Un trait d’union, Still Life d’Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj présentait jeudi 21 septembre dans l’écrin du Pavillon Noir sa dernière création, Still Life. Variation élégante sur le thème des Vanités, celle-ci était précédée d’une pépite de jeunesse, Un trait d’union.
Comme l’écrit le poète, Antonio Machado pour le citer, « Voyageur il n’y a pas de chemin, Le chemin se fait en marchant« . Pour cette nouvelle création, Angelin Preljocaj a eu envie de se laisser porter par son inspiration, son intuition et celle de ses interprètes. Ils sont entrés en studio, une fois n’est pas coutume, sans intention particulière, avec la curiosité du promeneur qui chemine au hasard des sentiers. Leurs pas les ont conduit quelque part au XVIIème siècle, lorsque les peintres interrogeaient de leurs Vanités la futilité des passions humaines devant l’inéluctabilité de la mort.
Crânes, sabliers, globes, couronnes ou sabres peuplent donc cette pièce à l’esthétique léchée et picturale qui n’a trouvé son titre, Still Life – Nature morte en anglais – que le jour de sa première. Six danseurs et danseuses, remarquables, vêtus de simples bodys noirs que rongent quelques dentelles, enchaînent dans une dramaturgie circulaire, scènes de batailles au ralenti, duos amoureux et fougueuses chorégraphies chorales. Des entrelacs de corps, têtes ou troncs soigneusement cachés sous des cubes blancs, offrent des tableaux d’une étrangeté baroque. Une phrase longuement répétée à un rythme toujours plus soutenu force l’admiration. Une envoutante danse exécutée sur des rythmes électro enflamme la scène de son énergie vibrante.
Fort belle et emmenée par de magnifiques danseurs, nul doute que Still Life recevra le même vaste succès que La Fresque qui, créée l’année dernière à la même époque au Grand Théâtre de Provence, ne cesse de tourner et sera à l’affiche du Théâtre de Chaillot en décembre prochain. La salle d’ailleurs, lui offre une véritable ovation le soir de la première. Ovation méritée même si j’avoue pour ma part être bien plus sensible à la radicalité d’Empty Moves.
D’un format relativement court – 50 minutes – Still Life est précédée d’une pièce de jeunesse, Un trait d’union. Créée en 1989, elle fut l’une des œuvres phare du Ballet Preljocaj, et marquante pour bon nombre de spectateur.trice.s, dont je fais partie, dans les années 1990. Elle met en scène deux interprètes qui, avec violence, passion ou tendresse cherchent désespérément à entrer relation, à échapper à leur profonde solitude, sur le sublime 2ème mouvement du Concerto pour piano n°5 de Jean-Sébastien Bach. Opus éminemment délicat, il demande à ses danseurs des prouesses physiques que doit faire oublier la sensibilité de leur jeu.
Las, ce n’est pas encore le cas en ce soir de première. Si la danse est globalement bien exécutée, l’effort reste plus palpable que la finesse de l’interprétation. Gageons toutefois que cette reprise de rôle récente se bonifiera avec le nombre de représentations. L’association de Still Life et d’Un trait d’union a ceci de passionnant qu’elle offre l’occasion de voir le chemin parcouru par Angelin Preljocaj en près de 30 ans. L’évolution de son vocabulaire, acéré, membres tendus et anguleux, puis bien plus arrondi et ondulant par la suite, y apparait flagrante.
Un trait d’union et Still Life d’Angelin Preljocaj au Pavillon Noir. Un trait d’union avec Baptiste Coissieu et Redi Shtylla. Still Life avec Isabel Garcia Lopez, Verity Jacobsen, Emilie Lalande, Cecilia Torres Morillo, Baptiste Coissieu et Redi Shtylla. Jeudi 21 septembre 2017.
Still Life (précédée d’Un trait d’union)
Tirana, Albanie, dans le cadre de France Danse, le 4 octobre 2017
Théâtre National du Kosovo, Pristina, dans le cadre de France Danse, le 7 octobre 2017
Théâtre de Cahors, le 11 janvier 2018
Théâtre Municipal de Ferrara (Italie), le 15 février 2018
Maison du Théâtre et de la Danse, Épinay-sur-Seine, le 12 avril 2018
La Barbacane, Beynes, le 14 avril 2018.
Still Life (précédé de Helikopter)
Pavillon Noir, Aix-en-Provence, les 22 et 23 juin 2018
Grande Halle de La Villette, Paris, du 28 au 30 juin 2018.