A la découverte des Trocks
Mardi 25 septembre 2012. Les Ballets Trockadero de Monte-Carlo aux Folies Bergère. Quatre ballets : Le Lac des Cygnes, Go For Barocco, La Mort du Cygne et Valpurgeyeva Noch.
J’aurais voulu commencer cette chronique par une accroche bien originale, à l’image du spectacle. Et puis rien de bien spirituel ne me vient, alors je vais faire simple et commencer par les présentations.
Les Trocks, le public. Le public, les Trocks.
Les Trocks donc, comme ils s’appellent, les Ballets Trockadero de Monte-Carlo en version longue, sont une troupe unique à tous les points de vues. Ce ne sont que des hommes, qui reprennent à leur façon les grands ballets classiques. Ces danseurs y jouent tous les rôles, y compris donc les féminins, sur pointes et en tutus. Un spectacle transformiste, un drag show ? Pas que. De la danse ? Certainement. Un spectacle gay ? Tout de même un minimum, même si le directeur de la troupe s’en défend. Un moment d’humour ? Sans aucun doute. Mais c’est surtout le mélange de tout ça qui crée ce spectacle unique, et évite toute lourdeur dans la caricature.
Leur Lac des Cygnes (acte 2 et une partie du 3), donné en début de spectacle, en est d’ailleurs le meilleur exemple. C’est leur tube, et on comprend pourquoi. Le début démarre plutôt comme une parodie d’un ballet classique. Le château est de pacotille, les éclairs censés faire peur sont parfaitement kitch. Le Prince a l’habit parfait, la chevelure parfaite, mèche blonde au vent, et l’air affairé du danseur qui ne sais pas vraiment jouer la comédie. Vous savez, cette petite moue, ces yeux qui roulent un peu, et cette course un peu partout sur scène pour bien montrer que l’on cherche quelque chose. Attention tout de même, nous sommes en pleine forêt, il y a quelques crottes de chien qui semblent traîner sur le sentier.
Odette est elle-aussi la parfaite caricature de la ballerine-star. Moue qui se veut inspirée, grande aptitude à se mettre devant, et tout sourire face au public. Le fait qu’elle soit jouée par un homme, et plus baraqué que le Prince, ajoute bien sûr au comique. Mais petit à petit, le ballet quitte cette seule posture. Parce que les Trocks, ils dansent, sur pointe et plus que bien. La chorégraphie de Petipa est revisité de façon savoureuse, multipliant les clin d’œil et se moquant si malicieusement des danseurs et danseuses classique qui se prennent trop au sérieux. Le public lambda rigole, le-la balletomane est tordu-e de rire, surtout face aux quatre petits cygnes qui ne savent pas vraiment quoi faire de leur tête.
Et petit à petit, on oublie qu’il n’y a en face de nous que des hommes, ce qui nous avait fait rire au tout début. Les genres se floutent, les barrières entre les sexes disparaissent. Un homme en cygne, finalement, pourquoi pas ? Et ce prince aux traits si fins, ce ne serait pas une femme déguisée en homme ? (mon voisin me fera part de ses doutes à la fin du spectacle). Un homme sur pointes, en quoi c’est drôle finalement ? Ça l’est quand le danseur ne sait pas s’en servir, ce qui n’est pas du tout le cas ici, la technique est même impressionnante. Ce qui fait tout cet humour, c’est la posture de l’homme, son maquillage, son sens de l’humour et sa façon de jouer avec les clichés du ballet et des sexes. On se prend même à se demander pourquoi un-e chorégraphe n’a jamais eu cette idée : un prince changé en cygne par un sortilège qu’une princesse veut sauver.
C’est en fait presque dommage que les Ballets Trockadero aient démarré leur spectacle parisien par ce Lac des Cygnes. Car dans ce ballet, tout est dit sur cette compagnie, leur humour, leur état d’esprit, leur technique, leur ambivalence. Et forcément, les pièces suivantes paraissent un peu moins fortes.
