Hofesh Shechter fait son Show
Après le triomphe de Grand finale l’été dernier, Hofesh Shechter revient au Théâtre des Abbesses avec une pièce de dimension plus modeste. Le chorégraphe a proposé à un groupe de jeunes danseur.se.s âgé.e.s de 18 à 25 ans de réinterpréter une de ses œuvres, Clowns qu’il avait créée en 2016 pour le Nederlands Dans theater. Un ballet survolté gavé d’adrénaline qui convient parfaitement à ces jeunes interprètes.
Il y a une filiation évidente dans ce projet intitulé Shechter 2. Le chorégraphe israélien basé à Londres reprend à son compte l’idée initiée par Jiří Kylián au NDT : fonder à côté de la compagnie mère une troupe de jeunes interprètes. À ceci près que le groupe sélectionné par Hofesh Shechter parmi un millier de candidatures est éphémère : une nouvelle troupe est ainsi constituée chaque année et collabore sur un projet artistique. Il a choisi cette fois de proposer aux jeunes talents de retravailler Clowns, pièce survitaminée qui avait fortement séduit le public lors de sa création pour le NDT.
Pour ne pas se répéter, Hofesh Shechter a écrit pour cette reprise un prologue et un épilogue pour encadrer sa pièce. Mais le cœur du spectacle s’appuie sur la chorégraphie originelle de Clowns où les danseur.se.s sont propulsé.e.s dans un mouvement perpétuel. De l’univers du cirque, on retrouve les lampions qui dessinent comme un chapiteau et des costumes qui évoquent ici un Pierrot lunaire, là des saltimbanques à jabots. Joyeuse troupe de huit artistes qui dansent à toute allure sur une partition écrite par le chorégraphe, soit une composition électro qui s’articule sur un rythme répété de percussions. Et on retrouve là le style propre à Hofesh Shechter, qui confine parfois à la transe tribale dans une géométrie de l’espace savamment maitrisée. Le chorégraphe sait produire de belles images magnifiées par des éclairages qui jouent sur le clair-obscur.
En rebaptisant ce spectacle Show, Hofesh Shechter joue sur le double sens du mot qui signifie spectacle ou représentation mais aussi montrer. Et ce qu’il y a à voir sur scène, c’est ce jeu incessant entre les huit interprètes du groupe, pris tour à tour dans des ensembles hypnotiques dansés sur les percussions saturées de la musique et des saynètes mimant un jeu cruel, où chacun et chacune s’égorge successivement, tombe à terre et se relève. La séquence est reprise ad libitum avec des variations qui dessinent une atmosphère fellinienne à la fois joyeuse et inquiétante, à la frontière du rêve et du cauchemar. La conclusion est sans appel : le travail d’Hofesh Shechter exerce toujours un fort pouvoir de fascination. Il n’y a aucun bavardage dans ses chorégraphies et chaque instant du spectacle est nourri par le mouvement, qu’il soit collectif ou individuel. Les huit jeunes interprètes, quatre danseuses et quatre danseurs, sont de plus déjà très aguerris techniquement et offrent un Show galvanisé par leur énergie.
Hofesh Shechter s’est imposé à une vitesse météorique comme un chorégraphe à la fois singulier et populaire. Il poursuit une carrière multiforme avec sa compagnie, sur Broadway et bientôt à l’Opéra de Paris où il va reprendre et revisiter pour la troupe The Art of not looking back. S’il parvient à insuffler la même énergie, ça va décoiffer !
Show de Hofesh Shechter par la compagnie Shechter II au Théâtre des Abbesses. Avec Robinson Cassarino, Emma Farnell-Watson, Natalia Gabrielczyk, Adam Khazhmuradov, Neal Maxwell, Zunnur Sazali, Juliette Valerio et Riley Worlf. Dimanche 8 avril 2018. À voir jusqu’au 21 avril et en tournée internationale.