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1968 – 2018, le Ballet de Lorraine célèbre en beauté ses 50 ans

Voilà donc un demi-siècle que le Ballet de Lorraine fait danser Nancy. Et le reste du monde puisque la troupe ne cesse de tourner, en témoignent leurs tout prochains voyages à Saint-Pétersbourg ou Bruges. Pour célébrer l’évènement comme il se doit, ses deux directeurs, Petter Jacobsson et Thomas Caley, ont concocté un programme tout en réjouissances.

Happening Birthday de Petter Jacobsson et Thomas Caley – Ballet de Lorraine

Ils ont d’abord créé en guise d’apéritif un Happening Birthday, mêlant 35 amateur.rice.s et danseur.se.s. Les un.e.s s’époumonent joyeusement dans les couloirs et le hall de l’opéra, avant que les autres ne donnent sur le plateau une version débridée des fameuses danses serpentines de Loïe Fuller, au son d’une techno tonitruante jouée live. Puis ils ont dessiné un pont entre 1968 et 2018, entre passé et présent, en faisant entrer à leur répertoire le naturaliste et mythique RainForest de Merce Cunnigham et en commandant une création à l’iconoclaste newyorkais Miguel Gutierrez, Cela nous concerne tous.

Inspiré des souvenirs d’enfance de Merce Cunningham, qui grandit non loin des forêts humides de la péninsule Olympique au Nord-Ouest des Etats-Unis, RainForest fut créé en mars 1968. Écrite pour trois danseurs et trois danseuses, cette pièce associait au chorégraphe deux autres artistes majeurs de la scène américaine : David Tudor, disciple de John Cage qui devint le directeur musical de la Merce Cunningham Company à la mort de celui-ci, et Andy Warhol, qui accepta que soient utilisés ses Silver Clouds.

RainForest de Merce Cunnigham – Ballet de Lorraine

Coussins argentés emplis d’hélium, ils lévitent ou gisent sur le plateau au grès de leurs envies, créant un paysage vivant et poétique. Les interprètes, vêtus d’académiques de couleur chair, se meuvent dans ce décor avec une gestuelle toute animale, que vient souligné une musique électronique évoquant des chants d’oiseaux. Dans une série de solos, duos, ou trios très organiques, ils disparaissent du plateau pour ne plus y revenir une fois leur partition dansée, excepté l’un d’entre eux. On connait la difficulté du vocabulaire du maître américain : dissociation du torse et des membres, jeu de jambes virtuoses, changements incessants de direction et de rythme. Les danseurs et danseuses du Ballet de Lorraine s’en emparent avec brio, nous emportant dans cette délicieuse rêverie tropicale. Outre leur évident talent, le fait que Thomas Caley fut l’interprète de Merce Cunningham pendant six ans n’y est sans doute pas étranger.

Changement d’époque et de décor, c’est au chorégraphe, musicien et performeur américain d’origine colombienne Miguel Gutierrez qu’est confiée une deuxième partie de programme très rose flashy. Figure de la scène newyorkaise multiprimée, son travail n’est pas inconnu du public français. Il fut en effet deux fois l’invité du festival d’Automne et plus récemment du CND. Le défi qu’il se lance avec Cela nous concerne tous est de taille, puisqu’habitué de petites formes il décide de régler cette fois une pièce pour 21 danseurs et danseuses, soit la totalité de troupe. Qui plus est, il avoue une passion pour RainForest, et une certaine pression à l’idée de partager la scène avec ce ballet mythique. Très largement nourrie d’improvisations des interprètes et magnifiée par de superbes costumes qui y jouent un rôle important, il s’est intelligemment inspiré pour cette création de documentaires sur les événements de mai 68.

Cela nous concerne tous de Miguel Gutierrez – Ballet de Lorraine

Tous et toutes en scène dès la scène d’ouverture, ils et elles portent des vêtements déstructurés très couture. Lentement l’un s’avance, puis un autre, puis encore une autre. Ils se scrutent, se cherchent, étudient vestes, jupes, inventent mille façons de les porter, échangent, partagent robes et pantalons dans des combinaisons aussi étranges qu’infinies, dévoilent des bouts de peau de plus en plus larges. Peu a peu tout s’agite et les interprètes semblent passer au fil du temps par tous les états émotionnels. Le calme inquiet du début fait place à une énergie débridée au fur et à mesure qu’ils se découvrent au sens propre comme au figuré. Dans une explosion finale qui voit s’envoler des ballons licornes ou éléphants, qu’on imagine être un hommage aux Silvers Clouds, danseuses et danseurs jaillissent dans les loges et l’orchestre, scandant « adieu » et emportant dans leur liesse un public absolument conquis. Mais que l’on ne s’y trompe pas, Miguel Gutierrez déclare aimer déclencher chez le spectateur un sentiment d’attirance mâtiné de répulsion, et comme souvent dans son travail, la joie ne nait que comme rempart à une anxiété croissante, celle d’un monde qui s’écroule.

Cela nous concerne tous de Miguel Gutierrez – Ballet de Lorraine

 

1968 – 2018 par le Ballet de Lorraine à l’Opéra national de Lorraine. RainForest de Merce Cunningham : avec Agnès Boulager, Alexis Bourbeau, Pauline Colemard, Giuseppe Dagostino, Elsa Raymond et Luc Verbitzky. Cela nous concerne tous de Miguel Gutierrez : avec Jonathan Archambault, Amandine Biancherin, Agnès Boulager, Alexis Bourbeau, Pauline Colemard, Justin Cumine, Guiseppe Dagostino, Charles Dalerci, Inès Depauw, Nathan Gracia, Tristan Ihne, Laure Lescoffy, Valérie Ly-Cuong, Sakiko Oishi, Jean-Baptiste Plumeau, Elsa Raymond, Elisa Ribes, Ligia Saldanha, Willem Jan Sas, Céline Schoefs et Luc Verbitzky. Mercredi 15 novembre 2017.

 

Commentaires (1)

  • Catherine Caffier

    « 1968 – 2018, le Ballet de Lorraine célèbre en beauté ses 50 ans
    Ecrit par : Delphine Baffour
    Voilà donc un demi-siècle que le Ballet de Lorraine fait danser Nancy… »
    Que faites-vous des 5 années qui précédent l’arrivée du BTC d’Angers à Nancy en 1978? Rosella Higthower a dirigé le ballet en 1973, Gigi Caciuelanu a pris la suite créant de nombreuses chorégraphies, remontant des ballets du répertoire, invitant des chorégraphes, etc…c’est rayer de l’histoire de la danse nancéenne une période riche artistiquement. Je suis à votre disposition pour davantage de précisions.
    Cordialement Catherine Caffier

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