Solstice – Blanca Li
Etait-ce le hasard du calendrier ou un clin d’œil ? La première de la dernière création de Blanca Li intitulée Solstice devait ouvrir la soirée de… l’équinoxe d’automne. Las ! La grève des machinistes du Théâtre de Chaillot pour cause d’ordonnances mal digérées a reporté ce spectacle ambitieux et résolument politique : « Solstice est le plus engagé de mes spectacles« explique ainsi la chorégraphe espagnole dans le programme. Engagé pour sauver notre planète « menacée par l’élévation du niveau des mers, les inondations, la sécheresse et les incendies, 8 millions de tonnes de plastique dans les océans, des dizaines de réfugiés climatiques à venir, l’extinction de nombreuses espèces animales…« .
Diantre ! On se sent presque coupable à lire la profession de foi de Blanca Li, pétrie de bonnes intentions que seuls les climato-sceptiques pourraient réfuter. Mais que peut faire et que vient faire la danse dans tout cela ? Il serait préférable souvent de ne pas lire les notés d’intentions au risque de redouter de se voir proposer un spectacle didactique sur les bienfaits du tri sélectif ! Et le petit carton glissé dans le programme et nous engageant à faire « des gestes simples pour agir concrètement pour la planète » ne rassure guère.
Mais ce qui est montré sur scène n’a que peu à voir avec un quelconque plaidoyer écologique. L’ouverture est somptueuse avec les quatre éléments naturels (l’eau, le feu, l’air, la terre) présentés en images par des danseur.se.s dédoublé.e.s dans des colonnes de lumière. Puis, sur la scène – qui finit en toboggan surmontée d’un long voile blanc qui sert d’écran – sont projetés des images de la nature : des montagnes à perte de vue, des lacs d’une pureté absolue, des océans déchainés sur la musique de Tao Gutierrez interprétée par Bachir Sanogo qui joue à l’avant-scène.
Sur cette scénographie à couper le souffle s’élancent les 14 interprètes : torse nu pour les hommes, en justaucorps couleur chair pour les femmes comme pour donner une illusion de nudité qui nous fait revenir à l’être humain premier, tribal. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une mise en chorégraphie de l’origine de l’humanité. Entre cri primitif et rythmes africains, les artistes semblent représenter une tribu en lutte pour défendre son environnement. Il y a de l’énergie, de la vitesse, des bonds. Mais chaque scène s’étire à l’excès. Les phrases chorégraphiques se répètent ad libitum et distillent très vite une sensation d’ennui. Il y a cependant des moments superbes dans Solstice, comme lorsque les danseur.se.s recouvert.e.s de draps dansent au rythme des drapés insufflés par deux ventilateurs géants. Une scène semblable est reproduite plus tard, avec cette fois des projections d’images qui se mêlent aux costumes alors que les danseur.se.s sont enlacé.e.s.
Autre moment très drôle où chacun.e s’empare d’un énorme saladier en bois qui sert tour à tour de percussion, puis de coiffe géante. Mais là encore, la séquence gagnerait à être plus ramassée. Même constat pour le tableau final qui se joue sur la terre qui va petit à petit envahir le plateau : les danseur.se.s dessinent alors des figures sur le sol alors que s’enchainent des solos ou des duos de qualité technique très inégale.
Que serait Solstice sans l’impressionnante scénographie de Pierre Attrait et les images de Charles Carcopino ? Blanca Li n’a pas à sa disposition un matériau chorégraphique suffisant pour un spectacle d’une heure et 40 minutes. Il y aurait eu de quoi faire un jolie pièce beaucoup moins longue. Les accents de hip-hop du spectacle et les performances acrobatiques sont parfaitement écrits et réalisés. Mais cela ne contrebalance pas les faiblesses d’une chorégraphie sauvée des eaux par son scénographe. Qui dira un jour aux chorégraphes qu’ils sont leurs pires ennemis ?
Solstice de Blanca Li (chorégraphe), Pierre Attrait (scéniographie),Charles Carcopino (images) et Tao Gutierrez (musique) au Théâtre de Chaillot. Avec Yacnoy Abreu Alfonso, Peter Agardi, Rémi Bénard, Jonathan Ber, Julien Gaillac, Joseph Gebrael, Yann Hervé, Aurore Indaburu, Alexandra Jézouin, Pauline Journé, Margalida Riera Roig, Gaël Rougegrez, Yui Sugano, Victor Virnot et Bachir Sanogo avec (musique). Mercredi 5 octobre 2017. À voir jusqu’au 13 octobre et en tournée.
Hilda
Une critique qui résonne Beaucoup car J’ai exactement le même avis. La scénographie est magnifique, les danseurs sont superbes mais û peu plus d’efficacité aurait permis de mettre leur qualité encore plus en valeur! j’ai quand même passé une excellente soirée!