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La Bayadère : épisode 3

Mercredi 4 avril 2012. La Bayadère de Rudolf Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Svetlana Zakharova (Nikiya), Stéphane Bullion (Solor), Ludmila Pagliero (Gamzatti), Emmanuel Thibault (L’Idole dorée), Héloïse Bourdon, Charline Giezendanner et Laurence Laffon (les trois Ombres), Aubane Philbert (Manou), Grégory Dominiak (L’Esclave), Allister Madin (Le Fakir), Stéphane Phavorin (Le Rajah), Yann Saïz (Le Grand Brahmane), Sarah Kora Dayanova et Cyril Mitilian (les Indiens).

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Cette soirée fut bien particulière. Inégale serait peut-être le mot plus approprié. D’un côté, Svetlana Zakharova qui irradiait la scène de sa présence et de sa théâtralité. De l’autre, le corps de ballet qui était visiblement fatigué, ou en avait assez, mais la magie n’était plus là. Chaque soliste était son rôle, mais pas vraiment les uns avec les autres. Cela a donné de très beau moments, mais une représentation au final assez décousue.

Stéphane Bullion paraît d’emblée en forme avec son entrée bondissante du premier acte. Son Solor n’est pas un gentil garçon, mais aussi un guerrier, ce qui ne transparaissait pas forcément chez les autres interprètes du rôle. Allister Madin est en face de lui un fakir bondissant et très investi, qui porte le corps de ballet masculin, alors que les filles ont l’air un peu lassé.

La-bayadere_Allister-Madin_Fakir.jpgL’action se déroule sans encombre, mais chacun n’attend qu’une chose : l’apparition de la star russe. Et elle n’a pas déçu. Dès que son voile est relevée, Svetlana Zakharova annonce la couleur : le drame. En Russie, on ne vit pas les sentiments à moitié. Si l’on pleure, ce ne sont pas des larmes de crocodiles, si l’on aime, c’est jusqu’à l’absolu.

Svetlana Zakharova n’y va pas quatre détours, et affiche une théâtralité qui peut surprend le public parisien au début, mais qui vite emporte tout le monde. Chacun de ses mouvements attire la lumière, respire le personnage. Sa Nikiya n’est peut-être pas la plus poétique du monde, mais cette danseuse est une star, une vraie. Quand elle entre sur scène, les, autres sont éclipsés, et les regards sont irrémédiablement attirés sur elle.

Sa première variation dévoile un haut du corps particulièrement expressif. Svetlana Zakharova est tout en bras. Stéphane Bullion s’efface dans le pas de deux, mais personne ne s’en plaint. Porté par l’enjeu, Ludmila Pagliero surprend dès son entrée par son jeu très incisif. Elle n’a aucune envie de se laisser faire, ni par cette simple Bayadère Nikiya, ni par cette star de la danse. La confrontation entre les deux coupe le souffle d’intensité, la guerre est déclarée.

Le deuxième acte malheureusement a moins régalé. Les danses se passent, sans encombre, mais est-on véritablement passionné parce que l’on voit ? Le corps de ballet semble compter le nombre de soirées avant la fin, la flamme de la première a disparu. Même le magnifique costume  de l’Idole Dorée d’Emmanuel Thibault, toujours aussi brillant, n’arrive pas à ranimer la magie, et l’interprète semble fatigué.

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Seule exception, Aubane Philbert a livré une très jolie danse Manou, entourée d’adorables Petits Rats toujours aussi à l’aise. Cela confirme donc l’adage : tout passage avec un Petit Rat est so cute. La danse indienne fait également toujours son petit effet, portée ce soir-là par Sarah Kora Dayanova et Cyril Mitilian très en forme.

L’on attend Nikiya en fait, plus ou moins patiemment. Et Ludmila Pagliero, malgré tous ses efforts, n’arrive pas à combler le vide. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à cette danseuse, rien du tout en fait. Sa prestation est très solide techniquement, l’artiste est investie, autoritaire, princesse, tout ce qu’il faut. Mais cela manque cruellement de personnalité, et sa Gamzatti, même assurée, n’en reste pas moins sans surprise.

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Puis l’Etoile arrive, et le silence se fait. Si Svetlana Zakharova réussit une variation proche de la perfection, c’est surtout dans la coda, tout feu, tout flamme, qu’elle éblouit de nouveau la salle.

Malgré une mort dramatique, l’histoire du couple se cherche pourtant encore. Stéphane Bullion était toujours formidablement investi, mais l’alchimie n’arrivait pas à se faire. Chacun faisait très bien son travail, mais chacun de son côté.

Le troisième acte s’est heureusement sorti de ce faux pas. Si les deux danseurs ne sont pas forcément émotionnellement sur la même longueur d’onde, leur danse est s’accordent. Ils ont sublimé l’esthétique de la chorégraphie, pour en faire un vrai grand moment. Et si dans le premier acte, Svetlana Zakharova était tout en bras, elle a également montré dans ce final qu’elle était aussi tout en jambe. Chacun de ses gestes respirent la danse, la beauté. Galvanisées, les 32 Ombres font un travail admirable. Il n’y a pas d’histoire, il n’y a plus de drame. Il y a juste la Danse.

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Les saluts ont offert une véritable ovation à l’Etoile Russe. Véritable star, elle salue toute seule, en rajoutant un port de bras avant sa révérence. Au deuxième salut, Ludmila Pagliero a compris le truc, et a aussi rajouté aussi un port de bras, pour s’incliner en même temps que la star. La guerre est déclarée jusqu’au bout.

