Scena Madre d’Ambra Senatore – Une danse théâtre de l’absurde
Créée lors du dernier Festival d’Avignon, la pièce Scena Madre écrite par Ambra Senatore était présentée au Théâtre des Abbesses dans le cadre d’une tournée en France. Aux commandes du Centre chorégraphique National de Nantes depuis deux ans, la chorégraphe italienne est entourée sur scène de deux danseuses et quatre danseurs. Le spectacle se propose de puiser dans nos réminiscences cinématographiques communes pour » y puiser ces moments et ces détails furtifs qui permettent d’ouvrir l’imaginaire« .
Ambra Senatore a longtemps collaboré avec Jean-Claude Gallota et fait des incursions du côté du théâtre avec le metteur en scène Georges Lavaudant. Interprète, chorégraphe, elle est aussi une historienne de la danse contemporaine et son processus créatif est empreint de ces interrogations théoriques. C’est encore le cas dans Scena Madre qui signifie « scène mère. Mais cet équivalent ne fait pas sens en français : Scena Madre, c’est ce qui désigne la scène principale d’un film, ce moment « où l’intrigue se révèle« .
Tout le spectacle est construit sur la répétition ad libitum de cette scène pivot. Le premier épisode débute avec un danseur seul sur scène à genoux sur le plateau, qui est encadré en fond de scène et côtés cour et jardin de vastes tentures d’où entrent et sortent les sept interprètes. Toutes et tous sont habillés en vêtements de ville. Ils courent en avant ou en arrière. Un climat étrange s’instaure dont on pense qu’il est un prologue avant de comprendre ce principe de la répétition de séquences. Chacune débute de manière identique avec le même danseur seul à genoux sur le plateau. Mais à chaque occurrence sont introduits de nouveaux éléments : des bruits insolites comme la sirène d’un bateau, des textes qui surgissent et semblent appartenir à des dialogues de cinéma comme une femme qui disparaît. Et puis ce leitmotiv derrière le rideau au fond du plateau qui s’entrouvre pour laisser voir assise sur un tabouret un femme qui épluche des pommes de terre. Effet facile mais hilarant !
Et la danse dans tout cela ? Elle est limités à la portion congrue et se compose essentiellement de courses, de poursuites ou d’affrontements. Il y a comme une frustration qui s’installe mais ce sont les dialogues de plus en plus loufoques et absurdes qui sauvent le spectacle. On rit de bon cœur à cet univers déjanté et à ce comique de répétition émaillé de gags et qui n’est pas exempt de délicatesse : « L’humain traverse toutes mes pièces. Je cherche une danse qui rencontre les gens et propose une relation humaine laissant place à la fragilité, au doute, au sens critique, au partage et à l’humour…« , revendique Ambra Senatore dont le travail s’inscrit résolument dans le courant de la danse-théâtre qui domine aujourd’hui la scène contemporaine.
De ce point de vue, le pari est réussi : Scena Madre est un spectacle joyeux qui dessine un théâtre de l’absurde souvent réjouissant. On n’a jamais le temps de s »ennuyer une seconde dans ce happening débridé qui débute piano pour s’achever fortissimo. Il n’est pas sûr ceci dit que la danse y trouve tout à fait compte.
Scena Madre d’Ambra Senatore au Théâtre des Abbesses. Avec Matteo Ceccarelli, Lee Davern, Elisa Ferrari, Nordine Hamimouch, Laureline Richard, Antoine Roux-Briffaud et Ambra Senatore. Dimanche 4 février 2018. À voir en tournée.