Valentine Colasante nommée Danseuse Étoile – Retour sur son début de carrière
Valentine Colasante a été nommée Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris le 5 janvier dernier, suite à une représentation de Don Quichotte de Rudolf Noureev où elle dansait le rôle principal de Kitri. Entrée à l’École de Danse de l’Opéra de Paris à l’âge de 9 ans, elle a gravi tous les échelons du corps de ballet doucement, mais sûrement. Peu distribuée au départ, Valentine Colasante s’est imposée par un travail acharné, replaçant au pied-levé une danseuse blessée, sachant se fondre dans un répertoire varié (elle a d’ailleurs régulièrement été choisies pour des créations). Retour sur son début de carrière, jusqu’à sa nomination d’Étoile, via les archives de Danses avec la plume.
Née en 1989, Valentine Colasante démarre la danse classique à l’âge de six ans, en suivant tout d’abord les cours du célèbre professeur Max Bozzoni, qui a entre autres formé Patrick Dupond, Agnès Letestu ou plus récemment Héloïse Bourdon. La danseuse suit ensuite un parcours classique, en entrant à l’École de Danse de l’Opéra de Paris à l’âge de 9 ans, en 1998, en même temps que Fanny Gorse ou Lydie Vareilhes. L’établissement est alors dirigé par Claude Bessy. Valentine Colasante passe les différentes divisions, redoublant comme cela est fréquent sa première division, pour mieux réussir son entrée dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris en 2006, à l’âge de 17 ans. Elle y est reçue en même temps qu’Amandine Albisson et Mathieu Botto. Peu avant, elle a ses premiers rôles de solistes lors du spectacle de l’École, dans Entre deux rondes de Serge Lifar ou Divertimento n15 de George Balanchine.
Les débuts sont un peu long dans le corps de ballet, Valentine Colasante doit attendre 2010 pour être promue Coryphée, puis Sujet l’année suivante, avec la Sérénade de Suite en Blanc de Serge Lifar en variation libre. Avec ce poste de demi-solistes, les rôles commencent à arriver. Valentine Colasante participe ainsi à l’entrée au répertoire de Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker, la reprise d’Un jour ou deux de Merce Cunningham, danse William Forsythe ou John Neumeier, l’une des Ombres de La Bayadère. Elle n’a pas de rôle principal comme d’autres consoeurs Sujets, mais assure sa place dans des personnages de demi-caractère, comme celui de Madame Hermine dans Les Enfants du Paradis de José Martinez (« Mention spéciale à Valentine Colasante truculente« ).
Novembre 2012, le Concours de promotion des Sujets femmes est très attendu, avec plusieurs danseuses remarquées et distribuées dans des rôles de premier plan, comme Mathilde Froustey ou Héloïse Bourdon. Valentine Colasante ne fait pas partie de la liste des favorites ou des distribuées. C’est pourtant elle qui obtient le poste de Première danseuse avec une variation de Carmen, à l’issue d’un concours où personne, véritablement, ne dominait outrageusement sa classe. Alors qu’elle n’a quasiment aucune expérience de soliste, voilà Valentine Colasante en lumières. Les débuts ne sont pas évidents. Il manque l’expérience, et le public la boude alors que ses chouchous – distribuées dans des rôles d’Étoiles – sont sur la touche. Personne n’attendait Valentine Colasante, personne ne l’avait forcément vu venir dans le corps de ballet, elle n’a d’ailleurs reçu ni le Prix AROP ni le Prix du Cercle Carpeaux, récompensant de jeunes talents.
Mais Valentine Colasante s’accroche, travaille comme une acharnée, et se fait une place doucement mais sûrement, notamment dans les rôles secondaires de caractère. Si au début elle assure techniquement mais ne se fait pas vraiment remarquer, elle y apporte de plus en plus de tempérament. Elle danse ainsi Dadje dans La Source, Effie dans La Sylphide de Pierre Lacotte, Prudence dans La Dame aux camélias de John Neumeier, la Princesse Florine dans La Belle au bois dormant. Elle interprète ce pas de deux avec François Alu dans le rôle de l’Oiseau bleu, formant un joli partenariat avec le Premier danseur. Ils n’ont pas vraiment la même cote de popularité, lui déjà Étoile dans le coeur du public, charismatique naturellement en scène, elle plus discrète au premier abord. Les deux artistes n’ont pas forcément les lignes ou le style parfait de l’Opéra de Paris, mais ils mettent beaucoup de coeur et d’énergie dans ce qu’il.elle.s font, et forment un couple de danse qui fait ses preuves au fil des saisons.