Commentaires (13)

  • « Véritable star, elle salue toute seule, en rajoutant un port de bras avant sa révérence. Au deuxième salut, Ludmila Pagliero a compris le truc, et a aussi rajouté aussi un port de bras, pour s’incliner en même temps que la star. La guerre est déclarée jusqu’au bout »

    hello ! Hum…. Je crains de devoir réclamer une traduction, je ne suis pas sûre de comprendre les tenants et aboutissants de la déclaration de guerre que tu décris ?

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  • Estelle

    N’ayant pas pu assister à la représentation c’était l’article que j’attendais avec impatience. Je ne suis absolument pas déçu ! =D>

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  • Sissi

    J’ai été un peu déçue par cette soirée (enfin tout est relatif, ce ballet est magnifique et j’ai passé une très bonne soirée !), j’ai trouvé en effet que c’était trop inégal. Svetlana Zakharova a été admirable et du coup j’ai trouvé que Stéphane Bullion était en retrait, trop en retrait, et donc la représentation manquait d’équilibre. Je suis en tout cas très heureuse d’avoir découvert Svetlana Zakharova.
    Très bonnes vacances et vivement les prochains articles ! 😉

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  • licorne

    Svetlana Zakharova est une danseuse magnifique, c’est incontestable ! et la soirée était magnifique, certes. Toutefois… et cela n’enlève pas à cette représentation les qualités admirables dont tout le monde parle, mais rien ne peut me faire oublier l’enchantement de la proposition artistique de Héloïse Bourdon dans le rôle de Nikiya qui reste par sa fraîcheur et son intelligence une interprétation inoubliable pour la saison . Et précisément loin de tout artifice de star, avec des jambes et des bras justes aussi bien que dans la recherche d’une dramaturgie toute en finesse et exceptionnellement poignante. Le trio avec Bullion et Pagliero fonctionnait déjà à merveille le 24 Mars. N’oublions pas non plus la prise de rôle de Myriam Ould-Braham, notre « princess Myriam » étonnante dans le personnage ,qui elle aussi dans l’acte blanc et sans en modifier la chorégraphie, était absolument magnifique. C’est vrai que les Russes en jettent pas mal et que c’est génial de pouvoir être là pour vivre les émotions particulières que laissent leur venue à Paris , mais je trouve personnellement aux interpretes de l’ONP une dimension plus onirique.

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  • Bernard

    je cherche une place pour le 15 :-**-:
    Ca serait génial !

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  • benedicte

    Je regrette beaucoup de n’avoir pu voir cette représentation, d’autant plus que j’ai été très déçue le 7 mars par Josua Hoffalt, je trouve que L. Pagliero n’est pas très jolie, détail qui ne compte peut-être pas mais qui moi me gêne (cf E. Platel !).

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  • a.

    bravo pour votre billet très clair et intéressant – mais très drôle aussi ! Franchement, je ne vois pas trop comment Ludmila luttera contre Svetlana… ce sont deux mondes, non? Les Russes ont une âme, tout de même (je ne dis pas que les autres n’en ont pas!), et ça laisse rêveur… quand tout va bien, les Français ont du style, de l’esprit, qui n’est pas l’âme. Mais j’avoue que, de ce point de vue, certaines étoiles me laissent perplexes…

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  • elisa

    Magnifique Nikiya que nous a offert S. Zakharova, très moyenne Gamzatti de Ludmila Pagliero, que franchement je ne comprends pas sa nomination d’étoile ainsi d’ailleurs que J. Hoffalt 👿

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  • mariie

    Très beau spectacle, une Nikiya extraordinaire et enfin un vrai Solor incarné par Stéphane Bullion, cela change de J. Hoffalt, Gamzatti moyenne

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  • @ tous et toutes : Merci pour vos différents avis !

    @ Klari : Alors je résume. En général, quand tu fais une révérence, tu lèves un bras puis tu saluts. Zakharova lève un bras, puis l’autre, et salut. Donc techniquement, elle avait un temps de retard sur les autres, lorsque tous les solistes saluent en même temps sur la même ligne. Les solistes saluaient quand elle levait son second bras, et quand elle saluait, les autres avaient finis et se mettaient en retrait. Visuellement, elle faisait donc une révérence seule, les autres solistes derrières, et recevait tous les applaudissements (je ne sais pas su c’est plus clair).

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  • Compris ! (sisisi, c’est très clair !)

    (la coquine, quand même)

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  • aliceines

    Bonjour ,

    Coucou me revoilà… bon je ne suis pas une spécialiste loin de là, et dans mon lointain Limousin, je me contente des vidéos, des (rares) retransmissions télé (cqfd la dame aux camélias ce week end), amis si je peux me permettre, les étoiles russes, il y a juste un truc qui me gène, c’est que j’ai toujours l’impression de voir une ancienne gymnaste, qui certes lève très haut la jambe, mais qui donne plus dans le spectaculaire que dans l’émotion… ce n’est que mon humble avis…. merci,encore pour la tenue de ce blog et des commentaires..

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  • Berengere

    Je suis totalement tombée amoureuse de cette magnifique danseuse que je ne connaissais pas avant de voir La Bayadère ( le 02/04). Elle est unique, sublime, une Grace majestueuse, elle me donne la chair de poule, elle éblouie à l’image de son prénom. Et le fossé est net avec le reste des danseurs.

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