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Callas de Reinhild Hoffmann – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Du courant du Tanztheater – le théâtre dansé – le public francophone ne connaît souvent plus qu’aujourd’hui que Pina Bausch. Pourtant, dans les années 1980, elles étaient trois en Allemagne : PinaSusanne Linke et Reinhild Hoffmann. Si la première est devenue le mythe que l’on sait, les deux autres sont restées plus oubliées pour le public de ce côté du Rhin. Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, a voulu y remédier en proposant par sa compagnie la reprise de Callas de  Reinhild Hoffmann. Tanztheater plus théâtre que dansé si l’on doit le comparer à Pina Bausch, l’oeuvre retrace, non pas la biographie de Maria Callas, mais les grands enjeux de la personnalité de la diva, les sacrifices, la quête d’absolu qui a guidé tous les aspects de sa vie. Plus de 30 ans après sa création, Callas reste une oeuvre forte, aux images marquantes. Même si le Tanztheater ne se laisse pas apprivoiser facilement par les interprètes. 

Callas de Reinhild Hoffmann – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Qui était Maria Callas ? Une immense chanteuse d’opéra, une femme de caractère, une femme aux innombrables fragilités, une personne qui n’a voulu que l’absolu toute sa vie, sur scène et en dehors, même lors de sa chute. C’est ce portrait qu’a voulu retracer Reinhild Hoffmann. « Je n’ai jamais eu l’intention de faire une biographie« , explique la chorégraphe. « Ce n’est pas intéressant lorsque l’on n’utilise pas les mots. Finalement, cette histoire peut être celle de chaque femme« . Rideau rouge et fauteuil de velours, le spectacle se place toutefois clairement dans le cadre du théâtre, lieu où s’est érigé le mythe Maria Callas. Travail acharné, femme devenue idole puis objets des hommes, star au firmament avant la chute dans une profonde solitude… Les tableaux à la profonde théâtralité retracent un parcours hors-normes, mais qui est finalement celui de toute tragédie. L’ombre de la Callas plane sur le spectacle à travers la musique – uniquement des extraits d’opéra chantés par la cantatrice – mais l’histoire racontée est celle du drame humain, celui où l’on se brûle les ailes. Histoire à la fois hors-norme et finalement banale tant la chute ne peut être que brutale après une telle montée au pinacle. 

Reinhild Hoffmann a créé Callas il y a plus de 30 ans. L’oeuvre porte son époque sans toutefois sembler démodée, « Callas est une oeuvre datée dans le bon sens du terme« , aime préciser Philippe Cohen. De fait, les différents tableaux s’imposent par leur force dramatique. Il y a une longue scène où des femmes se glissent entre des hommes maniant des fouets, ajoutant à une emprise dramatique une crainte physique. Il y a la naissance de l’idole, où un homme s’enrubanne dans des étoles et des robes avant d’être porté sur en triomphe sur un piano, remontant doucement le plateau, les fouets étant devenus des bouquets de fleurs. Il y a cette scène terrible où l’idole devient femme-objet, manipulée par les hommes (qui n’ont pas forcément l’idée de faire du mal, mais restent faibles face à la faiblesse) et n’étant plus capable de diriger les choses. Il y a la chute, dans une profonde solitude, où le rideau rouge et les sièges de velours ont disparu. Et il y a cette scène troublante où le fantôme de Maria Callas se fait plus explicite, lorsqu’il n’est dans les autres scènes que sous-entendu. Sur l’Habanera de Carmen, danseurs et danseuses arrivent sur scène dans un costume rappelant ceux de la Callas. La robe à volants de Carmen bien sûr, la longue robe de la Traviata, la robe blanche de la Somnanbule, le kimono de Madame Butterfly… Qui, dans cette salle de 2017, a vu la Callas en chair et en os dans l’un de ces rôles ? Peu, pour ne pas dire personne. Pourtant, chacune de ces apparitions interpelle et rappelle des souvenirs. La diva est rentrée dans l’imaginaire de chacun.e, c’est aussi à ça que l’on reconnaît les artistes éternel.le.s. 

Callas de Reinhild Hoffmann – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Compagnie à la base classique habituée aux changements de style, le Ballet du Grand Théâtre de Genève s’est essayé pour la première fois au Tanztheater avec Callas. Une rencontre qui n’a pas été évidente. Il a fallu d’abord comprendre pour les danseurs et danseuses ce qu’était le Tanztheater, d’où il venait et comment était-il né. « Mon éducation d’artiste s’est faite avec la modern dance américaine et Laban, qui m’ont donné des outils pour toute ma carrière, de danseuse, de professeure, de chorégraphe« , explique Reinhild Hoffmann. « Le Tanztheater cherche à exprimer quelque chose au mieux, avec son corps, les gestes du quotidien, les costumes, la musique, les lumières. Et de se demander toujours : quelle est la nécessité ? Que veut-on vraiment exprimer ?« . Callas danse peu finalement, les artistes de la compagnie n’ont pas à y dévoiler leur virtuosité, mais à « donner de la grandeur aux petits gestes« , continue Philippe Cohen.

Et l’apprentissage n’a pas forcément été évident. Sur scène, lors de la première scène, les interprètes sont impliqués jusqu’au bout des doigts et des têtes, mais faire vivre des émotions de cette façon ne semble pas encore faire sens chez eux et elles. Le Tanztheater demande du temps pour être intégré. Si la pièce résonne aujourd’hui, elle semble au début avoir des interprètes encore trop sur la réserve. La troupe a forcément besoin de temps pour s’y glisser, et évolue d’ailleurs tout au long du spectacle. Si on les sent presque hésitant.e.s à l’ouverture, la scène des fouets évoquée plus haut apporte un engagement physique qui change beaucoup dans la façon des artistes d’être sur le plateau. Une évolution qu’il sera intéressant de suivre si la troupe a la chance de partir en tournée avec cette oeuvre décidément pas comme les autres. 

Callas de Reinhild Hoffmann – Ballet du Grand Théâtre de Genève

 

Callas de Reinhild Hoffmann par le Ballet du Grand Théâtre de Genève à l’Opéra des Nations. Avec Yumi Aizawa, Céline Allain, Louise Bille, Ornella Capece, Diana Duarte, Léa Mercurol, Tiffany Pacheco, Sara Shigenari, Lysandra van Heesewijk, Madeline Wong, Valentino Bertolini, Natan Bouzy, Zachary Clark, Armando Gonzalez Besa, Xavier Juyon, Juan Perez Cardona, Simone Repele, Sasha Riva, Geoffrey Van Dyck et Nahuel Vega. Mardi 10 octobre 2017. À voir jusqu’au 17 octobre.

 

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