La Hofesh Shechter Company à Paris
Mardi 14 février 2012. Uprising et The Art of Not Looking Back de Hofesh Shechter, par la Hofesh Shechter Company, au Théâtre des Abbesses.
Le cerveau aime bien mener sa vie lors d’un spectacle, en dehors de ce qui se passe sur scène. Certains soirs, tout va bien, l’attention est à 1000 % retenue sur ce qu’il y a devant soi. D’autres fois, l’esprit part parfois bien loin du théâtre.
Au début d’Uprising, le mien était pourtant concentré. La Hofesh Shechter Company était inconnue à mon bataillon, qui ne demande qu’à s’agrandir. La lumière vive accroche l’œil, le rythme est vif… Mais imperceptiblement, la pensée s’en va.
Les regards fermés des danseurs laissent perplexes, leur colère sourde incomprise. Contre qui se battent-ils ? A défaut de sens, il faut donc se concentrer sur autre choses, les costumes par exemple. Tiens, ces baggys me rappellent la ligne de Gap. Je n’ai pas fait beaucoup les soldes cette année. Quelle tête fait mon voisin de gauche ? Journée crevante, vivement les vacances. Je partirai bien au Brésil si je suis titularisée. J’ai une interview tôt demain, j’espère que ça ne va pas finir trop tard ce soir. Donc Brésil en août, je vais tomber en hiver là-bas, mais il ne devrait pas faire trop froid. Brésil… carnaval. Carnaval… Venise. Venise… pâtes. J’ai faim. Un trip en Amazonie, ça peut le faire ? Quelle tête fait mon voisin de droite ? Je ne dois pas oublier de lui parler des Enfoirés demain. J’ai faim, j’ai faim, j’ai faim. Mais pourquoi le programme parlait de pièce « militante », contre quoi cette chorégraphie milite ? Et sinon, je pars où en avril ? Avril… le 12… je fais une grosse fête pour mes 30 ans ou un truc tout simple ? J’ai VRAIMENT faim, là. Je crois que j’aimerais bien une grosse fête. Ces baggys, ça fait un peu militaires. Ohhhh…
Et là, l’attention se fige et revient comme une fulgurance au théâtre. Elle a saisi. Ou en tout cas a réussi à donner un sens à la pièce, tant pis si ce n’est pas celui du chorégraphe.
Les sept danseurs ont tous une allure agressive, mais gardent la tête baissée. Ils bougent ensemble, plus guidés par un ordre que par une envie commune. Et si, s’il y avait une envie « militante », ce serait contre l’armée ? Comment un groupe peut détruite une âme pour le forcer à rentrer dans le rang. La danse, sans être d’une originalité folle, sait attirer l’œil par son énergie et une certaine puissance. Les corps se jettent au sol avec une certaine violence.
Mais la pièce parle de « soulèvement » (cf : le titre). Alors forcément, ces danseurs finissent par s’unir et former un autre collectif, celui où chacun pourra s’exprimer. Peace & love, comme dit l’image finale où le groupe s’assemble pour porter le plus haut possible un drapeau rouge.
The Art of Not Looking Back, la deuxième pièce, démarre au niveau de l’attention de la même manière que la première. Selon le programme toujours, parait-il qu’elle serait féministe dans son propos. Mais l’attention, là encore, s’en va très vite. Et pour ne jamais revenir.
Le chorégraphe nous raconte ici sa vie, et sa mère qui est partie quand il avait deux ans. Il part (au micro) dans de grandes réflexions personnelles sur la situation de la femme déjà archi-entendues pendant que six danseuses évoluent sur scène.
Le point entre ce qu’on entend et ce qu’on voit ? Mystère ? La danse en elle-même n’arrive pas non plus à retenir l’attention, sans grande saveur ni surprise.
La musique enfonce le clou du pénible, étant composée de cris poussés à leur maximum dans les amplis. Je sais, déclarer que, « cette musique, quelle horreur pour les oreilles« , ça vous catalogue tout de suite comme une vielle réac. Mais c’était bien ce soir physiquement difficilement supportable, au sens propre du terme, tant le son des cris était fort et aigu. Même pas pu penser à la suite de mes vacances.
Studioincovent
Content que Uprising vous ait plu! Shechter est tres populaire ici a Londres, et presente souvent des performances un peu plus rocks avec une partie du public debout devant la scene, comme a un concert. Ca donne de l’ambiance!
Je voulais juste commenter sur votre phrase:
« Et là, l’attention se fige et revient comme une fulgurance au théâtre. Elle a saisi. Ou en tout cas a réussi à donner un sens à la pièce, tant pis si ce n’est pas celui du chorégraphe. »
Pour moi, si chaque membre du public donne le sens qu’il souhaite a la piece, je trouve que c’est une marque de reussite – ca montre que la piece est dense, mais aussi ouverte aux interpretations, et c’est particulierement important pour des pieces un peu abstraites.
Si, au final, ce n’est pas ce que l’artiste souhaitait exprimer, c’est qu’il s’y est mal pris (et que le public n’a pas compris peut etre). En tout cas, j’aime la diversite dans les interpretations! 🙂
Amélie
@Studioincovent: merci pour cet avis ! C’est toujours chouette d’avoir des regards extérieurs. Un spectacle de danse ambiance concert ? L’expérience doit être intéressante.
ghislaine
Nous sommes nombreux en Angleterre a suivre et apprecier cette compagnie hors du commun et qui est bien de son temps. La France a encore un long chemin a faire pour accepter ce qui sort du traditionnel et du deja vu. A chacun de se faire sa propre idee: que beaucoup aillent voir ces danseurs qui s’expriment avec beaucoup d’emotion et une technique hors du commun. Vous ne serez certainement pas laisses indifferents apres leur spectacle- du pur plaisir .
studioincovent
@Amélie : Oui, ambiance concert – la musique est live, et comme celle de Shechter est pleine de guitares electriques et percussions, ca rend bien!
petitvoile
Compagnie contemporaine au top de la branchouille du moment chez les danseurs !
cagole
j’ai découvert cette compagnie il y a 2 ans exactement , alors EN SPECTACLE à Lisbonne , simplement en remarquant le visuel disposé dans des distributeurs de cartes à disposition dans des petits bars , annonçant des évènements culturels (expo, spectacles …)
quand j’ai vu les postures sur la photo de la carte , j’ai immédiatement voulu voir les mouvements , les dynamiques , , les imaginant déjà en partie (je suis une amatrice et pratiquante de danse de très longue date ) tout en réalisant que j’allais sans doute assister à quelque chose que j’attends et dont j’ai besoin depuis longtemps
J’ai eu de la chance , il restait des places pour le lendemain
Les conditions de spectacle à Lisbonne ont été excellentes , les portugais n’ont rien à envier aux parisiens spectateurs du théâtre de la ville !
J’ai tout de suite compris que je venais de découvrir quelqu’un dont on allait entendre parler ; et comme dit Ghislaine
Depuis je suis de près ses tournées et suis retournée en novembre le voir à Cannes avec d’autres amatrices de danse après desquelles je l’ai fait connaitre : leur avis , « enfin ça fait du bien » prolonge mes sensations vécues encore cette fois ….
ON A ENVIE DE FAIRE PARTIE DE LA COMPAGNIE !!!