Les années passent et les directions changent, Valentine Colasante poursuit sa trajectoire en douceur. Benjamin Millepied ne l’inclut pas forcément dans son petit groupe de création, il lui préfère l’éclatante Hannah O’Neill. Mais la Première danseuse continue d’être honorablement distribuée, dans L’Anatomie de la Sensation de Wayne McGregor (« Le dernier duo de la pièce, entre Valentine Colasante et Vincent Chaillet, est plein de peps et d’humour« ), In Creases de Justin Peck, Thème et variations de George Balanchine là aussi avec François Alu (« Les puristes du style ont dû grincer des dents, ils n’étaient pas dans la pure élégance à la française. Mais les deux artistes savent faire le spectacle et apporter, justement, tout ce pétillant nécessaire à ce ballet« .), Gamzatti dans La Bayadère (« Sa grande variation manque ainsi de ce brio éclatant, mais la danse est là. Surtout, la danseuse propose un personnage construit« ). Valentine Colasante entre dans la case de la danseuse qui ne fait pas forcément rêver au premier abord, contrairement à Dorothée Gilbert qui brille en scène au moindre pas, mais qui fait bien son job, qui croit en ce qu’elle fait, qui propose des personnages construits avec intelligence. Et qui tient, ainsi, les ballets.
Aurélie Dupont arrivant à la direction ne change d’ailleurs pas grand-chose aux distributions de Valentine Colasante. Elle danse Myrtha dans Giselle (« Valentine Colasante a l’autorité requise pour incarner la reine vengeresse des Willis« ) ou Bella Figura de Jiří Kylián. Son début de saison est réussi, entre un brillant Joyaux de George Balanchine et l’Élue du Sacre du Printemps de Pina Bausch. Pour la série de Don Quichotte, Valentine Colasante est distribuée comme une Première danseuse sur qui l’on peut compter, sans toutefois penser à la nommer Étoile. Elle danse ainsi à de nombreuses fois la Danseuse de rue ou la Première demoiselle d’honneur. Remplaçante sur Kitri, elle est titularisée quelques jours avant la fin de la série suite à une blessure d’Amandine Albisson, récompense logique pour une danseuse qui assure tout au long de la saison, et qui pourrait correspondre avec naturel au rôle. Mais Aurélie Dupont aime les surprises, et décide sur la représentation de nommer Valentine Colasante Danseuse Étoile. À peine son titre arrivé, la danseuse part en janvier à l’étranger pour des galas avec le groupe Les Italiens de l’Opéra de Paris, formé par Alessio Carbone. Par la suite, elle est attendue dans le rôle de Lyceion dans Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied, en mars.
Nanae
Bravo à Valentine Colasante !! Que ce nouveau statut lui permette d’embrasser plein de rôles qui l’épanouiront et captiveront le public en retour.
Je sais que ce que je vais dire a été rabâché, mais bon, on est là pour réagir… Comme vous le soulignez, puisqu’elle forme un bon couple avec François Alu, ce serait sympa qu’il soit un peu mieux/ davantage distribué cette année.
J’apprécie les autres danseur.se.s, mais ça devient triste/frustrant/agaçant (rayez la mention inutile) de ne pas le voir là où on l’attendrait. Sans même parler d’un titre d’étoile !
Il y a des choses qu’on ne sait pas, du point de vue du public, mais il n’empêche. Il n’a pas volé sa place de 1er danseur, alors, « rendez-la-lui » (et tant pis si je parle dans le vide 😉 !
Giulia
J’aurais préféré voir Hanna O’Neill être nommée étoile.
J’espère qu’elle ne restera pas » dans l’ombre » …
Lili
Personnellement je suis assez heureuse de ce choix. Si au départ j’ai été surprise par la nouvelle, voire un peu déroutée, je suis finalement heureuse. Je sens que V. Colasante va devenir une « Paquette » au féminin, c’est-à-dire une danseuse fiable, technique, sympathique et que je serais heureuse de voir sur ma fiche de distribution en sachant que je ne serais jamais déçue par le spectacle qu’elle nous donnera. Bien sûr il ne faudrait que des étoiles comme Gilbert qui illumine dès leur entrée en scène mais il n’y en a finalement qu’une ou deux par génération… J’apprécie aussi de voir des danseuses et danseurs qui sont a priori moins charismatiques mais qui se révèlent pleinement investis et brillants.
J’ai été surprise de sa nomination en tant que 1ère danseuse et j’ai eu alors bêtement un a priori négatif autour de cette danseuse. Or, lors d’un spectacle de la Bayadère j’avais été attirée par elle alors qu’elle dansait une ombre et je l’avais trouvé supérieure à toutes ses compagnes et j’avais changé mon jugement depuis.
Je trouve également que c’est un bon signe pour la compagnie de nommer des danseuses qui n’ont pas forcément les lignes ODP. J’avais peur qu’avec Aurélie Dupont à sa tête, la cie ne devienne un temple au purisme et à l’obsession des lignes – voire même à la simple beauté plastique -, alors que la danse était tellement plus qu’un simple corps bien proportionné et longiligne… J’espère que cela permettra à d’autres danseuses et danseurs merveilleux qui sont plus petits ou plus musclés d’être aussi mis en avant et de garder espoir !