiques du XIXe siècle, il est d’abord unique pour l’héritage soviétique qu’il fait vivre de nos jours. La partition jazzy de Chostakovitch a de quoi égayer un dimanche grisâtre automnal.

À savoir – La version originale était autrement plus polémique. Créé en 1930 à Saint-Pétersbourg, le ballet suintait l’idéologie communiste. Il a néanmoins été censuré pour avoir inclus des danses occidentales dans la chorégraphie. Youri Grigorovitch a fait le choix d’une orientation plus consensuelle en replaçant l’intrigue en Russie, dans le contexte sulfureux de la Nouvelle Politique Economique. Le ton n’en est pas moins comique…

L'Âge d'or - Youri Grigorovitch

L’Âge d’or – Youri Grigorovitch

Le Clair ruisseau d’Alexei Ratmansky – Retransmission le dimanche 6 novembre 2016

Dans la lignée douloureuse de la thématique « Rire sous Staline ? », Le Clair ruisseau succèdera naturellement à L’Âge d’or. Plus audacieux dans sa relecture encore que son aîné, Le Clair ruisseau s’amuse à représenter la convivialité populaire des kolkhozes. Un brin d’humour champêtre, soutenu par une partition semi-folklorique de Chostakovitch, ne sera pas de refus en plein mois de novembre. Et cela, même si la création en 1935 de ce ballet a été suivie d’événements dramatiques.

À voir pour – Des danseur-e-s classiques débarquent dans une ferme collective à la campagne… Un prétexte tout trouvé pour enchaîner scènes comiques et ensembles folkloriques locaux. Mais Le Clair ruisseau va plus loin. Le transgenre dans la danse, ça vous tente ? L’humour irrésistible de ce ballet joue aussi sur la corde du grotesque. En témoigne cet homme sur pointes, déguisé en sylphide, qui a dézingué les zygomatiques du public russe en 1935… Et encore de nos jours !

À savoir – Le Clair ruisseau a également subi la censure de Staline. La première à Saint-Pétersbourg a remporté un franc succès en 1935 mais une fois le ballet présenté à Moscou, sous les fenêtres du Kremlin, la condamnation politique est tombée comme un couperet. Ce ballet est accusé d’infidélité à la vie réelle du kolkhoze. Le compositeur Chostakovitch était déjà dans le collimateur du pouvoir, son Clair ruisseau lui porte un coup fatal. L’un des créateurs, Adrian Piotrovsky, a été envoyé au goulag et abattu là-bas. Alexeï Ratmansky a eu à coeur de remonter ce ballet « sophistiqué et subversif » (selon ses termes) en 2003, peu avant de devenir directeur artistique du Bolchoï.

Le Clair ruisseau - Alexeï Ratmansky

Le Clair ruisseau – Alexeï Ratmansky

 

Casse-Noisette de Youri Grigorovitch – Retransmission le dimanche 18 décembre 2016

C’est le traditionnel ballet d’hiver qui réunit toutes les générations autour d’un Noël idéalisé, dans une ambiance à la féérie communicative. La musique de Tchaïkovski rappelle l’insouciance enfantine qui colore les fêtes de fin d’année passées en famille près d’un sapin coquettement décoré. Casse-Noisette est la réminiscence d’un paradis perdu. Il y a deux ans, la retransmission en direct de Casse-Noisette a enregistré un afflux record de 22.500 spectateurs et spectatrices en France dans les cinémas.

À voir pour – Le corps de ballet fait merveille dans ces variations alambiquées que bien peu de troupes maîtrisent à présent dans le monde. En outre, le physique princier de Denis Rodkine, révélé par ce ballet,  n’en finira pas de faire rêver les jeunes filles, même si elles ont dépassé l’âge de Marie depuis belle lurette. Alors, on (re)prend ses places pour se délecter d’une jolie bulle de magie, en prélude aux festivités hivernales.

