Alonzo King Lines Ballet – Biophony et Sand
L’Alonzo King Lines Ballet, troupe américaine fondée par Alonzo King en 1982 à San Francisco, était de passage cet automne en France. La compagnie a notamment présenté deux pièces à la Maison de la Danse de Lyon, Biophony et Sand, bien représentatives de la danse du chorégraphe. Une danse qui se veut résolument néo-classique, sur pointes ou non, avec comme interprètes des danseurs et danseuses aux multiples origines, souvent trop grand.e.s pour entrer dans une compagnie de danse classique de répertoire. Biophony surprend par son univers onirique propice à l’imagination ; Sand joue plus sur la musicalité de façon plus convenue. Dans les deux cas, deux pièces portées par de superbes interprètes à la physicalité et au charisme percutants.
Créé en 2015, Biophony a été chorégraphié par Alonzo King en collaboration étroite avec le compositeur Richard Blackford et Bernie Krause, artiste qui enregistre des paysages sonores. La musique n’est pas ainsi une partition traditionnelle, mais une suite de sons de la nature (bruits du vent, des arbres, des animaux) enveloppée d’un orchestre complexe. De fait, elle porte déjà à entrer dans un autre univers. Les douze danseurs et danseuses en scène sont les habitant.e.s de ce monde, étrange, pas tout à fait humains, mais vraiment animaux non plus. Un peu entre les deux ? Ou alors un souvenir d’un monde passé où être humains et nature vivaient plus en harmonie.
La pièce mêle habilement pas de deux, solos et ensembles, de façon classique dans ce genre de ballet abstrait. L’inspiration des interprètes apportent tout le sel et l’originalité de la pièce. Et c’est un peu une journée qui se déroule sous nos yeux : le lever du soleil, l’éveil de la nature, les petits drames du quotidien, les rencontres, deux inconnu.e.s qui s’apprivoisent avant le retour à la nuit. Il y a pourtant peu de chose en scène, un décor et des costumes au minimum. Mais les danseurs et danseuses, habilement mêlées aux sonorités, créent un monde à part, onirique, aussi mystérieux que séduisant. Au centre de cet univers à part, Courtney Henry mène la danse, d’une beauté fracassante, aux lignes interminables et à l’énergie animale qui occupe la scène d’un souffle lumineux.
La deuxième pièce de la soirée, Sand, a été créée par Alonzo King en 2016. Sur le fond comme la forme, elle est un peu plus convenue et moins surprenante en soi. Le chorégraphe s’inspire de la musique de deux figures emblématiques du jazz américain : Jason Moran et Charles Lloyd. Il laisse sa danse se couler dans la musique, y prendre ses appuis. Là encore, solos et moments de groupes se mêlent avec l’efficacité dont Alonzo King a l’expérience. Chacun.e sur scène sert le groupe, apporte son grain de sable à la force collective, tout sachant y exister par lui.elle-même. Un tout assez attendu, donc, dans l’univers de la danse néo-classique américaine. Sand emporte toutefois, malgré ses 45 minutes (ce qui peut être long lorsque le.la chorégraphe n’est pas spécialement inspiré.e). La magie opère grâce aux danseurs et danseuses, tous.tes plus formidables et magnétiques les un.e.s que les autres. Alonzo King est profondément musicien, et aime viscéralement cette énergie jazz. Ses interprètes le sont tout autant, faisant vivre la musique comme jamais par leur corps formé au classique qui semblent ne pas avoir de fin et de limites. Tous et toutes occupent la scène avec une force et une beauté étonnante, faisant de Sand un beau moment de danse. Et de l’Alonzo King Lines Ballet une compagnie décidément séduisante.
L’Alonzo King Lines Ballet à la Maison de la Danse de Lyon. Biophony et Sand d’Alonzo King. Avec Shuaib Elhassan, Jeffrey Van Sciver, Babatunji, Michael Montgomery, Robb Beresford, Adji Cissoko, Courtney Henry, Madeline DeVries, Yujin Kim, James Gowan, Maya Harr et Kendall Teague (artiste invité). Mercredi 20 janvier 2017. À voir le 3 mars à Biarritz, puis du 8 au 16 mars au Théâtre de Chaillot avec The Propelled Heart.