Valentine Colasante nommée Danseuse Étoile – Retour sur un Don Quichotte entre panache et émotion
Il y avait une multitude de bonnes raisons pour assister ce 5 janvier à l’avant-dernière représentation de cette série de Don Quichotte, qui s’est achevée par le couronnement inattendu de Valentine Colasante. Le ballet académique se fait si rare à Paris qu’il est difficile de résister à l’envie de découvrir ce que de nouvelles et de nouveaux interprètes peuvent y apporter. Et ce dernier couple surprise – Valentine Colasante et Karl Paquette – avait tous les ingrédients pour nourrir les rêves de balletomanes.
Karl Paquette est évidemment une des raisons pour lesquelles il ne fallait pas manquer cette soirée. À 41 ans, le vétéran des Étoiles voulait montrer une dernière fois qu’il est un grand danseur à l’âge où tous les autres ont depuis longtemps abandonné le rôle de Basilio, si exigeant physiquement et techniquement. Et si l’on pouvait ici ou là relever le poids de la fatigue, il reste une interprétation pleine de charme, facétieuse, et un partenaire dont les qualités sont inégalées. Karl Paquette n’a cessé durant ces trois actes non seulement d’accompagner en toute sécurité Valentine Colasante, mais aussi de la faire resplendir.
Et c’est ce qui explique qu’aucune trace de trac ne transparaissait, ce qui aurait pourtant pu être le cas pour la ballerine, remplaçante sur le rôle principal et qui n’a été titularisée que deux jours plus tôt, suite à une blessure d’Amandine Albisson. Valentine Colasante fait une entrée fracassante, énergique et fait croire d’emblée à ce personnage improbable de Kitri. Tout lui réussit dans ce premier acte, entre une variation des castagnettes nette et propre et des pas de deux parfaitement exécutés, grâce à Karl Paquette qui pour cette ultime incarnation de Basilio avait décidé de ne pas se ménager. Le public eut droit ainsi aux fameux portés à une main, tenus qui plus est. Ces moments de pure pyrotechnie font tout le sel de ce ballet. On peut faire sans cela mais c’est toujours mieux si cette virtuosité s’exprime là où il faut. Valentine Colasante est en toute confiance et peut donc tout risquer.
Ce début impeccable lui permet de développer sa danse en toute liberté au deuxième acte dans la vision de Dulcinée. Superbement entourée par Hannah O’Neill en Reine des Dryades et Sévérine Westermann en Cupidon, Valentine Colasante délivre une danse très technique, maitrisée, avec des équilibres époustouflants qui feront aussi leur effet lors du Grand pas du troisième acte. Là encore, ces équilibres ne sont pas indispensables. Mais ils ajoutent ce je-ne-sais-quoi qui ravit aussi bien néophytes que balletomanes avertis. La série de fouettés avec éventail – l’une des plus belles de cette série de Don Quichotte – vaut enfin à la danseuse une ovation méritée qui laissait entrevoir la possibilité d’une nomination.
Karl Paquette fut lui aussi très applaudi. À plusieurs reprises, il est venu à l’avant-scène afin de prolonger ces applaudissements pour cet adieu à un rôle qu’il a beaucoup dansé. Karl Paquette fera ses adieux dans un an, probablement sur cette même scène avec Cendrillon de Rudolf Noureev. En le voyant à la manœuvre, comment ne pas se demander qui pourra demain le remplacer ? La compagnie lui est redevable plus qu’à tout autre danseur pour avoir sauvé des séries de représentations où il enchainait les soirées à un rythme infernal, pour remplacer ses collègues blessés ou indisponibles. Même si tout n’est pas parfait, sa danse généreuse, son humour, ses qualités fantastiques de partenaire feront grandement défaut à l’Opéra de Paris.
Pendant les applaudissements, la Directrice de la Danse Aurélie Dupont fit son apparition sur scène côté cour. Les habitué.e.s savent que cela annonce une nomination d’Étoile, même si l’on s’étonne que le directeur de l’Opéra Stéphane Lissner ne soit pas à ses côtés. « Ce qui va se passer ce soir, c’est quelque chose auquel je pense depuis longtemps, mais je ne pensais pas que cela arriverait ce soir, sinon j’aurais fait un effort vestimentaire. Mais ce soir, j’ai l’immense plaisir de nommer Valentine Danseuse Étoile« , explique Aurélie Dupont, la voix nouée par l’émotion. Difficile de décrypter ces mots qui semblent contredire le choix des distributions pour cette série de Don Quichotte. Valentine Colasante n’était pressentie que comme remplaçante et elle fut appelée en dernière minute après le forfait d’Amandine Albisson. Du côté des hommes, aucun Premier danseur ne fut sollicité pour le rôle de Basilio et Aurélie Dupont a préféré faire appel à Isaac Hernandez pour remplacer Josua Hoffalt. Ce qui ne peut manquer d’inquiéter celles et ceux qui font des rêves étoilés. Il semble que le remplacement inopiné soit désormais la voie royale pour accéder au panthéon.
Valentine Colasante démarre donc à 28 ans une nouvelle étape de sa carrière. Il est évident au vu de sa prise de rôle à Paris dans le rôle de Kitri qu’elle dispose de toutes les qualités pour développer son art. Elle a montré sur la scène de Bastille un aplomb formidable qui lui a permis de briller dans celui de Danseuse de rue ou comme Première Demoiselle d’honneur. Elle ne pouvait rêver meilleur partenaire que Karl Paquette pour l’emmener vers cette nomination. Et ce fut une belle image, ce passage de témoin entre générations. Dernier Basilio pour Karl Paquette à Paris, toute première pour Valentine Colasante. C’est la loi du genre : dans ce firmament-là, des Étoiles s’éclipsent, d’autres naissent…
Laura
Très bel article pour une belle nomination ! Et une nouvelle étoile à suivre de près. Merci !
Dubois-Labiche Elizabeth
Une Étoile est arrivée comme une Météorite..
Il faut croire aux Miracles, elle en est la preuve..
C’est un Étoile Diamantée.
Elizabeth.