À savoir – « Pas de sexe. Pas de Freud« . Non sans humour, c’est ainsi que Youri Grigorovitch avait résumé sa version de Casse-Noisette. Chaque poupée représente une nationalité différente. Une « Internationale », selon les mots du chorégraphe, dansée ? Les références soviétiques sont riches dans le domaine malgré une relecture du conte qui reste consensuelle et classique. Voir un ballet sans prendre de cachet d’aspirine, quoi de mieux avant les vacances ?

Casse-Noisette - Youri Grigorovitch

Casse-Noisette – Youri Grigorovitch

 

La Belle au bois dormant de Youri Grigorovitch – En direct le dimanche 22 janvier 2017

La parenthèse XIXe se poursuit avec un ballet-féérie dont l’esthétique pourra rappeler les magasins de confiseries d’antan… Avec le risque d’indigestion qui va avec. La rumeur dit que dans la bonne société pétersbourgeoise en 1890, on se saluait d’un « Avez-vous vu la Belle au bois dormant ? » tellement le ballet fut un succès. Il y a la musique grandiose de Tchaïkovski, la familiarité de l’argument qui évoque un conte aux uns et un dessin animé aux autres ainsi que la fin heureuse qui ravit petits et grands.

À voir pour – A priori, peu d’affinités entre une princesse aristocratique et un théâtre qui se distingue par son énergie populaire. C’est ce qui rend l’interprétation de ce ballet par le Bolchoï particulièrement intéressante. Et la fougue de certaines danseuses maison pourrait contrebalancer la débauche d’effets sirupeux de cette production – pourtant récente – d’Ezio Frigerio, Franca Squarciapino et Vinicio Cheli. Svetlana Zakharova ayant déjà été filmée lors de la retransmission de 2011, la princesse Aurore sera incarnée par une autre ballerine. La question est sur toutes les langues : mais qui va lui succéder ?

À savoir – La Belle au bois dormant est un ballet royal, hommage à la cour française et à la sobriété de l’école de danse fondée par Louis XIV. Mais ce ballet revêt forcément une dimension russe. En 1890, Saint-Pétersbourg est déjà agitée de soubresauts anarchistes et révolutionnaires quand le rideau du théâtre impérial du Mariinsky s’ouvre sur La Belle au bois dormant. Le Tsar Alexandre III a figé l’Empire dans la réaction depuis 1881. Dans ce contexte, La Belle apparait comme une consécration de l’ordre apollinien, contre les révoltes qui menacent la stabilité du régime.

La Belle au bois dormant - Youri Grigorovitch

La Belle au bois dormant – Youri Grigorovitch

 

Le Lac des Cygnes de Youri Grigorovitch – Retransmission le dimanche 5 février 2017

Un voile descend sur scène. Derrière le filigrane, une nuée de cygnes blancs disposés en triangle. Odette est parmi ces ailes qui battent avec majesté. L’exutoire salvateur du prince Siegfried se matérialise dans cet univers onirique et les spectateur-e-s, hypnotisé-e-s par cette aura d’irréalité, entrent dans le rêve avec le héros.

À voir – C’est le plus beau cygne qui soit, Svetlana Zakharova, qui égarera le princier Denis Rodkine dans des méandres psychologiques que Tchaikovsky a retranscrits avec génie. S’il ne fallait voir qu’un ballet, s’il ne fallait voir qu’un cygne, ce serait ces deux-là. Danses avec la plume a assisté à cette représentation lors de la captation en 2015.

À savoir – Dans Le Lac des cygnes de Youri Grigorovitch, Siegfried ne porte plus d’arbalète et il n’y a pas plus de chasse nocturne que de fin arrêtée. La pantomime a été éliminée au profit de la chorégraphie. Le Lac des cygnes du Bolchoï est moins l’interprétation d’un conte que la conceptualisation d’une opposition entre le monde matériel des sens et le monde immatériel de l’esprit. Rothbart n’est d’ailleurs plus un sorcier mais une force ténébreuse appelée Mauvais Génie, qui vient rappeler la dualité de l’âme humaine, en écho à Odile, le double maléfique du cygne blanc.