Go For Barocco qui suit évoque tout de suite pour l’œil averti une œuvre de Balanchine. Tiens, ça tombe bien, il y en a eu plein à Garnier la veille, et on reconnait quelques ports de bras sortis tout droit de Sérénade. On s’amuse des trouvailles et des méandres trop compliqués des danseurs, mais il faut tout de même connaître Balanchine pour s’en amuser, ce qui exclut en grande partie le public non-habitué.
Leur Mort du Cygne, autre tube des Trocks, m’a un peu plus laissé sur ma faim. Ici, c’est un cygne qui perd ses plumes, et meurt comme un pigeon. Le début est gentiment drôle, avec le projecteur cherchant en vain sa ballerine. Pour le reste, les gags n’étaient pas forcément évidents à saisir. Peut-être est-ce une question d’interprète aussi. Nous avions droit à un grand baraqué, il parait que cela marche mieux avec un homme plus filiforme, et plus à même d’imiter ces ballerines russes répétant leur Mort du Cygne inlassablement sur toutes les scènes du monde.
Le spectacle se clôt sur le savoureux Valpurgeyeva Noch. Là encore, les clichés sur la danse classique sont repris à la volée. Imaginez, l’Olympe, Monsieur et Madame habillés de toges, quelques nymphes innocentes tout voile à la main et une flopée de Pan malicieux. On est ici dans la caricature d’un acte de divertissement à la française. La musique est on ne peut plus tarte à la crème (désolé Gounod, mais c’est un peu vrai tout de même), et l’ambiance délicieusement gay friendly.
Les Pan se croient plus à la techno-parade que sur une scène de ballet, et l’on devine sans problème que ce joyeux petit monde se retrouve une fois le rideau tombé pour de touts autres genres de folâtreries. Les nymphes agitent leur voile, Monsieur veut impressionner avec ses sauts, Madame multiplie les ballonnés sur pointes, et cela se finit tout sourire… dans une parfaite gigue irlandaise.
Les Ballets Trockadero, jusqu’au 7 octobre 2012 aux Folies Bergère de Paris.
Fab
Je les ai vus hier (28 septembre) et ce qui m’a le plus marqué, c’est la technique de certains danseurs, la beauté de leurs mouvements. Juste avant le Go for Barocco, nous avons eu droit à un extrait de l’acte III du Lac avec l’entrée en scène d’Odile. Peu de gags pendant ce moment mais, si je ne me trompe pas, une reprise quasi pas pour pas de la chorégraphie originale. Le danseur, qui interprétait Odile, avait des bras et des jambes magnifiques. Il nous a gratifiés d’une série de fouettés d’anthologie, passés tout en douceur. C’était fascinant. Homme? Femme? Cela n’avait plus d’importance tant le cygne était beau. Pour ce qui est de la mort du Cygne, c’est un danseur filiforme qui avait endossé le rôle. Sa silhouette n’avait rien à envier à celle de certaines danseuses. Du coup, le côté gag était peut-être plus fin, plus délicat. J’ai passé, en tout cas, une excellente soirée. La salle n’était pas pleine. C’est dommage. Il faut aller les voir!
Amélie
@Fab:J’ai beaucoup aimé cet acte 3 aussi… On quitte la veine du burlesque pour de la danse pure, et l’on se rend compte à quel point Le Lac peut être bourré de clichés de genre. Un homme cygne, mais vraiment pourquoi ? Cela semble tellement normal et logique en les voyant.
Joelle
Nous sommes allés hier soir samedi et avons adoré le spectacle. Les pointes de ces Messieurs étaient impeccables, pas évident quand on y pense pour certains grands gaillards qui portaient allègrement leur 1m90 et 100 kilos de muscles ! 😆
Un spectacle étonnant et humoristique, qui vaut le détour !
Sissi
Je suis allée les voir hier soir et j’ai passé une merveilleuse soirée ! Ils savent en effet très bien mettre en avant tous les clichés, attitudes des danseurs et en plus la technique est présente. C’est un vrai plaisir et je recommande vivement ce spectacle.