Le Lac des cygnes - Youri Grigorovitch

Le Lac des cygnes – Youri Grigorovitch

 

Soirée contemporaine – Hans van Manen, Leon&Lightfoot, Alexeï Ratmansky – En direct le dimanche 19 mars 2017

Contemporain et Bolchoï. Pour certain-e-s, la juxtaposition relève de l’oxymore. Pourtant, les moscovites sont férus des oeuvres néerlandaises du National Dans Theatre, une compagnie réputée pour sa plasticité exceptionnelle. Et la troupe a déjà eu l’occasion d’adopter la technique George Balanchine, base indispensable au néoclassique. Au programme : Frank Bridge Variations du chorégraphe Hans van Manen, Short Time Together de Leon&Lightfoot et Saisons russes d’Alexeï Ratmansky.

À voir pour – La soirée est contemporaine mais le vocabulaire chorégraphique est davantage néoclassique. L’initié-e sera irrésistiblement tenté-e d’aller voir comment ces artistes estampillé-e-s du sceau du classique s’approprieront une nouvelle gestuelle. Le public plus néophyte qui n’a pas pu goûter les multiples soirées mixtes que Benjamin Millepied a fait avaler à l’entonnoir à l’audience parisienne sera ravi de découvrir ces nouvelles influences. L’épure de Hans van Manen (surnommé « le Piet Mondrian » de la danse), l’intensité de Sol Leon & Paul Lightfoot, au succès mondial affirmé, et la modernité « à la russe » d’Alexeï Ratmansky surprendront les thuriféraires des classiques façon XIXe.

À savoir – Classique, néoclassique, moderne, contemporain. Le jargon balletomane est parfois opaque pour les spectateur-e-s occasionnel-le-s. Qu’est-ce que le néoclassique au juste ? Une vaste question à laquelle la spécialiste en philosophie de la danse Laetitia Basselier, rédactrice sur Danses avec la plume, a entrepris de répondre dans un article dédié aux grandes tendances de ce répertoire hétéroclite et polémique.

Frank Bridge Variations - Hans van Manen

Frank Bridge Variations – Hans van Manen

 

Un Héros de notre temps de Youri Possokhov – En direct le dimanche 9 avril 2017

À voir ! C’est le choix le plus audacieux de la série. Un Héros de notre temps est plus russe que russe : le ballet est adapté d’un roman éponyme de Lermontov qui est profondément ancré dans le patrimoine national.Des errances du désabusé Pétchorine, officier envoyé dans le Caucase, le ballet de Youri Possokhov et Kirill Serebrennikov ne retient que trois nouvelles : Bela, Taman et La Princesse Mary. Il y a une trame à connaître, une musique à assimiler et un ton à saisir. Mais quiconque s’y prépare un minimum pourra y voir les signes d’un chef-d’oeuvre marquant.

À voir pour – Danses avec la plume était à la première mondiale de ce ballet, le 22 juillet 2015, et évoquait dans son article « l’Orient désorientant » de l’oeuvre. L’utilisation de la vidéo, du chant et de la voix est particulièrement ingénieuse dans ce Héros de notre temps modernisé à la conclusion individualiste plus que jamais actuelle. Attendez-vous à être surpris-e voire perturbé-e ! Si la curiosité vous tiraille trop, découvrez dès à présent l’entrée magistrale de la princesse orientale Bela. Son destin sera tragique, comme celui de toutes les femmes qui croiseront l’anti-héros.

À savoir – « On a assez nourri les gens de douceurs, ils en ont eu l’estomac gâté : ils ont besoin de remèdes amers, de vérités décapantes« . L’esprit du roman Un Héros de notre temps pourrait ainsi être résumé par une citation de sa préface. Le ballet prend le même chemin tortueux en composant une musique aigre-douce (Ilya Demoutski) dont les accents rappellent furtivement les ballets russes de Diaghilev. C’est à la fois brillant et dérangeant.

Un Héros de notre temps, Kristina Kretova, Svetlana Zakharova, Ruslan Skvortsov

Un Héros de notre temps, Kristina Kretova, Svetlana Zakharova, Ruslan Skvortsov

Toutes les informations pratiques sur la saison 20216-2017 du Ballet du Bolchoï sont à retrouver sur le site de Pathé Live.

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